(Mont-Tremblant) Un podium royal, une foule massive et bruyante et l’approbation de la plus grande skieuse de l’histoire : la Coupe du monde de ski alpin de Tremblant n’a pas raté sa première impression, samedi.

Seule note discordante : la déception de la vedette locale, Valérie Grenier, huitième de ce slalom géant inaugural, où les compétitrices ont eu à négocier avec un peu de neige en première manche et du brouillard dans le haut de la piste Flying Mile.

« Tout le monde m’en parle, la foule est malade, on vous entend jusqu’en haut », a lancé Grenier à la foule qui remplissait la place Saint-Bernard en fin d’après-midi. Selon les organisateurs, plus de 10 000 spectateurs ont assisté aux compétitions.

C’était incroyable ! Je suis vraiment reconnaissante d’avoir la chance de faire une course à la maison. J’apprécie votre soutien. Désolée, j’aurais aimé faire mieux aujourd’hui. Ça n’a pas été facile, mais on recommence demain !

Valérie Grenier

Qu’une skieuse canadienne s’excuse presque d’une huitième place est révélateur du statut acquis depuis un an par Valérie Grenier.

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Septième au classement, elle pouvait légitimement viser le podium pour son premier départ en Coupe du monde devant sa famille élargie, dont son grand-père Marcel Bourdon, 84 ans, avec qui elle a appris à skier dans la station-reine des Laurentides.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Valérie Grenier

Plus nerveuse que prévu au moment de s’élancer comme deuxième partante de la manche initiale, la Franco-Ontarienne de 27 ans s’en est très bien sortie en enregistrant le sixième temps, à 0,77 s de la meneuse, l’Italienne Federica Brignone.

À la reprise, en après-midi, Grenier n’a pas réussi à exécuter son plan comme elle le souhaitait, surprise par le quatrième virage, qui a ennuyé plusieurs participantes, et déséquilibrée par l’un des rouleaux de la section plate du milieu. Après son arrivée, elle a hoché la tête pour exprimer son insatisfaction, avant d’envoyer des salutations contrites. Elle était alors provisoirement troisième.

« Le résultat n’est pas mauvais, c’est correct, mais je suis quand même déçue, a-t-elle admis devant les journalistes. À la deuxième descente, j’espérais arriver en bas première et peut-être essayer de remonter un peu. Ça ne s’est pas passé comme ça. Le parcours était quand même difficile dès le départ. Il n’y avait pas beaucoup de rythme dans la section où ça tournait un peu plus. J’avais de la misère à skier comme je le voulais. »

« Un rêve »

Valérie Grenier a néanmoins réalisé « un rêve » en évoluant sur « sa » montagne en compagnie des meilleures de la planète, saluant la prestation de ses jeunes coéquipières Britt Richardson et Cassidy Gray, respectivement 15e et 24e, deux sommets personnels. « Elles ont vraiment bien fait. C’est le fun à voir et je suis très fière d’elles. »

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Valérie Grenier a fait plaisir à bien des partisans en distribuant des photos après la course.

Septième à Sölden et cinquième à Killington, la gagnante d’une première Coupe du monde l’hiver dernier a très hâte de coller deux descentes sans fautes. « C’est un peu ce qui se passe jusqu’ici, a jugé celle qui conserve son septième rang au cumulatif. C’est plate, mais en même temps, je sais que dans les sections où je ne fais pas d’erreurs, je suis capable de skier vite. J’aimerais seulement arrêter de faire beaucoup d’erreurs, comme j’en ai fait aujourd’hui. »

Au total des deux manches, plus longues que ne l’avait prévu l’ex-champion mondial Erik Guay, Grenier a accusé un retard de 1,85 s sur la gagnante, l’Italienne Brignone. Impériale à la première descente, où elle s’est offert un coussin de 0,11 s sur la championne olympique Sara Hector (4e au final), la Tigresse des neiges a rugi plus fort en seconde manche pour accroître son avance et ainsi signer la 22victoire de sa carrière sur le circuit.

« C’est beau parce que je n’avais jamais gagné ni fait un podium au Canada », s’est-elle émerveillée dans son français du Val d’Aoste. « C’est une nouvelle piste, un nouvel endroit, il y a beaucoup de monde. Il y avait Mitch qui commentait au speaker. C’était bizarre, mais beau. Il y avait beaucoup d’émotion. »

Danse italo-canadienne ?

