Ce n’est pas d’hier qu’on regarde une montagne, qu’on admire ses lignes et qu’on a vraiment envie de l’escalader. C’est ainsi fascinant de réaliser que ce vieil homme rencontré dans un parc de la Rive-Sud, vif d’esprit, mais aux mouvements plus lents qu’auparavant, est un de nos pionniers de l’alpinisme.
Maintenant âgé de 89 ans, Donald C. Morton se rappelle encore clairement ce pic spectaculaire, le mont Thor, aperçu lors d’une expédition organisée par un professeur de McGill, Pat Baird, et le Club alpin du Canada, sur la terre de Baffin, en août 1963.
« Les équipes d’alpinistes qui étaient passées là quelques années auparavant avaient mentionné d’autres pics, comme le mont Asgard et le mont Odin, mais n’avaient pas fait allusion à celui-ci, raconte M. Morton. Étant un passionné d’escalade de roche, j’ai voulu m’y attaquer. »
Il a immédiatement fait une première reconnaissance, mais il lui faudra attendre une autre expédition du Club alpin du Canada, en 1965, pour atteindre le sommet du mont Thor en compagnie de son directeur de département à l’Université de Princeton, Lyman Spitzer.
C’est le souvenir le plus marquant de toute la carrière d’alpiniste de Don Morton.
J’ai peut-être été le premier à réaliser que c’était quelque chose de très spécial. On y trouve la plus haute paroi verticale du monde, avec 1250 m, en surplomb. C’est spectaculaire. Le fait de l’avoir identifié, de l’avoir nommé et d’en avoir fait la première ascension, c’est quelque chose !
Don Morton, à propos du mont Thor
Il souligne que le peintre A. Y. Jackson, un des membres fondateurs du Groupe des Sept, faisait partie de l’expédition de 1965. « Tous les jours, pendant qu’on partait grimper, il sortait avec son chevalet et faisait de la peinture. À la fin du camp, on a eu une petite exposition de ce qu’il avait fait. Décidément, c’était une expédition remarquable. »
Continents et équipement
Don Morton a fait de l’alpinisme sur tous les continents (sauf l’Antarctique, regrette-t-il), avec notamment plusieurs premières ascensions au Canada et au Pérou. Et tout cela, en menant une brillante carrière d’astrophysicien. Il a notamment été directeur du Télescope anglo-australien, dans la province australienne de New South Wales.
Il profitait de ses voyages entre l’Australie et le Royaume-Uni, et des conférences auxquelles il participait dans le monde, pour caser des expéditions d’alpinisme. « J’ajoutais toujours mon équipement d’alpinisme à mes bagages. »
Avec les années, il a vu l’équipement se moderniser. Heureusement, à l’époque, les cordes de nylon dynamiques étaient déjà en usage. « C’était un progrès important parce qu’elles avaient de l’élasticité lors des chutes. »
Les mousquetons en aluminium commençaient à faire leur apparition. « J’avais quelques mousquetons en acier… ils étaient vraiment lourds à traîner. »
Les crampons avec pointes avant faisaient aussi leur apparition. « Ça aussi a fait une grande différence. »
Les casques n’étaient alors utilisés que pour les endroits vraiment dangereux. Toutefois, les protections amovibles, comme les coinceurs, ne sont venues que plus tard. Il fallait donc utiliser des pitons, qu’on martelait dans le rocher. « Un piton bien placé n’endommageait pas la roche. C’est lorsqu’on essayait de l’enlever qu’il y avait des dommages. C’est pour cela que je suis favorable à l’idée d’utiliser des coinceurs. »
Un jeu dangereux
Pour Don Morton, il y a un lien clair entre l’alpinisme et l’astronomie.
« J’ai toujours eu le désir d’explorer. »
Il est toujours actif dans le domaine et a cosigné un article scientifique en 2020. Il a toutefois dû mettre de côté l’alpinisme, même si, à 84 ans, il faisait toujours des randonnées jusqu’au sommet de montagnes des Adirondacks.
Les nouvelles générations font des choses fantastiques, elles repoussent les limites.
Don Morton
« Lorsque j’étais jeune, la face nord de l’Eiger représentait le défi ultime, ajoute-t-il. Maintenant, certains le font en solo. Mais encore, de temps en temps, quelqu’un se fait mal. C’est toujours un jeu dangereux. »
C’est ainsi qu’il ne considère pas comme un échec le fait qu’il ait dû rebrousser chemin lors de certaines ascensions, notamment au mont Everest. « Je considère que ces expéditions sont quand même des succès parce que je suis encore ici, vivant. »
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