La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Catherine*, mi-trentaine

Catherine est en couple depuis dix ans. Elle n’a jamais eu la libido dans le tapis, encore moins avec son boulot exigeant et ses deux jeunes enfants. Jusqu’à ce qu’elle se mette à lire des romans érotiques. Récit d’un éveil, littéralement.

« Ça a libéré quelque chose ! Ça me permet de nommer mes désirs : oh ! Ça, ça fait longtemps, ça, j’aime ça ! Ça me permet de faire une introspection ! », confie la trentenaire à la caméra, en entrevue du Saguenay, où elle a fondé sa petite famille.

Elle nous a écrit pour faire partager son vécu parce que « je trouve qu’on ne parle pas assez de nous ! », sourit-elle, en faisant référence aux femmes de sa génération, en début de carrière, écartelées entre des horaires souvent atypiques et de jeunes enfants trop souvent insomniaques (on exagère à peine). « Ça laisse peu de place à la vie personnelle ! […] On a passé des mois sans faire l’amour » constate-t-elle, sans la moindre amertume, faut-il le signaler. Plutôt beaucoup de lucidité. « C’est correct, on n’était pas là-dedans », répète-t-elle.

Catherine, qui se qualifie de « late bloomer » avec un « léger surpoids depuis toujours », a eu une première expérience sexuelle mi-vingtaine, avant de rencontrer le père de ses enfants. Dès les débuts, « c’est le fun ! » commente-t-elle, les yeux brillants. « Vraiment le fun, vraiment plaisant. Il y avait beaucoup de confiance, il me faisait sentir que j’étais belle, intéressante, c’était facile ! »

Ça te tente de faire ça ? Oui, non ? Parfait ! 

Catherine, mi-trentaine

Sauf qu’ils n’ont jamais eu un « rythme de fou », comme elle dit. « On pouvait avoir des creux pendant des semaines. » Il faut dire que d’emblée, Catherine, qui travaille dans le domaine de la santé, a priorisé ses études. Ensuite, il y a eu des stages, puis le boulot, avec les horaires que l’on sait. De son côté, son amoureux était en restauration. Et c’est dans ce joyeux cocktail de vie de fou que sont arrivés les enfants. « Et les semaines sont devenues des mois », poursuit-elle, comme si cela allait de soi.

« J’avais des horaires atypiques, il avait des horaires atypiques, alors on a fait chambre à part. » Et ils sont devenus essentiellement des « parents ». « On n’avait plus de petits moments. » Et ils en étaient tous deux très conscients : « Ça te manque ? Non ? Parfait ! », en poursuivant ainsi leurs chemins et leurs nuits chacun de leur côté.

Tout allait plutôt bien, jusqu’à ce que rien n’aille plus du tout. L’hiver dernier, fiston dormant de moins en moins, Catherine a craqué. « Je ne suis plus capable, il faut que tu m’aides », a-t-elle demandé à son partenaire, qui partage beaucoup de la « charge mentale » avec elle, en s’occupant des courses, et de la préparation des repas, notamment. Monsieur a pris en outre le relais des nuits, et Catherine est allée se réfugier au sous-sol. Vous devinez la suite ?

« Je dormais des nuits complètes ! » rayonne-t-elle. Ce n’est évidemment pas tout. En parallèle, Catherine a aussi changé de boulot, vit du coup moins de stress, et s’est aussi plongée, nous y voilà enfin, dans la lecture ! Pas n’importe laquelle : la littérature érotique en anglais, très précisément. Pourquoi en anglais, au juste ? « Parce qu’il y en a plus, et je trouve que le vocabulaire fitte plus ! », répond notre interlocutrice en riant, citant des ouvrages aux titres évocateurs tels The C Agreement (R. L Kenderson), Her Triplet Alphas (Joanna J Crater) ou Too Much, Too Wrong, Too Sweet (trilogie signée I. A Dice).

Entendons-nous, fait-elle : « c’est vraiment cucul ! Ce n’est pas de la grande littérature ! Mais c’est de l’évasion ! » Et un temps précieux pour elle, rien que pour elle, volé sur son téléphone, en toute discrétion, prend-elle la peine de préciser, pour « échapper à la réalité et voyager ! »

Elle en a long à dire sur le sujet.

C’est écrit par des femmes pour des femmes, et ça nourrit une espèce d’imaginaire, ça nourrit le désir ! 

Catherine

Des histoires fantastiques, avec des loups-garous, des sorcières, et souvent des femmes rondes. « On a notre place ! », se félicite-t-elle. Mieux : non seulement elle s’évade, donc, mais Catherine a aussi trouvé le moyen de transposer ces récits, aussi fictifs soient-ils, dans sa vie. « Tu lis des choses que toi aussi tu aimerais te faire faire, donc après tu peux en jaser ! », résume-t-elle.

Dans la limite du possible, bien sûr. « C’est sûr que ces femmes-là ont des orgasmes à chaque relation sexuelle. Tant mieux pour elles, moi, ce n’est pas ma réalité. » N’empêche que cela lui a permis de mettre cette discussion délicate sur la table. « Mes orgasmes aussi sont importants, a-t-elle osé affirmer. Pourquoi je n’y arrive pas chaque fois, pourquoi je ne suis pas à l’aise ? »

Catherine voit dans ces lectures un tremplin à l’introspection. « OK, elle, elle se sent en confiance, désirée, belle, donc moi aussi il faut que je me sente comme ça », a-t-elle réalisé, puis été capable de verbaliser. « Je suis capable de nommer les choses parce que j’ai des exemples ! ». En gros : « c’est important que tu nourrisses mon estime et que je me sente désirée », a-t-elle fini par formuler.

On aura compris qu’elle ne plonge pas dans ces livres uniquement dans un but « masturbatoire », précise-t-elle, mais vraiment pour « nourrir quelque chose d’introspectif ».

Et visiblement, ça ne lui fait pas de tort. « Ça nourrit mon désir ! Ce n’est pas juste le côté sexuel, mais aussi le côté romantique, fleur bleue ! » Qu’on se le dise :

Le sexe, ce n’est pas juste une histoire de corps, faut que la tête soit nourrie aussi ! 

Catherine

D’ailleurs elle le sait. Et elle tient à le rappeler : « le désir des femmes, ça passe beaucoup par le cerveau. Le porno visuel, c’est vraiment fait pour les hommes et par les hommes. Il manque des choses ! Ce n’est pas ça qui est le fun, et ça n’a pas l’air tant le fun ! »

Si vous voulez tout savoir, dernièrement, alors que les enfants étaient devant Peppa Pig et que le four était allumé, Catherine et son chum se sont enfermés pour une « petite vite », une première à vie. « Ça ne nous était jamais arrivé avant ! confirme-t-elle en riant de plus belle. Ça m’a requinqué ! Je m’assume plus, je me sens plus hot. Et puis ça m’a redonné le goût à la littérature, c’est niaiseux hein ? »

Morale ? « C’est pas parce que ç’a a l’air kitsch que c’est pas le fun ! » Avis aux intéressées…

* Prénom fictif, pour protéger son anonymat.