(Beaupré) Premiers à s’élancer, premiers à l’arrivée. Non, ce n’était pas arrangé avec le gars des vues. Eliot Grondin et Audrey McManiman ont dominé les qualifications de l’épreuve de snowboardcross de la Coupe du monde du Mont-Sainte-Anne, sous un soleil brillant sur le coup de midi, vendredi.

Le tirage au sort a voulu que les deux planchistes québécois soient les premiers à bondir du portillon de départ sur le parcours baptisé « Bataille royale ». Ils ont chacun inscrit un temps de référence qui a tenu jusqu’à la fin.

« C’est toujours cool d’avoir une bonne qualif », a placidement convenu Grondin, qui a devancé l’Autrichien Jakob Dusek (+ 0,06 s) et l’Australien Adam Lambert (+ 0,32 s).

« Ça donne un bon dossard pour les finales [ce samedi]. Tu peux donc choisir la bonne porte tout le temps. À l’entraînement [jeudi] j’ai vraiment bien ridé. J’ai corrigé quelques points en soirée. Je savais quoi faire pour avoir une bonne descente en qualif. J’ai juste exécuté le plan et tout a bien fonctionné. »

En bordure de l’arrivée, le médaillé d’argent olympique pouvait compter sur les encouragements de ses parents, descendus de Sainte-Marie, en Beauce, pour cette première Coupe du monde de snowboardcross disputée au Québec depuis 10 ans.

À l’époque, Grondin manquait l’école pour assister aux épreuves de Stoneham, une étape régulière sur le circuit. À la dernière présentation, en 2013, la championne olympique Maëlle Ricker avait remporté la course. Aujourd’hui, elle est sa coach avec l’équipe canadienne…

« Il avait 11 ans et il était dans l’équipe du Québec, s’est remémorée sa mère, Mélanie Turcotte. Il y a des coureurs qui étaient là et qui y sont encore, comme l’Italien Omar Visintin [19vendredi] et l’Autrichien Nick Baumgartner [34e et non qualifié]. »

Grondin suivait surtout la médaillée olympique Dominique Maltais, qui est devenue une mentore.

C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles je suis rendu ici. Je regardais Dominique Maltais et j’avais des étoiles dans les yeux. Je l’ai justement croisée un peu plus tôt [vendredi]. J’espère juste réussir à jouer un rôle pour les plus jeunes et en inspirer le plus que je peux.

Eliot Grondin

À seulement 21 ans, Eliot Grondin figure déjà parmi les vedettes de sa discipline. Qualifié surprise des Jeux olympiques de PyeongChang, où il était le plus jeune membre de toute la délégation canadienne, il a terminé deuxième au classement de la Coupe du monde en 2021.

L’hiver dernier, il a épaté la galerie aux Jeux de Pékin, remportant l’argent individuel et le bronze à l’épreuve par équipes mixtes avec Meryeta O’Dine, absente cette fin de semaine après avoir composé avec des ennuis de santé pendant toute la saison.

Ses résultats ont été moins éclatants en 2022-2023, à commencer par sa neuvième place aux Championnats du monde en Géorgie.

Un changement d’équipementier a demandé une acclimatation. « Mon été a été différent, a-t-il constaté. Beaucoup de choses changent aussi avec la saison que j’ai eue l’an passé. Changement d’équipement, changement partiel de staff dans l’équipe, de nouveaux athlètes aussi. Plein de choses changent et ça prend un temps d’adaptation. Quand ça fait déjà six, sept ans que tu es toujours avec les mêmes personnes et le même équipement, tu ne peux pas penser que ce sera pareil du jour au lendemain. »

Grondin s’est accordé une pause plus longue au printemps pour faire des activités dont il avait envie. « Je suis quand même super content de la saison que j’ai eue à date », a-t-il précisé.

Ce ne sont peut-être pas les résultats auxquels tout le monde s’attendait de moi, mais je suis fier de ma saison.

Eliot Grondin

Actuellement huitième au classement, il a repris de l’élan aux deux étapes précédentes en Espagne (5e et 9e) et en Suisse, où il a terminé au pied du podium.

