Meurtrie par la première défaite de sa carrière et la perte de son titre de championne mondiale, Kim Clavel n’a pas fermé l’œil de la nuit, vendredi.

Ne souhaitant pas se retrouver seule, la boxeuse a été reçue par Sara Kali, qui était dans son coin durant le cruel revers de sa meilleure amie face à la Mexicaine Yesica Nery Plata, nouvelle championne des mi-mouches de la WBA et du WBC.

« Ils m’ont fait couler un bain, son mari est allé m’acheter des chips et une Kit Kat, puis on a jasé, on a regardé la télévision, a raconté Clavel au téléphone mardi après-midi. On a regardé LOL : Qui rira le dernier ? On a essayé de me changer les idées. Ça m’a fait rire un peu. »

Samedi soir, son entraîneuse Danielle Bouchard et son conseiller Stéphan Larouche ont débarqué dans son trois et demie avec une poutine et des hot-dogs vapeur.

Lundi matin, Clavel n’était pas encore remise de la perte de son titre mondial et de sa première défaite en 17 sorties professionnelles. Elle ne voulait rien savoir de répondre aux engagements médiatiques pris la semaine précédente. « Je m’étais comme enfermée chez nous. »

C’est un appel de son père Pierre, 72 ans, qui l’a extirpée de sa torpeur. « Il m’a dit : ‟Ma petite championne, c’est toi Arturo Gatti !” Il m’a dit que tout le monde l’arrêtait dans la rue : ‟C’est vous le père de Kim Clavel ? Votre fille est incroyable ! On n’a jamais vu ça, un combat comme ça. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vibré comme ça au Québec…” Mon père est tellement positif. Je devais essayer de revirer ça en positif comme lui. »

Comme dans les semaines précédant le duel d’unification, l’athlète de 32 ans a donc repris le chemin des studios de télévision et de radio et rappelé les journalistes de la presse écrite. Sans savoir si ses propos pouvaient avoir du sens.

« C’est dur de faire des entrevues aujourd’hui. Ça fait quand même juste trois jours. Je veux répondre le plus intelligemment possible et je n’ai pas encore les réponses. Ce n’est pas clair et ce ne sera pas la vérité absolue. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Kim Clavel et Yesica Nery Plata lors de la pesée officielle

Une chose est certaine, un visionnement de sa bagarre de 10 rounds, où elle s’est donnée corps et âme jusqu’au son de la dernière cloche, sera nécessaire. Parce qu’elle n’en conserve pratiquement aucun souvenir.

« Je n’avais tellement pas de concentration, mais je sais que c’était une guerre. Qu’il y a eu beaucoup de coup pour coup et que l’intensité était très, très élevée. Ça criait dans la salle et les gens étaient sur le bout de leur banc, mais c’est vraiment le souvenir que j’en ai. »

Elle ne se rappelle d’aucun conseil prodigué par Bouchard durant la minute de pause. Elle n’a vécu cela que deux autres fois, lors de défaites dans des combats amateurs importants.

« C’est comme si c’est ton corps qui boxe, ton instinct qui boxe », a noté celle qui a livré plus de 100 combats dans sa vie.

« C’est comme si je n’avais pas conscience de ce que je faisais, de ce qu’on me disait dans le coin. Je n’entendais pas, je n’étais pas capable de me concentrer. Pourquoi ? Je n’en ai aucune idée. Je devrai me poser des questions. »

Dans le ring

De façon générale, Clavel réalise néanmoins que ce sont ses « émotions qui ont pris le dessus sur [son] intelligence du ring ».

« Habituellement, j’aurais pu jaber, la tenir à distance, me déplacer autour. J’étais toujours dans l’action et je m’obligeais à être dans l’action. […] C’est comme si dans ma tête, je savais que ce que j’étais en train de faire, ce n’était pas la solution. Mais mon corps ne répondait pas à autre chose. Je devais me déplacer, prendre un pas de recul, me donner des angles, remettre mon jab, mais j’en étais incapable. Je devrai travailler ça parce que pour être champion, tu dois pouvoir te contrôler dans les grands moments. »

La volonté de plaire aux 4126 spectateurs à la Place Bell et à tous ses proches lui aurait-elle joué un tour ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

De façon générale, Kim Clavel réalise que ce sont ses « émotions qui ont pris le dessus sur [son] intelligence du ring ».

« Inconsciemment, peut-être, a-t-elle concédé. Je suis une personne extrêmement généreuse. Je pense beaucoup aux autres avant moi-même. C’est un peu comme ça que j’ai boxé aussi. J’ai boxé pour les fans, pour faire un show, leur en donner pour leur argent. Au final, c’est moi qui en ai payé le prix. »

Si perdre sa couronne mondiale est ce qui lui « fait le plus mal », elle cherche à mettre en perspective la fin de sa fiche immaculée (16-1). Savannah Marshall, Mikaela Mayer, Alycia Baumgardner, Canelo Álvarez et…. Nery Plata sont tous passés par là.

« Ils ont perdu et ce n’est pas la fin du monde. On se met tellement de pression avec le 0 à notre fiche. Ça fait peur d’avoir une défaite. Un coup que tu l’as, ce n’est pas si pire. Dans le sens où je vais me poser les bonnes questions, que je ne me serais peut-être pas posées si j’avais toujours gagné. C’est un apprentissage de la vie aussi. Ça ne peut pas toujours être parfait. »

L’entourage

Dans le vestiaire après le combat, Clavel se réjouit d’avoir retrouvé toutes les mêmes personnes qu’après ses victoires. « Ça démontre la bonté et la bienveillance de mon équipe à mon égard. Personne ne m’a fait sentir mal, au contraire. »

Yvon Michel, qu’elle doit rencontrer cette semaine, l’a prise dans ses bras et est demeuré « très positif ». Même si le promoteur ne lui a jamais mis la moindre pression, elle est consciente qu’elle représente une bonne partie de l’avenir du Groupe GYM.

« Dans ma tête, c’est toujours : je dois faire de mon mieux. Mais je suis capable de lire les journaux. Je le vois : la dernière championne du Groupe Yvon Michel, tout repose sur ses épaules… Je devrai trouver une façon de me protéger parce que mon maudit défaut – qui est aussi une grande qualité –, c’est que je veux plaire, je suis généreuse, je me donne énormément, je m’implique. »

À l’approche d’un grand combat, est-ce que je devrais me recentrer vraiment juste sur moi ? S’il faut que je ferme mon téléphone, je vais le fermer.

Kim Clavel

La suite est nébuleuse pour la native de Joliette. Un gala en avril, comme le projetait Yvon Michel, est-il réaliste ?

« On va vraiment prendre des décisions en équipe, a-t-elle éludé. Là, j’ai besoin d’un break. Ça fait un bout que je suis dans le gym et que je ne fais rien d’autre. Je veux un bon mois pour me reposer, faire des choses que j’aime, aller voir ma sœur aux États-Unis. J’ai envie que la boxe me manque quand je vais revenir. »

Quant à l’offre de revanche de Nery Plata au Mexique, elle se demande quel promoteur pourra organiser une telle carte et fournir l’argent en conséquence. « Ça, c’est la job d’Yvon. Si le combat est à Hong Kong, j’irai me battre à Hong Kong. On va revenir et je sais que j’ai la capacité de le faire. »

Lundi soir, Clavel s’est endormie vers 23 h sur son sofa. Elle s’est réveillée au même endroit 12 heures plus tard. C’est peut-être là le meilleur signe du début de la guérison.