Valérie Maltais était ravie quand elle a appris l’identité de sa partenaire au 3000 m, première épreuve des Championnats du monde de patinage de vitesse d’Heerenveen, aux Pays-Bas, la semaine dernière : la Norvégienne Ragne Wiklund, fraîchement sacrée gagnante du circuit de la Coupe du monde.

Avec la championne mondiale en titre du 1500 m, le départ serait assurément rapide. « C’était vraiment : “Yes, je pars avec elle et ce n’est pas plus compliqué que ça”, se souvient Maltais. Tu sais que le rythme risque d’être un peu trop vite pour toi. En même temps, je n’avais comme pas de doute. »

La patineuse de La Baie s’était également mise au défi en annonçant à son entraîneur Gregor Jelonek qu’elle cherchait à passer pour la première fois sous la barre psychologique des 4 minutes pour un 3000 m qui se déroule au niveau de la mer.

Maltais s’est accrochée à Wiklund, future médaillée d’or, pendant la majeure partie de la course, en route vers un chrono de 3 min 59,88 s, à un peu plus d’une demi-seconde de son sommet personnel réalisé sur la glace rapide de Salt Lake City, ville située en altitude.

Son sourire en voyant le temps affiché au tableau du Thialf en disait long, au moins autant que les bras dans les airs de Jelonek, avec qui elle collabore depuis son déménagement à Québec, le printemps dernier.

« C’était juste une célébration », résume celle qui a interrompu une période d’études pour tracer un bilan de sa compétition, jeudi matin.

Quatre bonnes filles devaient encore patiner, mais peu importe le résultat au bout du compte, j’avais atteint mon objectif.

Valérie Maltais

Troisième à ce moment-là, elle a finalement glissé à la cinquième place, un sommet personnel pour celle qui s’était classée 12e un an plus tôt aux Jeux olympiques de Pékin, ses premiers en longue piste après trois participations en courte piste.

PHOTO RAFAL OLEKSIEWICZ, FOURNIE PAR PATINAGE DE VITESSE CANADA

Valérie Maltais durant l’épreuve du 3000 m

À l’analyse, Maltais constate qu’elle a peut-être été un peu surprise de tenir la cadence de la jeune Wiklund aussi longtemps. Avec deux boucles à faire, elle s’est mise à réfléchir et s’est légèrement désunie.

« Durant mes cinq premiers tours, je savais quoi faire, j’étais dans ma tête, il n’y a pas de questions qui se posaient », résume l’étudiante au certificat en psychologie à l’Université Laval. « Puis quelque chose s’est passé. Honnêtement, j’ai été distraite. Est-ce que j’aurais été capable de faire une performance un peu meilleure sans cette distraction ? Je crois que oui. Est-ce que ça m’aurait menée sur le podium ? Je ne pense pas parce qu’il y avait quand même plus d’une seconde qui m’en séparait. »

Elle constate que ce tournant n’était pas attribuable à sa forme physique. « Ça a vraiment été entre les deux oreilles. Manifestement, je vais avoir à entraîner mon cerveau pour [que ça n’arrive pas] la saison prochaine. »

Globalement, cette course est une grande réussite qui lui a permis de vivre quelque chose qu’elle n’avait « jamais ressenti en longue piste », une discipline qu’elle a embrassée en 2018.

Dubreuil, une inspiration

Après quatre ans à Calgary sous la supervision de Remmelt Eldering, elle s’est jointe au groupe de Jelonek et Muncef Ouardi au nouveau Centre de glaces de Québec. Ce déménagement signifiait également quitter ses partenaires de poursuite, les multiples médaillées olympiques Isabelle Weidemann et Ivanie Blondin, qui l’ont aidée à découvrir les subtilités de l’anneau de 400 m.

« J’avais un barème [avec elles] et je ne m’interrogeais pas. Je faisais comme tout le monde. »

Elle s’est adaptée à un nouveau programme et de nouvelles coéquipières, a patiné avec des hommes, parfois fait ses propres affaires, validant ses sensations et ses choix auprès de ses coachs.

