Dès l’impact avec la neige et sa glissade vers les filets, Valérie Grenier a vu défiler sa « vie d’athlète ».

Ce n’est pas qu’elle craignait d’y laisser sa peau. Ou qu’elle redoutait la douleur à ce point. Ce dont elle avait vraiment peur : une longue rééducation, processus qu’elle connaît trop bien.

La dernière lui a fait rater une saison complète, mais les conséquences se sont fait sentir pendant presque cinq ans. D’une certaine façon, elle venait à peine d’en sortir, avec pour preuve sa troisième place inespérée deux jours plus tôt à Cortina d’Ampezzo, sa première descente en Coupe du monde depuis un grave accident à l’hiver 2019.

« La première pensée que j’ai eue, c’est : “Ah non, j’ai vraiment pas envie de rehab, vraiment pas envie d’être blessée !” J’ai vu ma vie d’athlète passer devant mes yeux. Ça ne se peut pas. Pas encore ! »

Au téléphone, la voix de la skieuse de 27 ans paraît écorchée. Le propos, lui, est celui d’une compétitrice résignée, déjà prête à remettre les heures dans le gymnase dans l’espoir de retourner sur ses skis le plus tôt possible.

Opérée à un bras la semaine dernière à Innsbruck, Grenier est de retour à la résidence familiale de Lefaivre, dans l’est de l’Ontario, en attendant une deuxième intervention chirurgicale, plus délicate celle-là, pour réparer son genou amoché.

Le 28 janvier, la représentante de Mont-Tremblant se dirigeait vers un podium presque certain en super-G sur la fameuse piste Olimpia delle Tofane, quand une fausse manœuvre dans un virage l’a projetée dans les airs, lui faisant faire une vrille presque complète à près de 100 km/h. Sur le coup, elle a eu une sensation « bizarre » au genou droit.

« J’étais inquiète pour mon genou. Je me disais que c’était sûrement un ligament croisé antérieur ou quelque chose du genre. J’étais comme prise sur mon côté gauche et je me suis rendu compte que je n’étais pas capable de bouger mon bras. Ce n’était pas normal. Ça a commencé à faire mal un peu, surtout à mon épaule. »

Les secouristes lui ont rapidement donné un antidouleur avant de l’envelopper et de la poser sur un traîneau, une manœuvre qui n’a pas été sans mal étant donné qu’ils devaient la soulever par les épaules.

Son entraîneur Laurent Praz et le physiothérapeute Alexandre Gariépy, qui se faisait du mauvais sang près du portillon de départ, l’ont alors rejointe.

« Je les regardais et je n’arrêtais pas de pleurer. Ça faisait un peu mal, mais ce n’était pas ça. C’était plus le mal de savoir que ma saison était sûrement terminée et que j’allais en rehab. Ça me faisait mal au cœur. Les choses allaient tellement bien. Faire de la course, c’est ce que j’adore. Ça a été difficile à accepter. »

Elle a été transportée jusqu’à une sorte d’infirmerie de fortune, où sa botte a été retirée et sa combinaison découpée, pour une première évaluation de son épaule. Elle s’est rendue en ambulance à un hôpital de Cortina. Après des radiographies, le personnel médical a conclu à une luxation de l’épaule. Elle a donc été mise sous anesthésie pour replacer l’articulation.

À mon réveil, j’ai eu de grosses nausées et je ne me suis pas bien sentie pendant des heures.

Valérie Grenier

En soirée, couchée sur le siège avant de la camionnette d’équipe, la Franco-Ontarienne s’est rendue tant bien que mal dans un hôpital d’Innsbruck, en Autriche, où elle pouvait recevoir des soins plus pointus pour sa situation.

Après un examen d’imagerie par résonance magnétique, le lendemain, elle a attendu un diagnostic en croisant les doigts pour que son genou droit ne soit pas trop atteint. Quelques heures plus tard, un orthopédiste lui a annoncé que son épaule n’était pas luxée, qu’elle souffrait plutôt d’une fracture de l’humérus avec déplacement ! Elle a également subi une déchirure d’un tendon du biceps.

Le coup de massue est venu ensuite : rupture complète du ligament croisé antérieur et déchirure partielle du ligament latéral interne. « J’ai commencé à pleurer parce que c’est exactement ce que je ne voulais pas entendre. »

Grenier s’est fait opérer au bras deux jours plus tard. En plus de rattacher le tendon, l’orthopédiste a inséré le long de l’os une plaque qu’il a immobilisée avec neuf vis. Elle devra composer avec cette impressionnante quincaillerie pour une période de 8 à 12 mois. Elle devrait alors être enlevée pour qu’elle puisse retrouver une mobilité complète.

PHOTO FOURNIE PAR VALÉRIE GRENIER

Lors de son opération au bras, Valérie Grenier s’est fait insérer le long de l’os une plaque avec neuf vis.

Le bras dans une écharpe, elle a quitté l’hôpital autrichien dimanche, en vue de la procédure au genou droit, qui doit avoir lieu lundi à Laval. Elle a décidé d’effectuer le début de sa rééducation à l’Institut national du sport du Québec, au Parc olympique.

« Ce sera un peu plus facile parce que j’aurai accès à tout là-bas. Je pourrai y passer mes journées complètes, faire ma physio, un peu d’entraînement, utiliser les bains chauds et froids, etc. Il y a vraiment tout ce qu’il faut. »

« Ça fait ch… »

Au moment de sa blessure, Grenier occupait le neuvième rang du classement général de la Coupe du monde et le cinquième en slalom géant, deux marques personnelles. En plus de son podium en descente, elle avait décroché la deuxième victoire de sa carrière lors du géant de Kranjska Gora, en Slovénie, le 6 janvier.

« Ça fait ch… parce que je n’étais pas loin d’être au sommet de mon art ! Je skiais bien dans toutes les disciplines. C’était tellement le fun, tellement encourageant. Ça me brise le cœur que ça arrive à un moment comme ça. En même temps, je suis très positive. Je crois être capable de revenir à ce niveau aussitôt que je vais recommencer à skier. Je connais mon ski, je sais comment skier, c’est assez naturel. »

Quant au blocage psychologique qui l’a tenue loin des épreuves de vitesse pendant quelques saisons, elle ne peut qu’espérer l’avoir mis derrière elle de façon définitive. « C’est une bonne question, on verra rendu là. »

Convaincue que son plan de remise en forme se déroulera bien, Valérie Grenier aimerait être en mesure de remettre les skis pour le traditionnel stage au Chili, à la fin d’août. Dans un monde idéal, elle se voit reprendre la compétition presque en même temps que ses collègues, quelque part en novembre ou en décembre.