Si on demandait à 100 Québécois et Québécoises d’identifier un athlète actuellement membre de l’équipe canadienne de patinage artistique, il y a de fortes chances que la réponse soit erronée ou qu’un gros X rouge s’affiche brutalement à la fin du temps alloué.

Et on obtiendrait sans doute le même genre de résultat si on élargissait le questionnaire aux patineurs internationaux.

Il y a quelques années à peine, les noms de Joannie Rochette, Tessa Virtue, Scott Moir et Patrick Chan figuraient parmi les plus prestigieux du sport olympique canadien. Ils évoquaient quelque chose et étaient synonymes de réussite. Même les néophytes étaient au moins au courant de leur existence.

Les Championnats du monde de patinage artistique de Montréal se sont amorcés mercredi, et le déficit de reconnaissance des patineurs d’ici et d’ailleurs est marqué.

« C’est difficile à expliquer, mais c’est sûr que quand j’étais jeune, je me souviens d’Elvis Stojko, Kurt Browning, Elizabeth Manley, Brian Orser, et c’est vrai qu’ils n’étaient pas connus juste dans le monde du patinage. Mes grands-parents en parlaient et les connaissaient », admet Joannie Rochette, en discussion dans les couloirs du Centre Bell juste avant la présentation du programme court féminin.

À son avis, cette désaffection s’explique par la multitude de sports offerts aux spectateurs et la transformation dans la manière de consommer le sport qui l’a rendue célèbre : « Les jeunes peuvent faire plein de sports, il y en a moins à la télévision. »

Il y a un changement de culture. Mais j’étais impressionnée aujourd’hui. La popularité du sport est encore là. Je pense que c’est juste différent au niveau du véhicule pour le pousser.

Joannie Rochette

Madeline Schizas, Wesley Chiu et Roman Sadovsky sont les seuls Canadiens inscrits aux Mondiaux dans les épreuves individuelles. Respectivement âgés de 21 ans, 19 ans et 24 ans, ils ne profitent pas encore d’une renommée équivalente à celle de Rochette et de ses prédécesseurs les plus célèbres.

  • Madeline Schizas, lors de la présentation de son programme court, mercredi

    PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

    Madeline Schizas, lors de la présentation de son programme court, mercredi

  • Wesley Chiu à l’entraînement, mardi

    PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

    Wesley Chiu à l’entraînement, mardi

  • Roman Sadovsky à l’entraînement, mardi

    PHOTO GEOFF ROBINS, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Roman Sadovsky à l’entraînement, mardi

1/3
  •  
  •  
  •  

Le patinage canadien est en pleine transformation, estime Rochette, et force est d’admettre que le creux actuel fait contraste avec la période florissante pendant laquelle la patineuse de 38 ans était encore active.

La dernière médaille individuelle du Canada remportée aux Mondiaux date de 2018, lorsque Kaetlyn Osmond avait gagné l’or à Milan.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Kaetlyn Osmond, lors d’un évènement à Montréal, en 2019

« Il y a des cycles », précise également Rochette. La profondeur et le talent international y sont aussi pour quelque chose, croit-elle. « Ça rend la tâche vraiment difficile. Nos patineurs sont bons, ils ont tous les éléments, mais juste une petite erreur de rien du tout va faire la différence entre une première et une huitième position, tellement c’est serré. Je ne pense pas que c’est le manque de talent. Il y a plus de profondeur qu’avant. »

Gagner pour exister ?

Rochette fait partie de ces rares athlètes ayant eu la virtuosité nécessaire pour grimper sur le podium olympique. Son équivalent masculin, Patrick Chan, est aussi décoré qu’un sapin de Noël. Dans ce sport comme dans n’importe quel autre, il faut gagner pour exister dans l’œil du public.

Est-ce encore plus vrai en patinage artistique, une discipline plus en marge qui réapparaît dans nos écrans une fois tous les quatre ans ?

