(Beaupré) « Eliot est tellement concentré et constant qu’une bombe tomberait quasiment à côté de lui pendant qu’il descend, et il ne bougerait pas… »

L’image de Dominique Maltais résume à merveille la journée de rêve d’Eliot Grondin à la Coupe du monde de snowboardcross du Mont-Sainte-Anne, samedi après-midi.

Le planchiste de Sainte-Marie y a décroché le troisième succès de sa carrière devant quelques centaines de spectateurs acquis à sa cause.

« C’est ma première victoire en Coupe du monde cette année après une saison difficile et [ça se passe] à la maison », a réagi le gagnant fraîchement couronné. 

Il a fallu que je me pince beaucoup durant la journée pour rester dans le moment présent. Je pense que ça a bien fonctionné.

Eliot Grondin

Grondin a devancé tour à tour l’Autrichien Jakob Dusek et l’Espagnol Lucas Eguibar, rien de moins que les deux derniers champions mondiaux de la discipline.

Premier qualifié de la veille, le Québécois de 21 ans a remporté trois de ses quatre vagues éliminatoires, dominant de bout en bout la plus importante, la finale, où il a résisté au retour in extremis de Dusek, qui a traversé la ligne presque cul par-dessus tête.

Grondin a attendu le départage de la photo d’arrivée avant de lever les bras tandis que ses amis de la Beauce, dont plusieurs brandissaient un carton arborant son visage, célébraient déjà en bordure de la piste.

« J’avais vu du coin de l’œil l’Autrichien qui revenait fort ; en fait, je ne savais pas qui c’était. Je l’ai vu chuter, je me disais que ce serait probablement moi [le vainqueur]. Mais tu ne le sais jamais avant que le résultat soit officiel. J’ai vu le petit signe de photo-finish. Il s’agit donc d’attendre, mais j’étais pratiquement convaincu que je venais juste de l’emporter. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Eliot Grondin et Jakob Dusek traversant la ligne d’arrivée

Le double médaillé olympique a bâti sa confiance au fur et à mesure de la semaine sur le parcours baptisé « Bataille royale », nom officiel de l’évènement, le premier de snowboardcross présenté en terre québécoise depuis celui de Stoneham en 2013.

« Je savais que j’allais super bien toute la journée et toute la semaine ici. C’était juste de vraiment être fluide dans les virages et ne pas me battre avec les autres et perdre de la vitesse. J’ai pris les lignes pour amener la vitesse dans la dernière partie. En grande finale, ça a adonné que j’étais à l’avant. Je n’ai donc pas eu besoin de me battre pour les lignes. »

Un changement d’équipement pendant les vagues éliminatoires a également été profitable, après avoir dû s’adapter à une nouvelle marque de planches au début de l’hiver. « C’est pour ça qu’on a vu la vitesse accélérer un peu pour moi », a souligné celui dont la dernière victoire remontait à Veysonnaz, en Suisse, un an plus tôt.

« Reste petit »

Auteur d’un autre excellent départ en finale, Grondin a croisé les doigts pour que son avance tienne. « J’espérais juste que l’autre gars ne me rattrape pas. J’étais à l’avant et je me disais : “OK, va le plus vite que tu peux, reste petit et espère qu’il ne revienne pas sur toi…” Je suis content que ça ait fonctionné. »

Le héros du jour avait hâte de retrouver ses parents et son frère Ismaël, qui assistaient pour la première fois à l’une de ses Coupes du monde.

Sa mère a été d’un calme olympien. Elle avait l’impression d’être à une Coupe Québec, à l’époque où son fils adolescent dominait des rivaux plus âgés.

« Je suis vraiment moins stressée que pour une Coupe du monde à distance, a constaté Mélanie Turcotte. Il va en falloir d’autres au Québec ! J’étais hyper relaxe. C’est comme si c’était naturel, ça fait bête à dire ! C’est comme si je le savais qu’il gagnerait aujourd’hui. C’était écrit dans le ciel. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Eliot Grondin et sa mère, Mélanie Turcotte

Son père était beaucoup moins calme. « Moi, j’étais vraiment stressé ! a admis Jean-Francis Grondin. C’est comme un rêve. Le scénario est parfait. Premier aux qualifs, il a gagné ses descentes… Tout est beau. »

La récompense des parents, qui permettaient à leur fils de rater l’école pour suivre sur place les Coupes du monde disputées à Stoneham au début des années 2010 : un beau grand sourire sur le podium. « Ça vaut cher », a résumé M. Grondin.

Maltais, un public conquis

À l’époque, Dominique Maltais était une idole pour le jeune Eliot, qui a tissé une relation particulière avec la double médaillée olympique. Elle a eu le bonheur d’analyser ses descentes en direct et de le présenter sur le podium samedi.

Sa voix a presque craqué… « J’avais des frissons dans les jambes et des papillons dans l’estomac. C’est un protégé et j’étais un peu vendue en commentant la course, c’est sûr. »

Maltais a souligné « la grande sagesse et le grand potentiel » du jeune homme qui en est déjà à sa sixième saison en Coupe du monde.

Il ne s’est pas laissé déconcentrer, il n’avait qu’un objectif en tête et il a eu du fun et le sourire du début à la fin. Et voilà le résultat. On en est très fiers.

Dominique Maltais

Avec les 100 points associés à sa victoire, Grondin a bondi de la huitième à la quatrième place au classement cumulatif de la saison. Il accuse un retard de 71 points sur le meneur, l’Allemand Martin Nörl, relégué à la petite finale samedi (7e).

« Je ne regarde pas la course au globe », a tranché Grondin, qui avait néanmoins les yeux tournés vers l’épreuve de dimanche qui se tiendra au même endroit, la neuvième et dernière au calendrier de la saison.

« J’ai fait 50 % du travail et [il va s’agir] de recommencer à zéro demain. »