Finie l’exclusivité montréalaise. Québec aura enfin son programme de baccalauréat en sexologie, et ce, dès septembre prochain. Entretien avec sa directrice et une chargée d’enseignement.

Jusqu’ici, seule l’UQAM offrait un baccalauréat en sexologie au Québec, diplôme requis pour avoir accès au titre et à l’Ordre professionnel des sexologues du Québec. Bref, prérequis pour être officiellement sexologue ici.

Or dès la rentrée prochaine, l’Université Laval, qui offre déjà un programme court (certificat) en sexologie, aura aussi son baccalauréat. Les inscriptions sont ouvertes. Au total, 60 étudiants seront admis par année.

« Il y avait une hausse phénoménale de la demande, on n’arrivait pas à fournir ! », indique Geneviève Martin, future directrice du programme, en entrevue virtuelle la semaine dernière.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Geneviève Martin

Tout sourire, elle se félicite de l’annonce. Il faut dire que les besoins sont « criants », dit-elle. « Ce sont des sujets d’actualité, il y a une sensibilité du public par rapport à l’importance de l’éducation. Et des mouvements sociaux comme #metoo ont mis de l’avant l’importance de la prévention. »

En matière d’éducation, dit-elle, « les jeunes veulent recevoir une éducation à la sexualité, ils veulent des outils pour vivre une sexualité saine et satisfaisante, et ils n’ont pas toujours les réponses à leurs questions. Ils souhaitent qu’on les aborde ! »

De côté de la santé, les besoins sont tout aussi « clairs », ajoute sa collègue et instigatrice du programme, Isabelle Proulx, chargée d’enseignement et sexologue psychothérapeute. Que ce soit du côté de la santé mentale ou de la santé tout court, les professionnels « ne sont pas nécessairement outillés pour accompagner les patients », fait-elle valoir. « Dans tous les hôpitaux, il y aurait de la place pour des sexologues. »

« Sujet fascinant »

Le programme, qui sera chapeauté à la fois par la faculté de médecine et celle des sciences sociales, sera axé sur la théorie, mais surtout sur la pratique. « On veut former des intervenants qui vont faire de l’intervention », poursuit la chargée d’enseignement, que ce soit en matière d’éducation, de prévention ou de soutien.

Dans le programme d’une durée de trois ans, comptant autant de stages, on souhaite faire vivre aux étudiants des expériences dans différents milieux et auprès de différentes clientèles.

Dès la deuxième année, les futurs sexologues iront en milieu scolaire faire de l’éducation à la sexualité, puis de la prévention et de la promotion (en santé publique, par exemple), et enfin de l’intervention individuelle, pour conclure leur formation. L’objectif avoué est ici de servir les régions, particulièrement peu pourvues en matière de sexologues.

Les thèmes abordés seront très larges : des bases anatomiques à la diversité sexuelle et de genre en passant par la santé mentale et sexuelle, la violence et l’éthique, dit-on.

« C’est un sujet fascinant qui touche tout le monde, dit Isabelle Proulx, il y a tellement de besoins dans toutes les sphères d’intervention et dans toutes les populations, et pour tous les âges. Je pense que les jeunes en sont très conscients, ils sont très conscients des questions de diversité sexuelle, ils sont très au fait. »

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Isabelle Proulx

Moins taboue, la sexualité ? « En tout cas, il y a une volonté que ça change, c’est clair. »

À noter que l’UQAM (qui offre le baccalauréat, la maîtrise et aussi le doctorat) a été la première université québécoise à former des étudiants en sexologie. Sauf erreur, le programme, par définition multidisciplinaire, est toujours unique en son genre au pays. Ouvert en 1969, il s’inscrit à l’époque dans le mandat de l’université de « jouer un rôle actif dans la modernisation de la société québécoise », peut-on lire sur le site du département.

Là aussi, on se réjouit de l’annonce de ce nouveau programme québécois. « C’est une très bonne nouvelle pour l’ensemble du Québec, affirme Mathieu Goyette, professeur et directeur adjoint des programmes de premier cycle en sexologie à l’UQAM. C’est un gain pour la province en entier. » Il faut savoir qu’à Montréal, on ne fournit pas à la demande. « On reçoit 927 demandes d’admission et on n’en accepte que 180, dit-il. C’est un programme ayant l’un des plus hauts taux de demandes et la plus faible acceptation. Il y a vraiment de la place pour un deuxième programme. »

Consultez la page du nouveau programme de l’Université Laval