Des fois, le Canadien nous rappelle qu’il est encore bien loin de l’élite de la LNH. Samedi soir a été l’une de ces fois.

Il faudrait un optimisme digne de Jacques Demers au printemps 1993 pour pouvoir trouver du bon dans ce match d’un ennui presque mortel au Centre Bell, remporté par les Hurricanes de la Caroline, et par la marque de 3-0.

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C’est une chose de perdre. C’est une tout autre chose de perdre de cette façon, sans jamais être capable de toucher à la rondelle. À un certain moment, en troisième, un partisan a crié « Lance ! » depuis les hauteurs, alors qu’aucun joueur du Canadien n’était en possession de la rondelle. L’ironie était presque poétique.

Au fait, on rappelle ce qui était écrit au tableau des tirs quand a retenti la sirène en fin de match : CAR 50, MTL 14.

Ça dit pas mal tout.

« Ils nous ont dominés dans toutes les facettes du jeu, et ce n’est pas une bonne recette pour obtenir du succès, a résumé Nick Suzuki d’un trait. On a laissé Samuel [Montembeault] se débrouiller tout seul. Ça aurait pu être encore pire. »

Ça aurait pu être pire, et ce le sera sans doute encore. En fin de soirée, alors qu’il y avait pas mal de gradins vides, des huées ont été entendues au Centre Bell, un rappel que les partisans ne seront peut-être pas aussi patients qu’on le croit. Tolérer une telle médiocrité, c’est une chose, mais payer pour ça ? Il y a quand même des limites.

« On était frustrés, a admis l’entraîneur Martin St-Louis. Il y avait de la frustration, mais on n’avait pas assez d’essence dans le réservoir pour y faire quelque chose. »

Dans le vestiaire, les rares joueurs du Canadien qui ont choisi de faire face aux questions ont tous parlé du casse-tête que représente cette formation de la Caroline. De toute évidence, personne n’avait de solutions dans le camp montréalais, y compris l’entraîneur.

Devant son but, Samuel Montembeault trouvait que ça allait un peu vite.

« Par moments, c’est comme s’ils avaient été six sur la glace, a illustré le gardien québécois. On l’a vu pendant tout le match, on n’a vraiment pas eu la rondelle très souvent.

« C’est une équipe qui est très bonne en possession de rondelle. J’en parlais avec Jake [Allen], et même moi, en sortie du filet, je pense que j’ai touché à la rondelle une ou deux fois pendant toute la rencontre. Ils arrivent à trois très rapidement, ils font beaucoup d’échecs avant. »

S’il y a une bonne chose, peut-être, à retenir de cette très longue soirée, c’est Montembeault lui-même, de loin le meilleur de son camp, et un jeune homme qui est en train de s’imposer dans cette ligue. Pour une équipe qui ne déborde pas de talents à cette position, il s’agit d’une bonne nouvelle.

En attendant la fin de cette longue saison qui ne veut plus finir, il y aura cinq matchs. Cinq longs matchs, certes, qui voudront dire quelque chose, ou pas.

On sent que Martin St-Louis a lui aussi hâte à ce que ça finisse.

Comme nous tous.

« L’évaluation est presque finie, a tenu à dire le pilote montréalais. Il reste, quoi, cinq matchs ? Il ne reste plus grand-chose à évaluer… J’ai une bonne idée. »

En hausse

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Samuel Montembeault

Un match de 50 tirs contre lui, et plusieurs gros arrêts, dont celui de la mitaine, sans bâton et assis, en fin de troisième période.

En baisse

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Joel Armia

On s’attendait à ce qu’il survole la glace à son retour au jeu, mais non, ce n’est pas arrivé.

Le chiffre

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Samuel Montembeault fait l’arrêt devant Jordan Martinhook.

50 (et 14)

C’est le plus haut total de tirs accordés par le Canadien cette saison, et 14, c’est le plus bas total de tirs par le club cette saison.