La « Mitch » en question, c’est Marie-Michèle Gagnon, skieuse québécoise récemment retraitée qui agissait comme analyste pour l’évènement. Maîtresse de cérémonie à la remise des prix, elle a insufflé un peu de folie dans l’univers plutôt guindé du Cirque blanc. Gagnon a surpris son amie Brignone sur le podium en lui demandant d’honorer une gageure prise la veille : effectuer un pas de danse avec une « twist » canadienne si elle l’emportait.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

De gauche à droite, Petra Vlhová, Federica Brignone et Mikaela Shiffrin

« Maintenant, là ? », s’est affolée l’Italienne de 33 ans en montrant ses bottes de ski. La vice-championne olympique a finalement exécuté quelques pas qui pourraient s’apparenter à une gigue de Soirée canadienne, au grand plaisir de la foule.

Plus circonspecte, la grande Petra Vlhová, deuxième, n’a pas caché sa déception de laisser filer la première place par 22 centièmes de seconde. « Le dernier slalom géant ne s’était pas bien passé [10e à Killington], je suis donc contente, mais je veux toujours être au sommet », a expliqué la Slovaque de 28 ans, championne mondiale en 2019. « Le podium, c’est bien, mais je voulais une victoire aujourd’hui. »

Ironiquement, Mikaela Shiffrin était beaucoup plus heureuse de sa troisième position. Blessée avant les premiers slaloms de Levi, au début du mois, l’Américaine de 28 ans cherche encore un peu ses repères en géant. La skieuse la plus titrée de l’histoire se hisse sur un podium pour la 142e fois de sa carrière en 255 départs, soit une moyenne renversante de plus de 50 %.

L’athlète de Vail a serré le poing après avoir vu qu’elle s’installait en tête de façon provisoire, laissant éclater sa joie en pompant les bras après qu’elle eut repéré au tableau le chrono de sa deuxième manche.

« Je suis toujours un peu surprise parce que j’ai toujours l’impression que je vais être un peu plus lente, a-t-elle expliqué. J’étais excitée de prendre la tête, bien sûr, mais j’ai comme regardé de nouveau et j’ai vu que le temps de ma deuxième descente était le plus vite à ce moment-là. C’était la chose la plus emballante parce que mes deuxièmes manches n’ont pas été les plus compétitives ces dernières courses. »

Shiffrin a indirectement louangé le travail des organisateurs, qui se sont acharnés à donner du relief à la section du milieu à coups de canons à neige et de manœuvres de machinerie.

« Il y avait du terrain assez intéressant là-haut. Ce n’est pas la piste plus difficile à première vue, mais avec le terrain ajouté, elle se range peut-être parmi les plus exigeantes. Il y a tellement de choses à se rappeler. Presque chaque virage a un rouleau et certains d’entre eux sont assez tranchés. Tu dois donc être très offensive et propre, mais aussi très à l’affût sur le plan tactique. »

« Enthousiasme » salué

Comme Brignone et Vlhová, Shiffrin a salué le public québécois et canadien, qui a soutenu la comparaison avec celui de Killington, au Vermont, qu’elle a qualifié de « plus bruyant sur le circuit ». « On pouvait l’entendre du portillon de départ. L’enthousiasme est vraiment merveilleux. »

Marie-Michèle Gagnon a même réussi à tirer de l’Américaine les seuls mots en français qu’elle connaisse : « Où est la toilette ? » La chaperonne antidopage, qui la suivait pas à pas depuis la fin de l’épreuve, a sûrement pu lui indiquer… Shiffrin a conclu les entrevues en acceptant un gros beigne glacé au chocolat que lui ont offert deux animatrices de balado.

Après cette première prometteuse, la Coupe du monde de Tremblant se poursuivra dimanche avec la présentation d’un deuxième slalom géant. La première manche est prévue à 11 h et la seconde à 14 h 15.

Après avoir brisé la glace, Valérie Grenier a bien l’intention de se reprendre. « C’est comme ça que je me sens depuis que la course est finie : maintenant, je connais la foule et je sais comment ça va se passer. Je peux donc relaxer un peu plus et l’aborder comme une journée normale. »

Aussi normale qu’une première Coupe du monde de ski alpin à Mont-Tremblant en 40 ans peut l’être.