« Je ne pense pas, mais on est dans un sport de performance dans un contexte de Championnats du monde, donc on met beaucoup l’accent sur les médailles », confirme Rochette.

Il faudrait une performance absolument extraordinaire pour qu’un patineur canadien grimpe sur le podium individuel ce week-end à Montréal. Or, les répercussions de cette prestigieuse compétition se feront sentir peut-être davantage à long terme. Et ça pourrait devenir le véritable legs de ces Mondiaux pour le Canada.

Je pense que les avoir à Montréal va motiver une nouvelle génération à s’inscrire. Parfois, ça prend juste cette petite étincelle. Le voir en vrai, ça change la donne et ce n’est pas la même chose qu’à la télévision.

Joannie Rochette

Un nouveau monde

Rochette a cessé de suivre les compétitions avec la même assiduité qu’auparavant.

Dans les dernières semaines, en raison de son rôle d’ambassadrice pour l’évènement, elle a été forcée de renouer avec son premier amour.

Sa première constatation : « Le sport n’est plus le même que lorsque je l’ai laissé en 2010 ! »

Elle a mis l’accent sur l’aspect technique des prestations pour détailler sa pensée. « Je ne pensais pas que les femmes allaient faire des quadruples sauts en compétition comme ça ou des triples axels. Dans mon temps, il n’y en avait que quelques-unes qui les tentaient à l’entraînement, mais aujourd’hui, c’est devenu la norme. Ce qui est bien, c’est que le côté artistique n’en a pas souffert. Elles mélangent très bien le côté technique et l’artistique, et ça donne un bon spectacle à la fin. »

La manière de juger, les critères de réussite et les standards ont bien changé depuis l’annonce de sa retraite en 2010. Mais, pense-t-elle, c’est mieux ainsi. Car c’est grâce à cette demande d’excellence qu’un nouveau public pourra adhérer à son sport. « Les filles et les gars font des sauts vraiment plus difficiles que ce que je faisais dans le temps. […] Vu que ça fait quatre, cinq ans que je le regarde un peu moins, je vois l’évolution et je suis impressionnée. »

Madeline Schizas en perte de repères

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Madeline Schizas

Madeline Schizas, d’Oakville en Ontario, était la seule représentante canadienne lors de la présentation du programme court féminin présenté mercredi soir.

Pendant 2 minutes et 42 secondes, le Centre Bell est devenu l’une des arènes de la Real Maestranza de Caballeria de Séville.

Vêtue d’une robe rouge et noire aux influences latines, la patineuse de 4 pi 11 po a enflammé la patinoire du Canadien au son de deux pièces de flamenco.

Si la mise en scène était parfaite, l’exécution de son premier saut a été plus défectueuse. Le triple saut prévu à son programme s’est transformé en double saut, puisqu’elle était trop près de la bande pour exécuter complètement la boucle promise.

Peu importe la manière dont elle aurait livré le reste de sa chorégraphie, le mal était fait. Et elle le savait. « J’ai fait un double, mais ce n’était même pas la pire partie du programme. C’est une opportunité ratée aujourd’hui. […] Je n’ai pas assez tourné. J’ai perdu mes repères, malheureusement. Mais c’est ça qui est ça », a révélé Schizas après sa performance.

La battante aux yeux de conquérante aperçue quelques instants auparavant sur la glace s’était transformée en patineuse au regard humide dans la zone mixte sachant que ses chances d’obtenir un classement à la hauteur de ses capacités étaient bousillées.

Elle a terminé son programme les mains sur les hanches et le regard en direction des numéros retirés. Les juges lui ont accordé une note de 59,65. Elle est donc en 17e position. Très loin derrière l’étincelante Leona Hendrickx, première provisoire, avec ses 76, 98 points.

« Sur le plan technique, ce n’est pas ce que je voulais », a ajouté la Canadienne de 21 ans.

Schizas pourra rebondir, vendredi soir, pour le programme libre.