Il y a maintenant une partie un peu plus individuelle [dans la préparation] dont je n’avais pas l’habitude. Il y a eu beaucoup de moments de doute.

Valérie Maltais

Laurent Dubreuil, médaillé d’argent du 500 m à Heerenveen, a été une grande source d’inspiration et de réconfort en ce sens.

« En ce moment, il fait son programme qui est complètement différent de bien du monde. Mais pour lui c’est : non, c’est ce dont j’ai besoin. Il s’agit vraiment d’avoir confiance en ce que tu ressens et ce que tu devrais faire. Il me l’a souvent répété. C’est une chose que je n’ai pas beaucoup apprise durant ma carrière. »

Celle qui aura 33 ans l’été prochain continuera d’aborder les saisons une à la fois. Mais la perspective des Jeux olympiques de Milan en 2026 paraît de plus en plus invitante.

« À la fin de la dernière saison, je me disais : “Si je continue en 2026, c’est parce que j’ai une chance d’être sur le podium au niveau individuel.” Quand je m’en rapproche, c’est certain que ça me trotte dans la tête. Mais il reste encore plusieurs années. Quand on y pense, trois ans, c’est long… »

Probablement un peu moins quand les contours du podium deviennent de plus en plus nets.

À la recherche d’un « vrai » titre mondial

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Valérie Maltais, Isabelle Weidemann et Ivanie Blondin durant la cérémonie des médailles pour l’épreuve de la poursuite par équipes

Médaillées d’or aux Jeux olympiques de Pékin, Maltais, Weidemann et Blondin ont réalisé un important objectif en obtenant un premier titre mondial à la poursuite par équipes. Ce titre a été décroché sur tapis vert à la suite de la disqualification de leurs rivales néerlandaises, qui avaient réussi le meilleur chrono. Une des patineuses avait une cheville exposée, ce qui contrevenait au règlement obligeant le port de bas de sécurité anti-coupure.

« On n’a pas nécessairement été les plus rapides cette journée-là, mais on prend ce titre et on compte gagner “pour vrai” l’année prochaine [à Calgary] », indique Maltais. Gagnantes des trois départs en Coupe du monde, les Canadiennes visent encore le record mondial qu’elles n’ont pas été en mesure d’atteindre cette saison, faute parfois de conditions rapides.

La concrétisation de cette ambition pourrait passer par un changement de stratégie, soit celle de n’effectuer aucun échange de relais, une tendance de plus en plus lourde sur le circuit. La marque appartient aux Japonaises depuis 2020.

« Malaise » aplani

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Valérie Maltais et Ivanie Blondin avant le départ de la finale féminine du départ groupé

Les Mondiaux toutes distances ont été l’occasion d’aplanir un léger « malaise » entre Maltais et Blondin au sujet de la tactique à employer à l’épreuve de départ groupé.

Sur le coup de l’émotion, la Québécoise avait exprimé une certaine frustration après une compétition au début de la saison. À défaut d’une politique nationale claire, elle souhaitait pouvoir mener sa propre course. Patinage de vitesse Canada avait dû s’en mêler et établir que chacune des deux participantes avait le potentiel de monter sur le podium et pouvait donc patiner à sa guise.

Or, la tactique commune des Néerlandaises semble les avantager. Juste avant la finale à Heerenveen, Maltais et Blondin ont donc convenu d’un plan… qui n’a pas tout à fait fonctionné même si Blondin a remporté l’argent. L’athlète d’Ottawa n’a pas suivi la Néerlandaise qu’elle avait identifiée. Elle a offert ses excuses et admis, en entrevue au Journal de Québec, que son « erreur » avait « coûté un résultat » à Maltais. Les deux coéquipières ont discuté de la situation plus en profondeur après la course et se sont entendues pour travailler ensemble en 2023-2024.

« Si on rallie vraiment nos forces, je pense que ça peut juste être positif pour les prochaines saisons », estime Maltais, qui a remporté l’argent à la dernière Coupe du monde en Pologne. « On pourra voir des personnes différentes sur le podium, faire gagner et rayonner le Canada et non seulement une personne. C’est ce qui se dessine peut-être un peu plus. En tout cas, j’ose le croire. »