En fin d’après-midi mardi, Marie-France Dubreuil et Patrice Lauzon ont fait le plus court trajet de leur vie pour exercer leur métier d’entraîneurs aux Championnats du monde de patinage artistique : cinq kilomètres entre leur résidence de LaSalle et le centre-ville de Montréal.

Avant de boucler les valises, Dubreuil a bien prévenu grands-parents et amis qui s’occuperont de leur fille de 13 ans : « On n’est pas loin, mais faites semblant qu’on est dans un autre pays ! »

Parce que les fondateurs de l’Académie de glace de Montréal, I.AM pour les intimes, seront encore une fois occupés comme des ministres durant la compétition de danse, programmée vendredi (rythmique) et samedi (libre).

Parmi les 36 duos inscrits, le tiers fait partie de leur écurie, 13 si l’on ajoute celui qui s’entraîne avec leurs anciens protégés Scott Moir et Madison Hubbell au « campus de London », en Ontario, ouvert en 2021 pendant la pandémie.

Évidemment, le patineur qui a surtout fait parler de lui dans les dernières semaines est le Québécois Nikolaj Sørensen. Ce dernier a été l’objet d’allégations d’agression sexuelle de la part d’une ex-patineuse aujourd’hui entraîneuse américaine.

Dans une déclaration au Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport (BCIS), dévoilée par le USA Today au début de janvier, celle-ci a affirmé que Sørensen l’avait violée lors d’un party à Hartford en 2012. Le BCIS mène une enquête confidentielle sur cet incident allégué, pour lequel le Danois d’origine n’a jamais été accusé devant une cour de justice.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Nikolaj Sørensen et sa partenaire Laurence Fournier Beaudry

Sørensen et sa partenaire Laurence Fournier Beaudry, qui est aussi sa conjointe, ont réagi publiquement pour la première fois il y a deux semaines en marge d’un entraînement de l’équipe canadienne au Centre Bell. Il a réitéré son innocence, estimant participer aux Mondiaux de plein droit.

« Ce sont des allégations qui n’ont laissé personne indifférent, a commenté Marie-France Dubreuil au téléphone mardi. Ça a chamboulé beaucoup de vies. Nik continue de suivre le processus d’enquête et respecte à la lettre [ce qui lui est demandé]. Ce n’est pas à nous de juger ou de discriminer. Pour lui, pour Laurence, pour tout le monde, ça a été un gros choc. »

Médaillés d’argent aux Championnats des quatre continents, à la fin de janvier, Sørensen, 35 ans, et Fournier Beaudry, 33 ans, seront-ils en mesure de livrer des performances à la mesure de leur potentiel ?

« C’est une très bonne question, a répondu Dubreuil. C’est là qu’on verra si leur entraînement physique et mental est à la hauteur du défi qu’ils ont à affronter. »

Plus de la moitié des finalistes ?

Pour les Championnats du monde de 2020, annulés en catastrophe à cause de la pandémie, le duo Dubreuil-Lauzon abordait l’évènement avec les tenants du titre, les Français Papadakis-Cizeron, et les médaillés de bronze, les Américains Hubbell-Donohue.

« On se retrouve encore à la moitié d’un cycle olympique, mais quatre ans plus tard, a noté la Québécoise. Il y a eu une rotation, mais on est toujours en bonne position. »

En effet, avec leur collègue français Romain Haguenauer, Dubreuil et Lauzon peuvent compter sur les médaillés d’or des Mondiaux précédents, les Américains Madison Chock et Evan Bates, et les Britanniques Lilah Fear et Lewis Gibson, quatrièmes au Japon en 2023, tout juste derrière les Canadiens Piper Gilles et Paul Poirier, qui s’entraînent en Ontario.

En plus de Fournier Beaudry et Sørensen, Marjorie Lajoie et Zachary Lagha forment l’autre paire canadienne entraînée par Dubreuil et Lauzon.

Aux yeux de Marie-France Dubreuil, tous les danseurs mentionnés plus haut peuvent se glisser parmi les cinq premiers. « Mais ça ne se joue à rien dans le programme court. Si tout le monde patine extrêmement bien, tout le monde passe, mais la moindre erreur est très pénalisée dans le programme court. »

Dans les circonstances, l’ex-athlète olympique estime qu’il faudrait « un miracle » pour que les 13 duos de danseurs de I.AM accèdent à la chorégraphie libre, réservée aux 20 premiers. « Ce qui me réjouit le plus, ce sont des meilleurs pointages personnels ou de saison réussis aux Championnats du monde. »

En arrière-plan, Lauzon s’est fait plus ambitieux, souhaitant que « plus de la moitié » des participants au programme libre soient associés à leur école. « Si ce n’est pas ça, c’est une catastrophe ! », a-t-il tranché.

« Bon, Patch est en feu ! », a dit en souriant sa conjointe, à qui il restait seulement à trouver des transports à sa fille pour ses cours « de danse, de théâtre et de théâtre musical ». Elle sera cependant sur place pour assister au programme qui portera assurément la signature de ses parents.