Le kayak se faufile entre les nénuphars du chenal à Pinard, dans le parc national des Îles-de-Boucherville. Avec beaucoup de chance, il sera possible d’observer une tortue serpentine qui se prélasse entre deux eaux. Mais il est plus probable de voir des tortues peintes, des canards colverts, peut-être un grand héron. Chose certaine, l’endroit est particulièrement serein.

Les choses se gâtent en ressortant du chenal pour emprunter la Grande Rivière. Le chant des oiseaux est remplacé par de la forte musique rythmée émanant de bateaux de plaisance qui font fi des restrictions de vitesse et qui vont s’agglutiner à quelques mètres du centre de location d’embarcations du parc.

On a même observé des motomarines dans le grand marécage du chenal du Courant, à l’ouest du parc, un secteur fréquenté par les castors, les rats musqués et d’innombrables oiseaux aquatiques.

Que font là ces plaisanciers, au beau milieu d’un parc national reconnu pour ses parcours de kayak et ses tranquilles randonnées en vélo parmi les cerfs de Virginie ? Les autorités se renvoient la balle et il semble que rien ne va changer dans un avenir prévisible.

« Nous sommes conscients que les bateaux à moteur localisés dans le chenal principal peuvent avoir une influence sur l’expérience des canoteurs, des kayakistes et d’autres visiteurs du parc national », déclare Simon Boivin, responsable des communications à la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq).

Il fait cependant valoir qu’il s’agit d’une situation limitée à un secteur particulier et à certaines périodes de l’année.

« Les chenaux sont des eaux navigables et, bien qu’étant situés à l’intérieur du parc national, ils relèvent de la juridiction du gouvernement fédéral, en l’occurrence Transports Canada, ajoute-t-il. Ils ne sont donc pas assujettis à la réglementation du parc national ni à l’application de la tarification d’accès. »

Il indique que la Sépaq a mis en place sur le chenal un affichage qui s’adresse aux plaisanciers et qui « véhicule des consignes de bienséance. »

« Nous misons sur cette action ainsi que sur la sensibilisation d’organismes regroupant ces plaisanciers (marinas, association maritime, etc.) pour mieux encadrer la pratique et discipliner les plaisanciers », déclare-t-il.

Nous nous efforçons d’effectuer des patrouilles nautiques régulières afin d’effectuer de la sensibilisation et de la conscientisation auprès des plaisanciers.

Simon Boivin, responsable des communications à la Sépaq

Il insiste sur le fait que la Sépaq n’a pas le pouvoir de faire appliquer la réglementation sur les parcs dans les chenaux. Il souligne toutefois que la police municipale et la Sécurité du Québec patrouillent aussi les chenaux du parc.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Les adaptes de planches à pagaie, de kayak et de canot apprécient le Parc national des Îles-de-Boucherville pour son caractère généralement paisible.

« Les plaisanciers qui ne respectent pas la loi s’exposent à des constats d’infraction, note-t-il. Le bruit excessif fait partie des infractions. »

Responsabilité municipale ?

Transports Canada se dit également consciente du problème mais rejette une partie de la responsabilité sur la municipalité de Boucherville.

« Transports Canada est au fait des activités nautiques qui ont cours dans le secteur du parc des Îles-de-Boucherville et de certains problèmes qui y sont reliés », indique Sau Sau Liu, conseillère en communications au ministère.

Elle rappelle que certaines restrictions à la navigation sont déjà en vigueur dans ce secteur, soit une limite de la vitesse des embarcations dans le Chenal du Sud, dans la Grande Rivière, dans le Bras Nord de la Grande Rivière ainsi que dans la Passe. Ces restrictions ont été mises en place en vertu du Règlement sur les restrictions visant l’utilisation des bâtiments, à la suite d’une demande de la Ville de Boucherville.

« Ce règlement permet de trouver des solutions à des problèmes de sécurité, de protection de l’environnement ou d’intérêt du public dans le cas où aucun autre texte de loi, règlement ou régime de réglementation ne s’applique et où il n’y a pas d’autre solution que de restreindre la navigation sur un plan d’eau », précise Mme Liu. Elle ajoute que la municipalité de Boucherville peut demander au gouvernement fédéral de mettre en place des restrictions supplémentaires, qui peuvent aller jusqu’à l’interdiction pure et simple de certains types d’embarcations. Ces restrictions pourraient s’appliquer en tout temps ou à certaines périodes de l’année.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

C’est la fête les beaux dimanches après-midi au parc des Îles-de-Boucherville.

« En vertu de la Loi sur les compétences municipales, il est de la responsabilité des municipalités d’assurer la sécurité sur leur territoire », explique Mme Liu.

Puisque les plans d’eau font partie de leur territoire, les municipalités doivent s’assurer de la sécurité des activités sur l’eau.

Sau Sau Liu, conseillère en communications à Transports Canada

C’est donc la Ville de Boucherville qui est responsable de l’affichage pour informer les utilisateurs du plan d’eau des restrictions existantes et d’en faire l’application réglementaire, ajoute-t-elle.

Les autorités municipales de Boucherville font valoir qu’elles ont installé des bouées nautiques aux endroits stratégiques afin de ralentir le trafic sur l’eau, notamment à 50 mètres de la rive du côté des Îles-de-Boucherville.

« La Ville travaille en partenariat avec la patrouille nautique du Service de police de Longueuil, le Service de sécurité incendie de Longueuil ainsi que la Garde côtière auxiliaire canadienne afin d’assurer la sécurité et la quiétude du fleuve et de ses abords », fait savoir Amélie Giguère, chef de service de la participation citoyenne à la municipalité de Boucherville.

Toutefois, pas un mot sur la possibilité de mettre en place des restrictions supplémentaires. Une consolation : l’hiver s’en vient et les plaisanciers risquent alors d’être beaucoup moins bruyants.