Ils ont dit

C’est une équipe qui était prête, qui sera en séries, et nous, on n’était pas prêts.

Martin St-Louis

On n’avait aucune réponse… aucune exécution. Ç’a été l’un de nos pires matchs depuis un bout.

Nick Suzuki

Je n’ai pas vu grand-chose de lui, pour être honnête, ce qui est une bonne nouvelle. On doit donner le crédit à nos joueurs pour que ce soit arrivé. Il n’a pas eu grand-chose à faire.

Rod Brind’Amour sur la performance du gardien Antti Raanta

J’avais hâte de revenir. Je n’ai pas joué 60 minutes parfaites, il y a des moments où j’étais un peu perdu. Mais dans l’ensemble, ç’a bien été. Les gars ont bien joué devant moi.

Antti Raanta, sur son blanchissage après trois semaines sans jouer

Propos recueillis par Simon-Olivier Lorange, La Presse

Dans le détail

Saison terminée pour Savard

C’est presque devenu une tradition : en toute fin de soirée, alors que le match et les points de presse étaient terminés, le Tricolore a annoncé que la saison d’un joueur était terminée. C’était cette fois le tour de David Savard, qui, blessé au genou droit, devra faire l’impasse sur les cinq derniers matchs de son équipe. Le Québécois rejoint donc Cole Caufield, Christian Dvorak, Arber Xhekaj, Josh Anderson et Kaiden Guhle dans le groupe de ceux qu’on ne reverra pas en uniforme en 2022-2023. On pourrait théoriquement ajouter Juraj Slafkovsky et Sean Monahan à la liste, mais l’équipe n’a pas encore confirmé la fin des programmes dans leur cas. Remarquez, ça ne change plus grand-chose à ce stade-ci…

La plus grande domination de la saison ?

Les Hurricanes de la Caroline ont-ils exercé sur le Canadien la plus grande domination de la saison ? L’une des plus grandes, assurément. En plus de 1200 matchs disputés dans la LNH en 2022-2023, il n’est arrivé que deux fois qu’une équipe cadre moins de tirs au but que le CH samedi (14). Aussi, selon le site spécialisé Natural Stat Trick, jamais encore un club n’avait obtenu une si faible proportion des tentatives de tir à cinq contre cinq – 23 contre 72, soit 24,2 % du total. Cet indicateur, rappelons-le, donne une idée de la possession de la rondelle par l’une ou l’autre des équipes. « C’est pas mal le plus dominant que nous pouvions être, a résumé l’entraîneur-chef des Hurricanes, Rod Brind’Amour. Nous avons passé le match dans leur zone. On n’a pas créé beaucoup de choses en contre-attaque, mais on n’a pas eu besoin de le faire. C’est de cette manière qu’on doit gagner des matchs. »

Puissance défensive

Un peu sur le même thème, l’effort défensif déployé par les Hurricanes impose l’admiration. Pas seulement contre le triste Canadien, mais depuis le début de la saison. Personne ne concède moins de tirs par match dans la LNH. Seuls les tout-puissants Bruins de Boston accordent moins de buts et sont plus avares en désavantage numérique. L’équipe peine à marquer des buts depuis la perte d’Andrei Svechnikov, mais défensivement, cette équipe-là est fin prête à attaquer les séries éliminatoires. « On a perdu des matchs récemment, mais notre jeu défensif était là quand même, a rappelé Jordan Staal après la joute. En limitant n’importe quelle équipe à si peu de tirs, tu te donnes une chance de gagner. Ce soir n’a pas fait exception. » Martin St-Louis a par ailleurs rappelé que sa troupe n’avait pas été la seule victime des Hurricanes cette saison. « Chaque fois qu’on a eu la chance de faire des jeux, on n’était pas connectés, a-t-il analysé. C’était un de ces matchs où on ne touchait pas à la rondelle. C’est frustrant. »

Simon-Olivier Lorange, La Presse