(Mont-Tremblant) Personne n’est reparti déçu de la Coupe du monde de Mont-Tremblant, qui s’est terminée dans la tempête, dimanche après-midi.

Certainement pas Federica Brignone, qui a servi une leçon de bravoure et d’audace pour réaliser un doublé en slalom géant dans la station des Laurentides, qui accueillait le Cirque blanc pour la première fois en 40 ans.

Ni Lara Gut-Behrami ni Mikaela Shiffrin, respectivement deuxième et troisième en dépit de conditions météo défavorables pour les dernières partantes, elles qui ont dû affronter de puissantes rafales et de gros flocons mouillés qui réduisaient la visibilité.

Encore moins Valérie Grenier, qui a surmonté une erreur majeure en première manche (11e) pour se faufiler jusqu’à la sixième position après un sans-faute à la reprise.

Soulagée après sa déception de la veille, alors qu’elle s’était classée huitième, l’héroïne locale a mis ses mains sur son cœur pour exprimer sa gratitude aux milliers de spectateurs qui ont encore rempli la place Saint-Bernard, poumon du coloré village piétonnier.

« Ça fait tellement plaisir de voir tout le monde qui est ici aujourd’hui, a expliqué Grenier par la suite. Je n’en reviens pas qu’autant de personnes soient venues nous voir ! Je sais qu’ils nous encouragent, les Canadiennes, ça fait tellement chaud au cœur. Je veux qu’ils sachent qu’on est extrêmement reconnaissantes. Une foule comme ça, c’est ce qui rend une course le fun, qui fait qu’on apprécie. S’il n’y a personne en bas, c’est plate, c’est pas une vraie Coupe du monde. »

Chose certaine, Federica Brignone ne s’est pas ennuyée une seconde. Euphorique, elle s’est confondue en remerciements à l’issue de ce week-end de rêve à son premier séjour au Québec.

« C’était incroyable, il y avait beaucoup de monde, vous avez encouragé tout le monde, on a senti l’ambiance, c’était vraiment, vraiment cool ! », a louangé l’Italienne dans le micro que lui tendait son amie Marie-Michèle Gagnon, ex-coureuse qui a diverti le public avec ses analyses et anecdotes au sujet de skieuses qu’elle a côtoyées de près jusqu’à l’hiver dernier.

Meneuse après la première manche de samedi, Brignone a cette fois dû revenir de l’arrière et prendre plus de risques pour grimper sur la plus haute marche du podium pour la deuxième journée consécutive, une première pour celle qui en compte maintenant 23 en 309 départs.

« J’espère avoir le temps de le réaliser ce soir parce que c’est vraiment magnifique ! », s’est exclamée celle dont le palmarès comprend aussi trois médailles olympiques et deux aux Mondiaux.

Sixième à l’issue de la manche initiale, Brignone accusait un retard de 1,22 s sur la meneuse, la Slovaque Petra Vlhová, deuxième samedi. Avec la neige et le vent, elle a choisi de tout risquer dans l’espoir de monter sur la boîte.

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Federica Brignone avec le téléphone d’un jeune partisan après la première manche

« Ce que j’ai fait est incroyable. J’ai tout essayé. À la deuxième manche, je me suis dit : “Je vais y aller all in”, parce que j’avais trop d’écart. Mais je savais aussi que dans ces conditions, si tu fais la différence, tu fais vraiment la différence. »

De fait, Brignone a réalisé la descente de la fin de semaine en repoussant toutes ses rivales à plus d’une seconde. Comme la veille, la Tigresse des neiges a feulé en voyant apparaître son nom tout en haut du tableau.

« Ça fait un mois que je m’entraîne dans des conditions comme ça : de la neige, du vent, de la merde, vraiment, a-t-elle révélé. J’ai été très courageuse et j’ai fait la différence. C’est magnifique. Je suis très émotionnée, très heureuse, vraiment fière. »

Généreuse, l’athlète de 33 ans s’est arrêtée un bon quart d’heure après la première manche pour signer des autographes et se faire photographier. Son fan-club a pris de l’ampleur dans une province avec qui une histoire d’amour « est née, totalement ». Brignone a cependant prévenu Gagnon : pas de pas de danse sur le podium cette fois-ci. « Parce qu’hier, j’ai presque cassé mon trophée ! »

Shiffrin la bagarreuse

Après la remise des prix, Brignone a filé dare-dare vers l’aéroport de Montréal pour un vol en soirée. En 2 min 11,95 s, elle a devancé Gut-Behrami par 0,33 s. Vainqueure des deux premiers géants de la saison, la Suissesse de 32 ans maintient une mince priorité de cinq points sur l’Italienne au classement de la discipline.

