Au camp d’entraînement, Martin St-Louis a d’emblée parlé de l’importance, pour ses joueurs, de faire « monter leur valeur ».

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Instinctivement, et surtout ces jours-ci, on pensera à la valeur liée à un potentiel échange, mais en début de saison, il était surtout question de progrès et d’amélioration personnelle par rapport à son sort du moment. Que ce soit une recrue qui attend patiemment un rappel (voir : Harvey-Pinard, Rafaël), ou un vétéran dont le rôle n’était pas encore déterminé dans la formation.

La victoire de 4-0 du Tricolore, acquise mardi contre les Blackhawks de Chicago, a été signée au terme d’un match franchement ennuyant. Les visiteurs, dont les meilleurs joueurs semblent se voir déjà ailleurs, se sont complètement effondrés après le deuxième but du Canadien.

Ce que cette rencontre a permis, toutefois, c’est justement à des joueurs montréalais de se mettre en valeur. Au tout premier chef Jonathan Drouin et, dans une moindre mesure, Evgenii Dadonov. Deux attaquants qui écoulent la dernière année de leur contrat et dont on se doute que la vente de leur chandail ne constitue pas le pain et le beurre des boutiques spécialisées.

Drouin, d’abord. Le Québécois est sur une heureuse séquence, de loin sa meilleure de la saison. Avant de se blesser, à la mi-janvier, il venait de récolter sept points en neuf matchs. Et depuis le retour de la pause de son équipe, qui a coïncidé avec son propre retour en forme, il a ajouté cinq points en trois matchs. Croyez-le ou non, depuis le 29 décembre, il est le deuxième pointeur du Canadien, un seul point derrière les 13 de Kirby Dach, qui a toutefois disputé sept matchs de plus que lui.

« Ça fait du bien, a avoué le principal concerné après la rencontre. Je suis un joueur offensif, c’est mon travail d’aller chercher des points. On joue bien, en ce moment. Je me sens confortable. »

Constance

Le lecteur moindrement susceptible ferait mieux de ne pas lire le segment qui suit avec en main un objet pointu. Mais Jonathan Drouin, depuis son arrivée avec le Canadien, est un contributeur assez constant sur le plan offensif.

L’examen de son jeu sur le plan qualitatif permet évidemment de déceler des failles. Ce n’est pas le plus acharné en fond de territoire ou en repli défensif, par exemple. Or, même s’il a subi plusieurs blessures qui l’ont forcé à rater la moitié des matchs de son club depuis quatre ans, il produit systématiquement à un rythme de 43 à 48 points par tranche de 82 matchs. Cela a bel et bien une valeur.

Drouin ne s’en cache pas du tout : il souhaite que ses succès du moment attirent l’attention d’un directeur général d’ici le 3 mars, date limite des transactions.

« Dans la position où on va être, d’ici deux semaines, tu veux qu’une équipe vienne te chercher pour avoir la chance de gagner la Coupe Stanley », a-t-il dit avec franchise.

Tu veux qu’une équipe soit attirée par toi, qu’elle te veuille.

Jonathan Drouin

Le boulet que l’ailier traîne à son pied, c’est, d’une part, son contrat, trop onéreux pour sa contribution unidimensionnelle, et, d’autre part, le fait qu’il ait semblé incapable de rester en santé pendant un long moment au cours des dernières années. Il fait monter sa valeur au bon moment, mais est-il trop tard pour qu’il en récolte les fruits ailleurs dès cette saison ? Ça se pourrait bien.

Il n’empêche qu’il y a une vie après la présente campagne, et que Drouin devra se trouver un nouveau contrat, que ce soit à Montréal ou, vraisemblablement, ailleurs. Ça aussi, il en est pleinement conscient.

« La seule chose que je contrôle, c’est la façon dont je joue au hockey. » Ça le sert plutôt bien actuellement, et ça sert bien le Canadien aussi, qui vient, sans qu’on s’en émeuve, de signer trois gains de suite.

« Beaucoup de gars font monter leur valeur ; ça paraît dans le rendement de notre équipe et sur la manière dont on joue, a confirmé Martin St-Louis après le match de mardi. Quand tout le monde est engagé et fait partie de la recette, ça nous aide à gagner. Beaucoup de gars jouent du très bon hockey. »

Dadonov aussi

Cette dernière affirmation, et l’entraîneur-chef l’a lui-même confirmé, vise aussi Evgenii Dadonov, par ailleurs à la recherche d’un nouveau contrat, comme Drouin.

Sa production récente est moins fulgurante – quatre points à ses trois derniers matchs, tout de même –, mais son implication saute aux yeux, ce qu’on ne pouvait pas dire souvent avant Noël. Ça se manifeste dans des batailles pour la rondelle, par exemple, ou dans des manœuvres individuelles bien choisies.

« Je sais qu’on peut regarder les statistiques, ou se concentrer seulement sur un match ou une période, et dire qu’il ne travaille pas, mais en général, c’est un travaillant, a dit St-Louis de l’attaquant russe. Il connaît beaucoup de [stabilité] avec un gars comme Dach, qui joue très bien, et Hoffman qui complémente sa game. »

Après une longue adaptation en début de parcours, « on voit sa confiance revenir », a ajouté Jake Allen.

À l’instar de Drouin, ce regain arrive à point. Mais là aussi, ça pourrait être trop peu, trop tard, pour que le Canadien espère un retour potable dans une transaction.

