Le gouvernement fédéral a décidé de réimposer, le 28 février dernier, un visa pour la plupart des Mexicains venant au pays, une mesure entrée en vigueur dès le lendemain.

Avec des galas prévus les 7 mars (Eye of the Tiger Management) et 14 mars (Groupe Yvon Michel), les promoteurs d’ici, qui meublent la plupart de leurs évènements avec des boxeurs mexicains, ont rapidement dû trouver d’autres solutions.

Plusieurs raisons ont mené les libéraux de Justin Trudeau à ramener une mesure qu’ils avaient eux-mêmes levée en 2016. Les organisations d’ici n’avaient pas le temps de débattre du bien-fondé de la chose : ils avaient des galas à mettre sur pied.

Pour le gala de ce jeudi, présenté au Cabaret du Casino de Montréal, ce sont quatre combats sur cinq (un a été repoussé) que GYM a dû modifier, dont la finale, qui devait opposer Mathieu Germain (23-2-1, 9 K.-O.) au Mexicain Jesus Antonio Rubio.

« On est flexibles et on a des ressources. Il n’y avait aucune chance qu’on annule ce gala : Mathieu, Derek [Pomerleau] et Caroline [Veyre] n’avaient pas boxé depuis octobre, a noté Yvon Michel, président de GYM. Dès qu’Alexandra [Croft, la vice-présidente exécutive] a été mise au courant de cette nouvelle mesure, on a passé la soirée là-dessus.

« Nous avions acheté les billets d’avion pour tout le monde et nous avons été en mesure de tous les annuler, mais c’était la dernière soirée pour le faire. Si on avait réagi le lendemain, on aurait perdu 20 000 $ en billets d’avion. »

À la place, Germain devra se frotter à Zsolt Osadan (26-1-1, 17 K.-O.), un adversaire mieux classé. Et gaucher, par-dessus le marché.

« J’en suis à mon 27combat professionnel, ça ne m’a pas affecté du tout, a assuré Germain en marge de la pesée officielle de mercredi, où tous les boxeurs – même ceux dénichés à moins de deux semaines d’avis – ont fait le poids. Ça n’est pas pire que chez les amateurs, où tu te prépares en vue d’une compétition et que tu ne sais pas qui tu affronteras. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Germain (notre photo) affrontera Zsolt Osadan, ce jeudi soir, au Cabaret du Casino de Montréal.

« Chapeau à Mathieu, qui a accepté d’affronter un adversaire de cette qualité-là, un gaucher, à la dernière minute, l’a louangé Michel. Tout le monde s’est serré les coudes. Stéphan Larouche [son entraîneur] nous a dit de trouver quelqu’un, qu’ils allaient être prêts. Notre équipe a redoublé d’efforts pour présenter une carte de qualité. »

Pour sa carte du 7 mars, EOTTM avait dû trouver des adversaires pour trois de ses « tigres ». Le groupe de Camille Estephan a été en mesure de combler deux combats, mais celui que devait livrer Thomas Chabot a été repoussé.

« Ça n’est pas la fin du monde. […] La prochaine fois, on ne se fera pas avoir, a promis Antonin Décarie, directeur général d’EOTTM. Comme c’est nouveau, il y a une plus grande demande de visas, et les délais sont beaucoup plus longs. Mais ça va revenir à la normale.

« Pour le dernier gala, on l’a appris à la dernière minute, alors oui, ça nous a secoués un peu. Pour le 11 avril, on va plutôt se concentrer sur des boxeurs d’ailleurs. Pour le gala de juin, on a amplement de temps pour s’assurer que tout soit correct », a-t-il résumé.

Persona non grata

D’un point de vue logistique, cette nouvelle mesure aura peut-être un aspect positif pour ces organisations.

« Avec l’inflation et les coûts des billets qui ont augmenté de près de 30 %, faire voyager un Mexicain, qui n’est pas le bienvenu aux États-Unis et qui doit avoir un vol direct vers le Canada, ça coûte une petite fortune : de 2000 à 2500 $, a expliqué Croft. En plus, ils ne viennent pas tous de Mexico. On doit donc assurer leur déplacement vers la capitale. Faire venir un boxeur de la République tchèque coûte beaucoup moins ; 1400 $ dans ce cas-ci. »

« La logistique, c’est le département d’Alexandra et effectivement, les billets d’avion [en provenance d’Europe] coûtent moins cher. Par contre, l’adversaire de Mathieu coûte 40 % plus cher que le précédent », a nuancé Michel.

« Il a accepté le combat à deux semaines d’avis et ç’a un coût. Nous verrons avec des délais plus habituels si nous serons en mesure de faire baisser ces coûts. Mais pour la carte [de ce jeudi], tous les boxeurs nous coûtent plus cher que ce qui était prévu. Ce n’est pas du cheap labor qu’on avait du Mexique, mais on s’est retrouvés dans une situation où nous n’avions pas le gros bout du bâton avec des boxeurs qui acceptaient de prendre les combats à la dernière minute. »

Ç’a également été un défi sur le plan administratif.

« Les gens de la République tchèque, par exemple, c’était plus compliqué, car on devait reprendre les informations avec chacun d’eux, a expliqué Michel. La RACJ exige que tous les résultats des examens médicaux soient entrés une semaine avant le combat.

« En République tchèque, la commission athlétique a l’habitude de confirmer que les examens ont été passés avec succès sans envoyer les résultats. […] Ça s’est bien passé, mais il a fallu un effort collectif important pour nous revirer de bord en moins de deux semaines. En Colombie-Britannique la semaine dernière, ils ont dû annuler un show complet. »

Dépendance statistique

Pourquoi les Mexicains sont-ils autant mis à contribution par les promoteurs d’ici ? C’est tout simplement une question statistique.

« En Amérique du Nord, les Mexicains représentent 43 % de tous les boxeurs. Il y a 8465 boxeurs détenant un permis ; 3669 d’entre eux sont mexicains. Au Canada, nous en avons 225 », a dit Michel.

« Je sais que parfois nous sommes blâmés, comme promoteurs, de faire venir des Mexicains, a-t-il poursuivi. Mais il faut comprendre que pour eux, c’est beaucoup d’argent qu’ils viennent chercher par rapport à ce qu’ils gagnent chez eux. Ils sont aussi bien organisés.

« Nous faisons affaire avec des agents qui s’assurent que les athlètes sont à l’entraînement, que leur permis et leurs examens médicaux sont en règle. Nous n’avons pas à courir après eux pour qu’ils soient en règle. Ils ont quelqu’un qui connaît les exigences de chaque commission ou régie. »

C’est donc sans boxeur mexicain que GYM proposera une carte de cinq combats – les débuts professionnels de Reid Twohey ont été reportés au 4 avril – à compter de 19 h ce jeudi, au Cabaret du Casino de Montréal.