Les hommes en rouge, comme des princes de l’enfer, n’ont jamais attiré une quelconque sympathie en ce bas monde, sur lequel ils règnent en rois et maîtres depuis l’arrivée de Mahomes le tout-puissant. Mais cette hostilité devra cesser parce que devant l’excellence, nul n’est tenu de rester indifférent.

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En remportant le Super Bowl par la marque de 25-22 en prolongation, dimanche, contre les 49ers de San Francisco, les Chiefs de Kansas City ont atteint une forme rarissime de perfection.

Winston Churchill, grand poète devant l’éternel, a déjà laissé entendre qu’il faut changer pour s’améliorer et qu’il faut changer très souvent pour être parfait.

Mais tout en s’ajustant, les Chiefs n’ont jamais oublié à quel point ça pouvait être payant de rester soi-même. Quelque part, c’est un peu le réflexe des grandes équipes. Et c’est habituellement la marque des dynasties. Celles qu’on voit une fois par génération.

PHOTO BRIDGET BENNETT, THE NEW YORK TIMES

Mecole Hardman a inscrit le touché victorieux.

« Disons que c’est le début [de la dynastie]. On n’a pas fini », a laissé tomber Mahomes au micro de CBS, quelques secondes après avoir complété une passe de quatre verges à Mecole Hardman pour s’assurer du titre.

Mahomes et les Chiefs sont débarqués à Vegas avec une tonne d’a priori dans leurs bagages. Les bagues de championnat, les titres de division et la conviction d’être l’équipe la mieux rodée de la présente décennie. Or, il fallait quand même jouer pour gagner. Et les Chiefs ont été l’ombre d’eux-mêmes seulement à partir de la deuxième demie. Ç’aura été suffisant pour devenir la première équipe en 20 ans, depuis les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, à défendre son titre.

Encore Mahomes

Le quart-arrière de 28 ans s’est projeté au sol une fois sa passe gagnante captée par son receveur. Sans doute par euphorie, ou parce que le poids d’être le digne héritier de Tom Brady et Joe Montana est soudainement devenu très lourd à porter. Grâce à 34 passes complétées en 46 tentatives, 333 verges par la passe, deux passes de touché et 66 verges au sol, Mahomes a reçu le trophée du joueur par excellence du match pour la troisième fois de sa carrière, comme Montana. Seul Brady les devance à ce chapitre.

Cet autre triomphe restera dans les annales, mais l’Histoire devra aussi se rappeler que Mahomes a commencé la partie sur les talons. Après un quart, les Chiefs avaient généré seulement 16 verges d’attaque. Après une demie, les éventuels champions n’avaient encore inscrit aucun touché. On les comptait presque comme battus. « Cette partie a été à l’image de notre saison, a évoqué le quart-arrière. Il ne faut jamais nous sous-estimer. »

Mahomes était désorienté et souvent laissé à lui-même. Les Chiefs paraissaient extrêmement fragiles. Au point où Travis Kelce s’en est pris physiquement et verbalement à son entraîneur-chef Andy Reid. L’ailier rapproché était évidemment insatisfait de l’allure de la rencontre. Il avait capté juste un ballon, pour une seule petite verge, et ce, en tout début de partie.

« Vous avez vu ça ?, a questionné Kelce après le match. Je vais garder ça entre nous, à moins que mon microphone ne révèle mes propos au monde entier. Je lui disais (à Reid) simplement à quel point je l’aimais. »

« Travis me garde jeune, a répliqué Reid sur le panel télé après le match. Il a testé ma nouvelle hanche aussi. Normalement, j'aurais répliqué, mais il m'a pris par surprise et j'étais dans une mauvaise position. »

Pour expliquer ce début de match au ralenti, il faut revenir inévitablement sur l’ouvrage de la défense des 49ers. Les joueurs de la baie californienne étaient inspirés et impitoyables.

PHOTO STEPHEN R. SYLVANIE, USA TODAY SPORTS

Chase Young plaque Patrick Mahomes.

Chase Young, qu’on n’attendait plus, s’est réveillé au moment le plus important de la saison. Il a effectué le premier sac du quart de la rencontre. Nick Bosa, une valeur sûre, a offert un rendement égal à son talent et sa réputation. Ses statistiques ne sont pas délirantes, mais tout au long du match, il a profité de la faible ligne offensive de Kansas City pour embêter Mahomes. Comme des insectes nuisibles autour d’une pièce de viande bien chaude et juteuse, les deux anciens d’Ohio State ont été fort utiles pour les Niners.

L’unité de Steve Wilks n’a rien à se reprocher. La défense a tenu le coup bien longtemps, mais un match d’une telle ampleur se joue dans toutes les facettes du jeu.

Revenir de loin

Mahomes et les Chiefs ont été nettement dominés en première moitié du match. Même que la première passe de touché de la rencontre n’est même pas venue du bras de Brock Purdy. Le quart des 49ers a amorcé un jeu truqué ayant permis à Jauan Jennings de lancer le ballon en direction de Christian McCaffrey pour prendre une avance de 10-0.

PHOTO MARK J. REBILAS, USA TODAY SPORTS

Christian McCaffrey a inscrit un touché sur un jeu truqué en première demie.

Dès le retour du spectacle d’Usher, qui ne deviendra jamais un classique d’ailleurs, les Niners ont continué d’exercer une pression constante sur l’attaque des Chiefs. Ji’Ayir Brown a intercepté un relais de Mahomes en direction de Kelce après 90 secondes en deuxième demie. Malheureusement pour les Chiefs, Mahomes n’a pas pu se fier sur le jeu au sol, car le demi offensif Isiah Pacheco a connu une deuxième présence à la grande fête du football très difficile. Il a échappé le ballon à la porte des buts, il a mal maîtrisé une remise arrière de son quart et il a échoué en tentant de convertir un troisième essai et une verge, notamment.

