Tous les adjectifs et les qualificatifs ont été épuisés pour décrire la suprématie de Mikaël Kingsbury. Son nom a été employé à côté du mot « victoire » 77 fois en Coupe du monde. Néanmoins, il faut être capable de prendre la pleine mesure de cette domination sans pareille.

C’est du moins le discours tenu par Jean-Luc Brassard. Le champion olympique était présent à la Coupe du monde de Val Saint-Côme. Il y campait le rôle d’analyste. Sa voix résonnait dans les haut-parleurs installés en bordure de la piste.

Quelques heures avant le début des qualifications pour l’épreuve des duels, samedi, il dégustait une omelette garnie de poivrons dans le salon V.I.P. du chalet principal.

Dans son éloquence habituelle, il a vanté les mérites du héros du week-end. « On parle souvent de Mikaël, avec raison, mais on oublie à quel point il est bon », soulève Brassard.

La veille, l’athlète de 30 ans avait accroché un sourire aux visages des amateurs réunis en offrant une prestation presque parfaite.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Luc Brassard

Selon l’ancien bosseur, la domination de Kingsbury fait ombrage à la qualité de la compétition à laquelle il fait face à chaque course.

« Ses adversaires sont vraiment bons. Je suis content de ne plus être là. Ils sont rendus tellement talentueux, observe-t-il. [Ikuma] Horishima gagnerait tout si Mik n’était pas là. Ben Cavet gagnerait beaucoup aussi. »

Le King des bosses est dans une classe à part. Il a remporté 59,6 % de ses départs en Coupe du monde depuis le début de sa carrière.

À en croire l’homme de 50 ans, « la légende de Mikaël va croître lorsqu’il va arrêter. Comme Wayne Gretzky. On va voir l’envergure de ce qu’il a accompli lorsqu’il va avoir arrêté. »

Savoir s’émerveiller

Avec ses lunettes de soleil sur la tête et son pardessus blanc, prêt à affronter le froid et le soleil d’un radieux samedi de janvier à la montagne, Brassard explique pourquoi le succès de Kingsbury est parfois sous-estimé, dans une certaine mesure. « Même qu’on le tient pour acquis », ajoute-t-il.

Désormais, la question n’est plus de savoir si Kingsbury gagnera, mais plutôt par quel écart il l’emportera. « On ne s’attend pas à ce qu’il finisse 4e, par exemple. Ce serait anormal. Il gagne, c’est normal. Il y a une Coupe du monde, et de facto, on sait que Mik sera là. »

Cette saison, le skieur de Deux-Montagnes trône toujours au sommet du classement général.

Moi-même, je ne prends pas la pleine mesure [de ce qui arrive]. Alors, j’imagine que c’est pareil pour les autres.

Mikaël Kingsbury

En terminant sa phrase, comme si la scène avait été dessinée par Martin Scorsese, Kingsbury s’est pointé devant Brassard en lui présentant le poing.

Le temps d’une collision de jointures et d’une salutation sincère et le champion était déjà interpellé par d’autres personnes.

« C’est incroyable », lance Brassard au sujet de la capacité de Kingsbury à gagner année après année depuis plus d’une décennie. « Il vient d’un milieu familial formidable axé sur l’épanouissement et non les résultats. C’est très rafraîchissant. Mik a skié toute sa vie parce qu’il aime ça. »

L’analyste va plus loin : « Je suis allé le voir après la course. Il avait une seule chose en tête et c’était d’aller voir la vidéo de ce que ses adversaires avaient fait. C’est sa raison de vivre et c’est impressionnant après 11 ans d’avoir encore cette passion. Je trouve ça phénoménal. »

C’est pour ça, croit-il, que « le ski acrobatique, c’est lui ».

Une relève intrigante

Après Erik Guay, le ski alpin canadien est passé à travers un léger creux de vague. Idem lorsque Alex Harvey a pris sa retraite du ski de fond. Il faudra s’attendre à la même chose lorsque Kingsbury tirera sa révérence. « C’est un cycle », aime rappeler Brassard.

En ce moment, personne n’est à Kingsbury ce que ce dernier avait été pour Alexandre Bilodeau. C’est-à-dire un jeune prometteur prêt à prendre la relève et porter le flambeau bien haut.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mikaël Kingsbury en action à Val Saint-Côme vendredi dernier

Toutefois, les skieurs canadiens ont offert un spectacle de qualité lors de l’épreuve de vendredi. Contre toute attente, quatre skieurs et quatre skieuses ont atteint l’étape de la finale. Plusieurs pour la première fois de leur carrière.

« Louis-David Chalifoux, wow ! C’est un peu une révélation », lance Brassard, toujours en train d’achever son omelette. Le nom de Chalifoux est d’ailleurs revenu à plusieurs reprises au cours de l’entretien d’une trentaine de minutes.

« Je suis content pour Maia [Schwinghammer] aussi. Cette année, ça va super bien. Il s’agissait de voir si ça pouvait continuer de bien aller à la maison et ça a bien été. Cette année, elle a pris confiance en ses moyens. »

D’après Brassard, tous les sportifs ont le même objectif : « Apprendre comment gagner. »

Kingsbury maîtrise déjà cet art. Pour ses plus jeunes coéquipiers, ça prendra du temps et du soutien, mais « maintenant qu’ils franchissent cette étape, ils savent quoi faire et par où passer ».