(Los Angeles, Californie) « C’est une business. » La phrase qu’on entend le plus souvent au sein des équipes processionnelles, à l’approche d’une date limite des transactions, est aussi froide qu’elle est vraie.

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Les athlètes sont conscients de la réalité économique inhérente à leur emploi. Les équipes en bonne posture pour gagner un championnat pigeront chez celles qui sont coincées au fond du classement pour se renforcer en vue des séries éliminatoires. Ce qui amène évidemment son lot d’incertitude pour les joueurs les plus susceptibles d’être échangés.

Au terme de la défaite de 3-2 du Canadien à Los Angeles, jeudi soir, Joel Edmundson n’évoluait plus dans une « business ». En un peu moins de quatre minutes, et alors qu’il avait encore le front ruisselant de sueur après avoir disputé un premier match en plus d’un mois, il s’est livré d’une manière qu’on voit désormais rarement. C’est-à-dire avec franchise, sans tenter de maquiller la réalité ou de diminuer son sentiment réel.

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Jake Allen (34) se fait déjouer par un tir en deuxième période.

Le défenseur de 29 ans s’est, au cours des dernières semaines, retrouvé dans une situation pour le moins inconfortable, au bas mot. Un long mois de rééducation, pendant lequel toutes sortes de rumeurs couraient à son sujet concernant un potentiel changement d’équipe.

Spontanément, et sans que personne ne lui ait tiré les vers du nez, il a confirmé ce dont tout le monde se doutait. La blessure au « haut du corps » qui l’a forcé à rater 11 matchs, c’était en réalité une blessure au dos. C’est la troisième fois en deux saisons que des douleurs dans cette région du corps privent Edmundson d’action pendant une longue période.

« Tous les joueurs ont des problèmes de dos, a-t-il lancé d’emblée. Ce n’est jamais facile, car tu utilises ton dos pour tout. J’ai continué à bouger le plus possible pour garder ma flexibilité. »

Au terme d’une rééducation dont on comprend qu’elle s’est déroulée en accéléré, il est donc revenu au jeu contre les Kings. Sans doute pour faciliter sa transition, son entraîneur avait opté pour une formation à sept défenseurs, mais les plans ont rapidement changé lorsque Justin Barron a été forcé de quitter la rencontre après seulement quelques minutes.

Edmundson a été utilisé un peu moins d’une quinzaine de minutes. Sans douleur. « Je me sentais bien », a-t-il assuré.

Une longue journée

L’éléphant dans la pièce, avec le grand défenseur, c’était surtout cette fameuse période des transactions qui prendra fin ce vendredi à 15 h.

Petite parenthèse technique ici : en raison d’une politique interne appliquée par plusieurs équipes de la LNH, dont le Tricolore, les journalistes n’ont pas accès aux joueurs blessés pendant leur rééducation. Cela fait donc des semaines qu’Edmundson n’a pas rencontré les représentants des médias.

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Joel Edmundson

La mention est importante, car tous les autres joueurs susceptibles d’être échangés ont déjà répondu aux questions au sujet de leur statut. Jonathan Drouin s’y est collé, Josh Anderson aussi.

Avec Edmundson, ce n’est qu’à la veille de la date fatidique que le sujet a pu être abordé, et après un match en plus. Des conditions tout sauf idéales.

Or, le numéro 44 a décidé de jouer la carte de la vérité. Oui, les semaines ont été longues, à la maison, et les rumeurs à son sujet étaient « dans [sa] tête ». « On voit tout passer », a-t-il avoué.

« Quand notre équipe est dans la situation actuelle, tout le monde est à risque, a-t-il fait remarquer. Ça fait partie de la business, mais ce n’est pas plaisant. J’ai essayé de me distraire, de ne pas trop y penser. »

C’est plate [it sucks] de se retrouver dans cette position. Ce sera une longue journée.

Joel Edmundson

« On construit quelque chose de bien ici, je veux faire partie du processus [de reconstruction], a-t-il encore dit. J’ai dit à l’équipe que je voulais rester. Il arrivera ce qu’il arrivera. »

Dans un univers contrôlé comme celui du sport professionnel, il est rare qu’on ait accès à autant de franchise. Comme si ça ne suffisait pas, Jake Allen en a rajouté une couche au sujet de l’attachement du défenseur à l’organisation.

« Il adore jouer à Montréal, il adore cette équipe », a dit le gardien, rappelant par ailleurs que son coéquipier de longue date avait déjà vécu une transaction qu’il n’avait pas « pas vue venir » par le passé – lorsque les Blues de St-Louis l’ont échangé aux Hurricanes de la Caroline en 2019. « Si [un échange] arrive, ça arrivera. Sinon, je serai content qu’il soit là. J’espère que ce sera la deuxième option. »

Allen a par ailleurs rappelé à quel point Edmundson devenait un monstre en séries éliminatoires. Il l’a vu à l’œuvre chez les Blues, équipe avec laquelle les deux ont gagné la Coupe Stanley en 2019, puis chez le Tricolore, qui a atteint la grande finale en 2021.