Avec sept minutes à faire au troisième quart, Mahomes a pris les choses en main, avec ses jambes. Puis, un botté réussi de 57 verges de Harrison Butker a véritablement lancé les Chiefs pour de bon. D’ailleurs, si ce sport n’en était pas un dans lequel les quarts-arrières devaient triompher à tout prix, Butker aurait pu être considéré comme joueur le plus utile à son équipe. Le botteur a quand même inscrit 13 points à lui seul.

Savoir gagner

Les deux équipes se sont envoyé des jabs en fin de match. Prenez en exemple votre film favori de la série Rocky et imaginez chacun des quarts-arrières dans un coin du ring pour saisir l’image voulue. Une passe de touché de Mahomes à Marquez Valdes-Scantling. Une passe de touché de Purdy à Jennings, sorti des catacombes pour le plus grand match de sa vie.

Puis, à 19-19, le temps réglementaire n’avait offert encore aucun gagnant. Comme des chevaliers épuisés, mais désireux de vaincre, ils ont retiré leur armure pour mieux revenir.

Avec une utilisation finalement adéquate de McCaffrey au sol, les Niners ont percé la défense de Kansas City. Cependant, incapable de capitaliser, l’attaque californienne a dû se contenter de trois points. Chris Jones et Nick Bolton y ont mis du leur, limitant la récolte de Purdy à 255 verges.

Mais offrir la réplique à Patrick Mahomes, comme c'est le cas en prolongation en éliminatoires, c’est beaucoup trop, parce que les plus grands trouvent toujours un moyen de gagner.

Le quart-arrière des Chiefs a démontré toute sa splendeur, son aplomb, son jugement et sa témérité pendant cette fin de joute où chaque seconde tombait comme une guillotine sur les chances de l’emporter des Niners. Par lui-même, il a converti un troisième essai et un quatrième essai.

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Patrick Mahomes échappe à Nick Bosa.

Tonitruante pendant les 60 premières minutes de la rencontre, la défense des 49ers a été hypnotisée. Mahomes a été magistral dans sa gestion du cadran et irréprochable dans les moments cruciaux. Avec trois secondes à faire à la première période de prolongation, Reid a appelé ses bloqueurs sur la droite et ses receveurs à courir à gauche, pour que son quart lance à un Hardman fin seul un ballon ayant le poids d’une dynastie. « Je voulais juste attraper le ballon », a dit le receveur après la rencontre.

Un attrapé qui a offert aux Chiefs un troisième sacre en cinq ans. « On en vise trois de suite. Mais pour en avoir trois, il fallait commencer par deux », a évoqué avec justesse Kelce. Tout de suite après avoir éraillé sa voix avec « Viva Las Vegas ! ».

Il restera de cette conquête un retour de botté échappé et recouvré par les Chiefs, une transformation ratée par Jake Moody et le blitz de Trent McDuffie sur Purdy en troisième et quatre avec deux minutes à faire au match. Mais il restera surtout une trace indélébile de cette formation dans l’histoire de cette discipline définissant l’Amérique et l’attrait du collectif à son paroxysme. Il fallait une grande équipe pour redéfinir les contours de ce grand et merveilleux sport. Et les Chiefs l’ont fait de la plus belle manière en devenant une toute nouvelle dynastie.

Ils ont dit

PHOTO JOHN LOCHER, ASSOCIATED PRESS

Patrick Mahomes

C’est le début d’une dynastie. Mais on n’a pas fini. On a une jeune équipe. Il faut continuer.

Patrick Mahomes, en entrevue sur les lignes de côté sur les ondes de CBS

Bravo à l’équipe. Quelle performance incroyable. Un des Super Bowl les plus excitants que j’ai vus.

Clark Hunt, propriétaire des Chiefs de Kansas City, lors de la remise du trophée Vince-Lombardi

PHOTO ASHLEY LANDIS, ASSOCIATED PRESS

Andy Reid

Les gars ont été bons, la défense a été incroyable. Non, mais cette défense, n’est-ce pas ? Je suis tellement fier de tout le groupe. Les unités spéciales ont dominé à la fin.

Andy Reid, entraîneur-chef des Chiefs, lors de la remise du trophée Vince-Lombardi

Tout le match, c’était comme la saison. La défense nous a gardés dans le match, et l’attaque a réussi les jeux clés. Et [Harrison] Butker qui réussit un placement de 70 verges ! C’était un microcosme de notre saison.

Patrick Mahomes, lors de la remise du trophée Vince-Lombardi

Sachez que les Chiefs de Kansas City ne sont jamais négligés.

Patrick Mahomes, lors de la remise du trophée Vince-Lombardi

PHOTO ASHLEY LANDIS, ASSOCIATED PRESS

Travis Kelce

On a eu une cible dans le dos toute l’année. On a maintenant la chance d’en gagner trois de suite. Qu’en dites-vous ?

Travis Kelce, lors de la remise du trophée Vince-Lombardi

On se voit l’an prochain !

Travis Kelce, lors de la remise du trophée Vince-Lombardi

J’ai perdu connaissance. J’ai oublié que nous avions gagné le match !

Mecole Hardman fils

Je lui ai lancé la passe de touché pour gagner le match, et il m’a regardé. Il n’en avait aucune idée. Je lui ai dit : « Mec, on vient de gagner le Super Bowl ». Il n’en avait aucune idée. Il n’a même pas célébré au début !

Patrick Mahomes, au sujet de Mecole Hardman fils