Cela donne toutefois, pour le moment en tout cas, quelques victoires aux partisans qui viennent les encourager. À cela aussi, il y a une valeur.

Dans le détail

Ça se poursuit à la ligne bleue

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

David Savard (58)

Mine de rien, le Canadien connaît sa meilleure séquence offensive de la saison avec 18 buts dans les 4 derniers matchs. Les défenseurs de l’équipe ont eu leur mot à dire en inscrivant le tiers de ces buts, tous dans les trois dernières rencontres. Mardi, c’était au tour de Justin Barron et de David Savard de se gâter. « On sait que [Nick Suzuki et Cole Caufield] étaient les gros canons qui fonctionnaient en début d’année. On veut en donner plus », a résumé Savard. C’est qu’avant cette séquence, les arrières du CH avaient seulement inscrit 12 buts dans les 51 premiers matchs de la saison. Par contre, il importe de distinguer les buts qui sont le fruit d’un réel appui à l’attaque et ceux sur des jeux plus anodins, car les défenseurs ont tout de même tiré seulement six fois sur le filet adverse mardi. Savard, par exemple, s’est réellement amené comme troisième homme dans l’attaque. Par contre, Barron a marqué sur un tir de la ligne bleue, une rondelle qu’il tentait simplement d’envoyer dans les environs du filet.

Dure soirée chez les Blackhawks

Les Blackhawks connaissaient déjà une rude saison et leur soirée à Montréal n’aidera pas tellement leur cause. Tôt dans le match, ils ont perdu les services de Jarred Tinordi. Interrogé après le match, l’entraîneur Luke Richardson a aussitôt confirmé que le grand défenseur était blessé au haut du corps et qu’il ne jouerait pas ce mercredi à Toronto. L’entraîneur-chef a ajouté que l’attaquant MacKenzie Entwistle représentait un cas incertain pour le prochain match. C’est sans oublier le centre Jason Dickinson, qui a quitté la rencontre en première période, avant de revenir au jeu en période médiane. « Il a bloqué un gros tir, il s’est ajouté de la protection sur le coude et a pu finir le match », a révélé Richardson, dans une transparence qui ferait des jaloux à Montréal. La blessure à Tinordi a été particulièrement damnante pour Richardson, qui a dû employer ses cinq autres défenseurs plus de 20 minutes chacun.

Nouveau partage des tâches

Statistique inattendue du match de mardi : des 14 mises en jeu dans la zone du Canadien, Nick Suzuki en a pris 9. C’est aussi dans cette zone qu’il en a pris le plus. Or, c’est là une tendance qui s’observe depuis neuf matchs, soit peu après la blessure à Jake Evans. Suzuki est en effet devenu l’homme de confiance de Martin St-Louis pour les mises en jeu en zone défensive au cours de cette période. Il en a pris 70, soit 20 de plus que Christian Dvorak. Une partie de ces mises en jeu supplémentaires vient évidemment du désavantage numérique, où Evans était un pilier. Il sera intéressant de voir comment St-Louis gérera de telles affectations. D’un côté, un véritable centre offensif a généralement droit à des contextes plus favorables pour générer de l’attaque. De l’autre, Suzuki a toujours admiré Patrice Bergeron, un as des missions défensives.

Guillaume Lefrançois, La Presse

En hausse

Jake Allen

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jake Allen

Ce n’est pas le jeu blanc le plus épuisant de sa carrière, mais il vient d’aligner deux solides performances de suite au retour d’une longue pause.

En baisse

Josh Anderson

Le verdict peut sembler sévère. Or, malgré toute l’énergie qu’il déploie, son manque de finition vient parfois le rattraper.

Le chiffre du match

90 %

Christian Dvorak a été carrément dominant au cercle de mise au jeu. Il était parfait (8 en 8) après deux périodes, et a conclu la rencontre avec une performance de 90 % (9 en 10).

Ils ont dit

On n’était pas bons ce soir et on n’a pas même tenté un début de poussée. Ce n’était pas un bon match. On ne gagnait pas de batailles pour la rondelle, on ne se plaçait pas en position de la garder. On ne tuait pas de jeux. On était faibles, on ne se battait pas et on leur donnait des chances beaucoup trop faciles qu’ils n’avaient pas à mériter.

Connor Murphy, défenseur des Blackhawks

On était très maladroits en première période et ils ont trouvé leur rythme avant nous. On était déconnectés. Pas que les gars n’essayaient pas, mais quand on dégageait, on ne plaçait pas la rondelle à des endroits où on pouvait la récupérer. Le deuxième but nous a vraiment sortis.

Luke Richardson, entraîneur-chef des Blackhawks

[Mike] Matheson semble ne jamais se fatiguer sur la glace. Il est dur à affronter parce qu’il se défend avec ses pieds. Il a un élément offensif aussi. Je savais que c’était un bon patineur, mais je ne savais pas qu’il était aussi bon.

Martin St-Louis, au sujet de Mike Matheson

Chaque année, il joue très bien, il nous donne une chance de gagner. Ce soir, ils ont eu de bonnes chances en première période et il nous a gardés dans le match.

Jonathan Drouin, à propos de Jake Allen

Propos recueillis par Simon-Olivier Lorange et Guillaume Lefrançois, La Presse