« Ça a coupé… As-tu dit le mot “affamé” ? »

— Oui.

— C’est le bon terme… »

Parole de l’entraîneur Michel Hamelin, Mikaël Kingsbury a hâte d’en découdre avec ses adversaires à la Coupe du monde de Val-Saint-Côme, présentée vendredi (simple) et samedi (parallèle) soir sous les nouveaux projecteurs de la station de Lanaudière.

Le skieur acrobatique de Deux-Montagnes n’a pas ruminé longtemps sa 29place à la dernière Coupe du monde de l’Alpe d’Huez, le 17 décembre. Une chute en huitième de finale de l’épreuve en parallèle lui a valu ce pire résultat depuis 2011, alors qu’il n’avait pas terminé une course en simple à Lake Placid.

« J’ai tourné la page sur cet évènement, a assuré Kingsbury en visioconférence, mercredi après-midi. Je me suis accroché, cette descente ne s’est pas bien passée. J’apprends de mes petites erreurs et je me sens vraiment bien sur mes skis. Je suis en forme. Oui, je suis affamé, mais ce n’est pas parce que j’ai mal fait lors de la deuxième journée en France. C’est juste parce que je suis content d’être à la maison. »

« J’ai la tête dure… »

Après trois médailles olympiques, dont une en or, plus de 100 podiums en Coupe du monde et des globes de cristal qui pourraient couvrir trois ou quatre manteaux de cheminée, le nouveau trentenaire aurait pu se la couler douce en cette saison post-olympique. Mais il n’est pas fait de ce bois.

Au contraire, il s’est dit qu’il en rajouterait une couche en cette campagne 2022-2023, qui culminera pour lui avec l’étape locale de Val-Saint-Côme et les Championnats du monde de Bakuriani, en Géorgie, à la fin de février.

Avant son couac de l’Alpe d’Huez, il avait été égal à lui-même lors des quatre compétitions précédentes, se classant soit premier (deux fois), soit deuxième (deux fois). Quelqu’un a des questions ?

La meilleure affaire que je pouvais faire, c’était de commencer un cycle olympique et donner un peu des claques dans la face à tout le monde. Je suis encore là, je ne fais pas une année pour le fun.

Mikaël Kingsbury

Kingsbury s’est accordé une pause conséquente à l’issue de la dernière saison, où il s’est fait surprendre par le Suédois Walter Wallberg dans la bulle olympique de Pékin. Il avait retrouvé toute sa motivation à la reprise de l’entraînement en juillet.

« J’y suis allé fort. C’était important pour moi de marquer le coup à la première course de la saison. Je suis là pour être encore dur à battre. J’ai la tête dure quand je suis sur mes skis. Je sais que beaucoup de monde disait : “On ne sait pas si Kingsbury va continuer, il a 30 ans, il est peut-être sur la pente descendante, bla-bla-bla…” C’est important de démontrer que je suis encore sur la pente montante. »

Affecté par une douleur à un genou pendant la saison, Kingsbury se sentait beaucoup mieux aux finales de la Coupe du monde, où il avait perdu une dizaine de livres par rapport à l’automne. « Hyper rapide » sur ses planches, il a réalisé qu’il devait reprendre la compétition au même poids, soit 150 lb.

« J’ai essayé d’être un peu plus fort physiquement, mais un peu plus léger. Ça permet à mes pieds de bouger plus vite dans la portion du milieu. »

Dans un sport à impacts comme le sien, le double champion mondial en titre estime que cette réduction pondérale pourrait prolonger sa carrière encore longtemps.

« À une autre époque, les gens étaient peut-être moins bien entraînés. Les carrières n’étaient pas aussi longues. J’ai une équipe incroyable autour de moi depuis que je suis tout jeune. J’aime ce que je fais. J’ai l’impression d’avoir encore 21 ans. Oui, je dois changer des choses, je suis plus intelligent dans mon ski et c’est plus dur sur le corps. […] Même quand je vais avoir 37, 33 ou 35 ans, si je continue à prendre soin de moi, je vais être encore capable de faire ce sport-là. »

La question est de savoir s’il aura alors le goût de prendre autant de risques…

Grain de folie

Sur le plan technique et tactique, Mikaël Kingsbury vise à augmenter sa vitesse dans les épreuves de simple. Y intégrer le grain de folie de ses prestations en parallèle.

« Ce n’est pas nécessairement ce qui va le faire gagner à tout coup, mais ça va nous donner un petit avantage de plus, a expliqué l’entraîneur Michel Hamelin. On réalise qu’en duel, il est toujours plus vite qu’en simple et ses sauts sont quand même aussi propres. On va comme un peu chercher cette mentalité-là. »

Le principal intéressé souhaite retrouver la même « adrénaline » qu’en parallèle. « Je veux être juste Mik qui vit le moment présent, juste un skieur qui pense un peu moins et qui fait juste foncer. »