« C’est la raison pour laquelle les autres équipes s’intéressent à lui », a conclu le gardien.

On peut maintenant se demander si, vu son lourd passif de blessures, Edmundson intéressera réellement une autre équipe, au point de payer le prix exigé par le directeur général Kent Hughes pour l’obtenir. On en saura très rapidement davantage sur la suite des évènements ; en fait, au moment où vous lirez ce texte, peut-être une transaction aura-t-elle déjà été conclue.

Si Edmundson quitte le Canadien, il laissera derrière lui une empreinte dans le vestiaire. En trois saisons complètes, il s’est établi comme un leader incontournable, une référence pour les nombreux jeunes joueurs.

S’il doit boucler ses valises vendredi, il aura offert un gros morceau de vérité comme cadeau de départ. Ça n’a pas passé inaperçu. Et c’en dit probablement beaucoup sur lui.

En hausse

Mike Matheson

C’est à se demander s’il ne gagne pas en vitesse de match en match. Il a créé deux chances de grande qualité grâce à des efforts individuels à des moments opportuns.

En baisse

Mike Hoffman

On ne s’en sort pas : sa prise de décision, surtout en avantage numérique, est probablement sa plus grande faiblesse. Un autre match où il n’a pas aidé son équipe au moment où elle avait besoin de lui.

Le chiffre du match

40 %

C’est le taux de succès de Phillip Danault au cercle de mises au jeu (6 en 15), une aberration pour celui qui carburait à plus de 53 % avant la rencontre.

Dans le détail

Justin Barron mal en point

La triste règle du « un qui rentre, un qui sort » a été scrupuleusement respectée chez le Canadien. Alors que Joel Edmundson est enfin revenu au jeu, c’est Justin Barron qui est tombé au combat. Dès sa deuxième présence, en première période, il a été mis en échec par Carl Grundstrom derrière le filet de Jake Allen. Il est immédiatement entré au vestiaire et, l’entracte venu, l’équipe a fait savoir qu’il ne reviendrait pas au jeu. Puisque Martin St-Louis avait choisi d’utiliser sept défenseurs, l’absence de Barron a été compensée relativement facilement. L’organisation n’a fourni aucun détail additionnel sur l’état du jeune homme. Là où ça pourrait devenir complexe, c’est si le Tricolore échangeait Edmundson vendredi et que Barron n’était pas en mesure d’affronter les Ducks d’Anaheim. Il n’y aurait alors d’autre choix que de disputer la rencontre avec cinq défenseurs, à moins que Kent Hughes n’acquière un arrière qui se trouve déjà sur la côte ouest.

Gurianov conjure le mauvais sort

PHOTO KIYOSHI MIO, USA TODAY SPORTS

Denis Gurianov (25) célèbre son but Michael Pezzetta (55).

Après 23 matchs sans marquer, Denis Gurianov a finalement conjuré le mauvais sort. En troisième période, le Russe s’est avancé sur l’aile gauche et a servi un tir frappé d’anthologie à Pheonix Copley. On peut présumer que le nouvel ailier du Canadien a poussé un soupir de soulagement après avoir augmenté de 50 % son total de réussites de la saison (de deux à trois). Cela étant, le duo qu’il constitue avec Nick Suzuki a été autrement plus effacé que lors de sa première audition de mardi contre les Sharks de San Jose. Disons pour faire court qu’il n’a pas offert une clinique de replis défensifs et d’intensité. On n’en perdra pas le sommeil, mais ça donne peut-être un éclairage nouveau sur les raisons pour lesquelles les Stars de Dallas ont perdu espoir dans son cas.

À l’assaut du 1-3-1

En matinée, jeudi, les joueurs du Canadien avaient expliqué que l’une des clés pour vaincre les Kings serait de décoder leur système défensif. Lors du dernier duel entre les deux équipes, en décembre, les hommes de Martin St-Louis avaient été complètement menottés par la formation 1-3-1 que les Kings déploient lorsqu’ils perdent le contrôle du disque. Cette fois, ç’a été franchement mieux, St-Louis estimant même que son club avait réussi à déjouer la trappe tendue en zone neutre. « On montre qu’on est capables de jouer contre tout le monde, a estimé l’entraîneur après la rencontre. Ça donne beaucoup de confiance aux joueurs. » Il n’empêche que ce sont les Kings qui ont eu un réel avantage au troisième vingt. Après avoir marqué deux buts rapides, ils ont complètement fermé le robinet en défense. De toute la période, et alors qu’il tentait de créer l’égalité, le Canadien n’a été crédité que d’une chance de marquer de qualité par le site Natural Stat Trick. Disons que ce n’est pas ce qui était recherché.