La patience semble avoir atteint sa limite à Toronto.

En conclusion d’une longue semaine de bilan, la haute direction du club a été on ne peut plus claire sur ses intentions pour la suite des choses : aucun scénario n’est écarté, surtout pas celui d’échanger au moins une des grandes vedettes de l’équipe.

Six jours après que les Leafs eurent subi l’élimination au premier tour des séries éliminatoires, et 24 heures après avoir montré la porte à l’entraîneur-chef Sheldon Keefe, les têtes dirigeantes de l’organisation se sont exprimées devant les membres des médias locaux. Elles avaient laissé leurs gants blancs à la maison.

Keith Pelley, chef de la direction de MLSE, société qui possède l’équipe : « On doit gagner, rien d’autre ne compte. […] Nous ne sommes pas ici pour vendre des chandails. »

Brendan Shanahan, président des opérations hockey : « Les résultats que nous avons obtenus, nos joueurs le savent, nous le savons, je le sais, sont inacceptables. »

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Brendan Shanahan, président des opérations hockey des Maple Leafs de Toronto

Brad Treliving : « Nous avons échoué à atteindre des buts qui étaient, selon moi, atteignables. […] Après une saison comme celle-là, tout doit être sur la table. »

« Tout », sauf peut-être se séparer de Shanahan et de Treliving. Pelley a vanté les vertus « de la chimie et de l’unité » au sein de son équipe, ce qui doit se traduire chez les joueurs comme chez ses acolytes en cravate. À l’évidence, ses deux nouveaux employés l’ont convaincu de leur faire confiance. En tout cas, pour l’instant.

Parlant de confiance, ou pas, plutôt, on peut d’emblée déduire que les membres du noyau offensif de l’équipe ne doivent plus rien tenir pour acquis en ce qui concerne leur avenir dans la Ville Reine.

Depuis que le « Core Four » – John Tavares, Auston Matthews, Mitch Marner, William Nylander – a été réuni en 2018, la même formule se reproduit invariablement chez les Leafs : une attaque et un avantage numérique dévastateurs en saison, mais qui s’essoufflent, voire s’effondrent en séries.

Quand un phénomène survient six fois en sept séries, on peut certainement parler, comme l’a fait Brad Treliving, d’un « modèle récurrent ». La seule exception : le premier tour contre le Lightning de Tampa Bay l’année dernière, unique série gagnée par les Leafs depuis 20 ans.

« Il y a un temps pour la patience, mais nous en sommes à un point où on a tellement vu l’histoire se répéter qu’on doit s’y pencher sérieusement », a renchéri le DG.

La réponse la plus éloquente des quelque 45 minutes du point de presse est probablement celle que Brendan Shanahan n’a pas donnée à la toute dernière question qui lui a été posée.

« Le noyau en place peut-il gagner ? », lui a demandé un reporter. Son interlocuteur a alors remâché ce qu’il avait déjà affirmé sur la patience érodée, sur les résultats inacceptables et sur la réévaluation des troupes basée sur de « nouvelles informations ».

Le mot qu’il n’a jamais prononcé ? « Oui ».

Le talent ne suffit plus

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Morgan Rielly (44), William Nylander (88), Mitch Marner, Auston Matthews et John Tavares

Le talent au sein de cette formation est indéniable. Aux quatre attaquants qui se passent de présentation s’ajoute évidemment le défenseur Morgan Rielly.

Or, pour réussir la transition de la saison aux séries, le talent ne suffit plus, estime Brad Treliving.

Ce n’est pas comme si son équipe peinait à marquer des buts. En saison, les Leafs en ont même inscrit 20 de plus en 2023-2024 que la saison précédente, prenant le deuxième rang de la ligue à ce chapitre. Là n’est pas le problème.

Nous devons trouver la manière de réussir des choses qui ne sont pas sexy. Des choses qui ne requièrent pas d’habiletés, mais qui sont nécessaires pour gagner à ce temps-ci de l’année.

Brad Treliving, directeur général des Maple Leafs de Toronto

« Il y a les buts de saison et les buts de séries, a abondé Brendan Shanahan. Je pense que les buts de séries viennent d’une structure défensive qui limite les chances accordées et qui force l’adversaire à ouvrir le jeu. […] En séries, il faut se rendre dans les zones difficiles [dirty areas] et connaître du succès en avantage numérique pour gagner du momentum. »

« Est-ce systémique ? s’est encore demandé Treliving. Ou une question de personnel ? » Il espère trouver la réponse au cours des prochaines semaines. Ce qu’il croit toutefois fermement, c’est que ses joueurs ont besoin d’une « nouvelle voix » pour les guider vers la victoire. D’où le changement derrière le banc.

Le DG a aussi, sans surprise, dû répondre à des questions sur la viabilité du modèle d’affaires en place, alors que quatre joueurs – vous savez qui – accaparent plus de la moitié de la masse salariale.

Refusant de « revisiter l’histoire », il préfère aborder la situation sur le plan philosophique. De toute manière, d’un point de vue strictement pragmatique, sa marge de manœuvre est limitée à l’extrême par les clauses de non-mouvement que possèdent ses étoiles.

Nous sommes où nous sommes. [Le succès] ne repose pas que sur quelques joueurs, mais sur l’équipe au complet. […] Tout le monde est important, du haut de la chaîne alimentaire jusqu’au 23joueur de la formation.

Brad Treliving

Matthews, Marner, Tavares et Nylander « sont de très bons joueurs », a-t-il convenu.

« Mais nous devons trouver pourquoi nous finissons avec les mêmes résultats chaque année, puis nous ajuster en conséquence. »

Le message, glacial, est clair, sans appel. Les actions le seront-elles autant ? Ça reste à voir. Dans tous les cas, l’été s’annonce chaud à Toronto.