Avant-dernière à partir, Shiffrin (+ 0,39 s) a été égale à elle-même, skiant avec sa fluidité typique malgré les intempéries, se propulsant sur la troisième marche du podium, une place qu’elle a conservée après le passage de Vlhová, cinquième au bout du compte.

L’Américaine aux 143 podiums se félicitait d’avoir gardé son esprit de bagarreuse, même quand le vent lui soufflait au visage et que les portes manquaient de la pincer.

« J’ai fait du mieux que j’ai pu dans les conditions, en espérant que les miennes ne soient pas si pires, a expliqué Shiffrin. C’est parfois une question de chance ; c’est comme ça dans ce sport. Mais aujourd’hui, la surface était tellement meilleure que la veille. Tu pouvais avoir confiance que tes skis mordraient et tu pouvais toujours avoir le sentiment de réussir de bons virages. La visibilité était mauvaise, mais j’ai senti que je pouvais quand même bien exécuter le ski que je voulais. »

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Mikaela Shiffrin a fait des heureux à Mont-Tremblant.

Shiffrin a accru son avance en tête au classement général de la Coupe du monde. Elle détient une priorité de 79 points sur Vlhová dans la course au grand globe de cristal qu’elle a remporté cinq fois. Après la cérémonie, la skieuse la plus victorieuse de l’histoire s’est elle aussi prêtée de bonne grâce à une longue séance de signatures.

La wild ride de Valérie Grenier

De son côté, Valérie Grenier a retrouvé le sourire après une première manche frustrante. Une mauvaise trajectoire à une porte pas commode lui a fait perdre plusieurs dixièmes, elle qui était deuxième au second chrono intermédiaire. Cette faute l’a probablement empêchée de monter sur le podium pour la troisième fois de sa carrière.

J’ai pas vu les temps, mais mon erreur m’a coûté très cher ce matin. Si je n’avais pas fait ça, ça aurait peut-être été proche [du podium] au cumulatif. On ne sait jamais. Comme je l’ai dit souvent : tout le monde fait des erreurs, ça fait partie du jeu.

Valérie Grenier

Le départ de la Canadienne et de la Française Clara Direz, brillante quatrième, a été repoussé de quelques minutes, le temps de réparer une porte qui avait été couchée par une rafale. Grenier ne s’est pas laissé déranger, réussissant le troisième chrono de la manche ultime, derrière Brignone et Direz.

« La neige, ce n’était pas si pire. C’était plus le vent qui faisait remonter la neige. Là, on ne voyait pas beaucoup. Il y a une ou deux portes où je ne voyais pas la prochaine, mais pour le reste, c’était correct. C’était comme une wild ride ! Je me disais : “Ouh, c’est fou !” Mais c’était le fun, je trouve. Je trouvais ça drôle ! »

Elle n’avait que des félicitations à se donner pour ce qu’elle a qualifié de « très bon ski ». « Ça me ressemblait davantage. Je n’ai pas fait de grosses erreurs, rien. Je suis très contente de ma deuxième descente. C’est juste dommage pour la première. À cause de ma grosse erreur, c’était difficile de monter sur le podium. J’ai fait ce que je pouvais. »

Dorénavant sixième au cumulatif de la discipline, un rang de mieux que la veille, Valérie Grenier a reconnu s’être laissé gagner par les émotions d’évoluer pour la première fois devant les siens en Coupe du monde.

« Je suis quand même fière. Ce n’était pas facile de faire une course à la maison. C’est incroyable, mais c’est un peu plus de pression. Ça venait juste de moi. On veut bien faire devant les gens qu’on aime. »

La journée s’est conclue avec une annonce prévisible, mais néanmoins accueillie dans la joie : la Fédération internationale de ski a donné le feu vert pour une autre Coupe du monde à Tremblant en 2024. Personne n’est reparti déçu, et sans doute que la majorité reviendra l’an prochain.

Lisez « Le week-end presque parfait de Cassidy Gray »