Sa première position au Mont-Sainte-Anne, où il passe une partie de ses étés à faire du vélo de montagne, lui permet de poursuivre dans la même veine.

« Plusieurs facteurs ont rendu la saison un peu plus difficile. C’est juste de continuer à travailler et de reconstruire ce qu’on a peut-être perdu ou ce qui manquait un peu. Je suis super content du travail qui a été fait, surtout dans les deux ou trois dernières semaines. Il reste seulement à s’amuser pour les deux prochains jours. »

Le dilemme de McManiman

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @CANADASNOWBOARD

Audrey McManiman

L’hiver a été encore plus complexe pour Audrey McManiman, victime d’une commotion cérébrale après une violente chute à l’entraînement à la station Les Deux Alpes, au début de décembre. Elle a senti de « petits engourdissements aux mains », ce qui a conduit à son héliportage pour la deuxième fois de sa carrière.

« L’autre fois, c’était pour une blessure aux côtes à Whistler », a raconté la planchiste de Saint-Ambroise-de-Kildare, dans Lanaudière. « Mes parents ne sont pas trop contents quand je leur dis que je fais des tours d’hélicoptère comme ça… »

Elle a dû s’arrêter deux mois, en plein cœur de la saison. « C’était une bonne commotion, si on veut. Mais on a pris plus de précautions que pas assez. J’ai fait toute la réadaptation qu’il fallait. Dans ma tête, j’avais mis la switch snowboard à “off” et la switch récupération à “on”. Ça a été un peu frustrant de rester à l’écart aussi longtemps. L’équipe voulait être vraiment préventive pour moi et ma sécurité. »

McManiman a repris la compétition au début de février sur le circuit Nor-Am avant de plonger dans les Mondiaux de Bakouriani, où elle a fini septième, un sommet personnel. Elle a enchaîné avec trois excellents résultats consécutifs à Sierra Nevada (5e et 4e) et à Veysonnaz (8e).

Au Mont-Sainte-Anne, l’athlète de 28 ans a remporté les qualifications pour la toute première fois de sa carrière à son 36départ en Coupe du monde. Elle a devancé l’increvable Américaine Lindsey Jacobellis (+ 0,21 s), 37 ans et championne olympique en titre, et l’Allemande Jana Fischer (+ 0,69 s).

Comme Eliot Grondin, je partais première aujourd’hui et ils avaient tout bien arrangé les virages. J’avais la piste parfaite pour descendre et faire un bon temps dès le début.

Audrey McManiman

Qualifiée troisième en Suisse il y a 10 jours, McManiman avait eu à composer avec ses nerfs. « Ça m’avait donné une idée de la sensation d’entrer en finale avec le dossard 3. Je l’ai mis en pratique la dernière fois. Je sais donc un peu plus comment gérer le stress. C’est vraiment excitant. Je suis très contente. »

Onzième aux Jeux de Pékin avant de réaliser le premier podium de sa carrière l’hiver dernier, McManiman devra prendre une grande décision à l’issue de la saison, dimanche.

Avec un ligament croisé antérieur gauche presque totalement rompu, elle doit déterminer si elle se fait opérer dès ce printemps, avec pour conséquence de rater l’entièreté de la prochaine campagne, ou si elle attend après les Jeux de Milan-Cortina, en 2026.

« J’hésite parce que je suis capable de gérer mon genou. Il n’y a pas trop d’enflure ou de douleur. Ça dépend de combien de jours consécutifs je suis sur ma planche ou si j’ai de mauvais impacts. Si j’arrive trop à court sur les sauts, je vais le sentir un peu le soir, mais j’ai ma routine. Je fais du vélo pour décompresser mon articulation. Sinon, je mets de la glace au besoin. »

Avec de l’arthrose dans le genou, elle comprend que les orthopédistes veuillent l’opérer le plus tôt possible. Mais si elle monte sur le podium au Mont-Sainte-Anne cette fin de semaine, ils auront bien du mal à la convaincre…