L’un participait à ses premiers Championnats du monde. L’autre tentait de faire oublier les déboires d’une saison en dents de scie. Wesley Chiu et Roman Sadovsky sont arrivés avec des objectifs différents, mais ils ont fini par hériter du même destin.

Chiu a terminé 17e, tandis que Sadovsky s’est contenté du 19e rang au terme du programme libre de samedi aux Championnats du monde de patinage artistique de Montréal.

Difficile dans leur cas d’évoquer des performances en deçà des attentes, car il n’y en avait pas réellement.

Chiu, âgé de 19 ans depuis trois jours, est arrivé comme un cheveu sur la soupe en cours de saison après avoir triomphé aux Championnats canadiens, en janvier. Sinon, il n’avait jamais fait de podium à l’international chez les seniors.

L’athlète de Vancouver a atterri un quadruple saut désaxé à sa première tentative. La double rotation prévue immédiatement après n’a jamais suivi. Trois erreurs dans ses cinq premières figures ont miné ses chances de grimper au classement.

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Wesley Chiu

Je me sentais bien, pour être tout à fait honnête. Pendant la journée, j’étais beaucoup plus calme que lors du programme court.

Wesley Chiu

Quelques jours auparavant, il avait avoué à quel point la nervosité l’avait envahi au début de son programme de jeudi. « [Aujourd’hui], je me sentais comme lors de n’importe quelle autre journée, mais évidemment ce ne l’était pas, car ce sont les Championnats du monde. J’ai commis des erreurs coûteuses. Certaines sont plus frustrantes que d’autres, car je sais que j’aurais pu faire mieux. »

Dans la même veine, son compatriote Sadovsky, absolument brillant lors du programme court, n’a pas été que l’ombre de lui-même dans son chandail bleu ciel. Une chute sur son premier saut et trois atterrissages flottants sur ses quatre sauts suivants ont bousillé sa prestation exécutée au son d’un ballet soviétique.

« De manière générale, chaque élément a été pire que ce que je fais habituellement à l’entraînement. Et ça m’a forcé à pousser et forcer davantage et ça s’est empiré. Ça aura été une lutte compliquée, mais je suis heureux de m’être battu jusqu’au bout », a-t-il assuré après sa performance dans les couloirs du Centre Bell.

Ne pas commettre les mêmes erreurs

Ces Mondiaux étaient seulement le quatrième évènement auquel prenait part cette saison Sadovsky, blessé à une cheville et à un genou en raison d’une séquence d’entraînement trop intense en tout début de saison.

Chaque fois, il était jeté dans la gueule du loup sans appréhension compte tenu de l’importance des différents évènements. Avant d’arriver à Montréal, il avait pris part aux Championnats nationaux et au Championnat des Quatre Continents. Il n’a jamais vraiment obtenu la chance de se remettre en selle graduellement.

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Roman Sadovsky

Dans un contexte où il n’aurait pas été affligé par ses blessures, tout porte à croire que le volume et les résultats de l’athlète de 24 ans auraient été bien différents. Mais dans les circonstances, il est capable d’apprendre de ses erreurs l’ayant mené à une fin de saison en queue de poisson.

« Je devrai être plus prudent en début de saison et prendre moins de risques », a-t-il lancé en riant, parce qu’à ce stade de la compétition, il n’y avait plus rien à faire.

« Avoir du temps et de l’entraînement, ça aide. Mais je n’en ai pas eu. Ma limitation cette année a été quelque chose de déterminant », a-t-il poursuivi entre deux gorgées d’eau.

Dans le cas de Chiu, encore un peu sous le choc d’avoir pu s’exécuter sur une scène aussi grandiose, il reconnaît avoir été influencé par la pression et l’importance du moment. Il l’a souvent répété depuis le début de la semaine.

Or, cette expérience lui aura permis de grandir et d’apprendre, dit-il. Après tout, le proverbial processus doit bel et bien exister si les athlètes ne cessent de l’utiliser comme bouc émissaire. Les spectateurs du Centre Bell ont pu témoigner, en direct, d’un athlète en train de se frotter à ce fameux processus.

« Je crois qu’il y a eu une grande amélioration sur le plan mental [cette année], juste dans la manière de me gérer et de me comporter à l’entraînement. Au cours de la saison, j’ai l’impression d’avoir amélioré mes entraînements et ça a paru dans mes compétitions. Ma constance s’est aussi améliorée, surtout dans la deuxième moitié de la saison avec les Nationaux et les Quatre Continents. »

Que la bataille commence

En vertu de ses deux résultats de fond de grille, le Canada sera privé d’une place aux Championnats du monde l’an prochain à Boston. Pour conserver deux patineurs dans le concours masculin, les deux positions finales additionnées devaient arriver sous le chiffre 28.

Après calcul approfondi, la somme de leurs résultats finaux équivaut à 36.

« Conserver nos deux places était très importants », a affirmé Sadovsky après que les journalistes lui eurent appris le sort qui attendait l’équipe canadienne.

« Je ne pense pas que c’était notre préoccupation principale, je ne veux pas parler pour Wesley, mais on voulait faire de notre mieux et attendre le résultat », a ajouté le patineur de Vaughan.

La lutte sera donc féroce lors des prochains championnats nationaux, car les deux patineurs batailleront pour le seul billet valide pour entrer dans le TD Garden.

Dans une année de qualification olympique, qui plus est, réduire son nombre de laissez-passer de moitié est loin d’être idéal pour la formation canadienne.

Malinin champion, Siao Him Fa remonte

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Adam Siao Him Fa

L’épatant patineur français Adam Siao Him Fa avait offert une piètre performance, jeudi, lors de la présentation de son programme court. Le double champion d’Europe, prédestiné à monter sur le podium à Montréal, avait été relégué au 19e rang provisoire sur les 24 qualifiés.

Lors de son programme long, Siao Him Fa a été fumant. Habituellement, le sixième patineur à s’élancer n’est jamais un prétendant au titre. Tellement que pour la fantaisie et pour en mettre plein la vue devant un public qui l’acclamait, il a terminé son programme avec un salto arrière, une figure interdite. Les juges lui ont retiré deux points de pénalité, mais il en a tout de même accumulé 284,39. Près de 50 points devant ses opposants.

Lorsque la note de 280,85 attribuée au double champion en titre Shoma Uno est apparue, le Français a explosé. Il ne tenait plus en place, car il restait seulement deux patineurs en lice. Une place sur le podium lui était donc assurée.

Siao Him Fa a fini par être devancé par le Japonais Yuma Kagiyama, avant-dernier athlète à passer.

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Ilia Malinin

Puis, le jeune prodige Ilia Malinin a fait son entrée pour clôturer ses Mondiaux. L’Américain a offert une prestation aussi juste que phénoménale. Aussi enivrante qu’enflammée. L’athlète de 19 ans a offert une performance qui se rapprochait drôlement de la perfection. Les spectateurs réunis dans l’amphithéâtre devront faire le deuil : plus jamais ils ne seront témoins, sur place, d’un programme aussi remarquablement exécuté.

Le patineur aux cheveux d’ange et aux yeux océaniques a obtenu une note finale de 333,76, à plus de 24 points de Kagiyama. Seulement avec ses points du programme libre (227,79), il aurait terminé parmi les dix premiers du classement final.