Bon nombre d’alpinistes ont dû modifier leurs plans cet été dans les Alpes : la canicule a rendu plusieurs objectifs populaires, comme le mont Blanc et le Cervin, beaucoup trop périlleux pour être tentés. C’est un exemple des effets négatifs des changements climatiques sur le monde de l’alpinisme.

« C’est triste de voir ça, mais en même temps, il va y avoir un nouvel équilibre qui va permettre de regrimper ces voies-là », affirme Christophe Kinnard, professeur au département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), spécialiste en glaciologie et alpiniste amateur.

Dès le milieu de l’été, les associations de guides professionnels ont cessé d’offrir l’ascension du mont Blanc, le plus haut sommet de l’Europe occidentale, par la voie normale, qui passe par les refuges de la Tête rousse et du Goûter. Ils ont également cessé de guider le Cervin, à la frontière de la Suisse et de l’Italie. Il était devenu trop dangereux de parcourir ces voies en raison de chutes de pierres de plus en plus massives et fréquentes.

Décongelation

Christophe Kinnard explique le phénomène. « La roche est gelée en place par un pergélisol de montagne. Lorsqu’il y a de grandes canicules comme celles de cet été, on va gruger plus loin dans le pergélisol et ça déloge du matériel meuble. Des rochers qui étaient congelés en place vont se détacher. On a beaucoup plus de décrochements de parois, d’effondrements et d’avalanches. »

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTIOPHE KINNARD

Le professeur et spécialiste en glacialogie Christiophe Kinnard, sur le terrain

Dès la mi-juillet, le préfet de Haute-Savoie et le maire de Saint-Gervais ont recommandé de ne plus faire l’ascension du mont Blanc par la voie normale en raison des chutes de pierres. Le maire Jean-Marc Peillex, qui n’a pas la langue dans sa poche, a constaté qu’il y avait encore « des hurluberlus candidats à la mort » qui voulaient accéder au sommet du mont Blanc. De guerre lasse, il a ordonné la fermeture des refuges de la Tête rousse et du Goûter pour contrer les « fous et inconscients qui nous bouffonnent ».

La fin de la canicule et quelques précipitations ont amené le maire à permettre la réouverture des deux refuges le 20 août dernier. Il a toutefois fait quelques mises en garde.

  • La voie normale du mont Blanc traverse le couloir du Goûter, très dangereux en raison des fréquentes chutes de roches.

    PHOTO PHILIPPE DESMAZES, AGENCE FRANCE-PRESSE

    La voie normale du mont Blanc traverse le couloir du Goûter, très dangereux en raison des fréquentes chutes de roches.

  • L’ascension du mont Blanc est un objectif populaire pour les alpinistes.

    PHOTO DENIS BALIBOUSE, REUTERS

    L’ascension du mont Blanc est un objectif populaire pour les alpinistes.

  • Le Cervin, à la frontière de la Suisse et de l’Italie, est un important attrait touristique.

    PHOTO GETTY IMAGES

    Le Cervin, à la frontière de la Suisse et de l’Italie, est un important attrait touristique.

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La voie royale d’accès au sommet du mont Blanc par Saint-Gervais, dite du Goûter, est et restera un itinéraire d’alpinisme, elle ne sera jamais l’attraction phare d’un grand parc de loisirs où les rochers qui chuteraient seraient en polystyrène. Cet itinéraire ne peut pas non plus être un lieu d’entraînement pour traileurs en short et baskets, en manque de globules rouges.

Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais

Les glaciers aussi

Il n’y a pas que les chutes de pierres qui inquiètent. Le 3 juillet dernier, en Italie, une section du glacier de la Marmolada s’est effondrée, provoquant la mort de 11 randonneurs.

PHOTO MARCO BERTORELLO, AGENCE FRANCE-PRESSE

La fonte du glacier Planpincieux à Courmayeur, en Italie, cause des soucis.

« Depuis quelques années, on assiste à une recrudescence des effondrements de glaciers, indique Christophe Kinnard. Ce n’est pas quelque chose qui était très commun avant. » Il explique que les glaciers dits tempérés fondent de manière presque continuelle en été (pour reprendre du volume en hiver).

« Il est normal que l’eau s’infiltre à la base. Ça permet au glacier d’avancer, mais il y a toujours des points d’ancrage. Mais s’il y a trop d’eau, le glacier perd ces points d’ancrage et va se mettre à flotter sur une couche d’eau, ce qui peut occasionner des décrochements catastrophiques avec les effets qui s’ensuivent : avalanches de débris, de glace, d’eau. »

PHOTO YANNICK FLEURY, ARCHIVES LA PRESSE

Le glacier Athabasca, près de Jasper, dans les Rocheuses, connaît aussi une fonte importante.

Le professeur de l’UQTR revient des Rocheuses, où il donnait un cours de géographie sur le milieu des montagnes. Au cours des années, il a remarqué d’importants reculs de glaciers. Il y a toutefois quelques éléments encourageants à l’horizon.

« Pour une majorité des gens, la prise de conscience est faite, estime-t-il. Si on n’est pas dans l’action, on est au moins dans la volonté d’action. »

Christophe Kinnard croit notamment que les jeunes sont plus sensibilisés que les générations précédentes et qu’ils adoptent davantage de petits gestes susceptibles d’aider l’environnement.

Quant aux voies alpines mythiques, elles vont se stabiliser lorsque tout ce qui n’est pas consolidé va finir par tomber. En attendant, les guides locaux sont experts dans l’art de dénicher des voies plus sécuritaires, mais tout aussi excitantes.

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