Après le défi, puis le reportage, voici maintenant le livre. La collègue Valérie Simard signe ces jours-ci un ouvrage inclassable, à mi-chemin entre le feuilleton et l’enquête, oscillant entre terrain, réflexion et analyse, sur une année de détox bien particulière : sa détox vestimentaire.

Mettons tout de suite les choses au clair : non, ce n’est pas là un sujet frivole, et le propos n’est pas non plus moralisateur. Tout le contraire : il suffit de lire les premières pages de cette Année de détox vestimentaire, réflexions sur le prêt-à-jeter, publiée aux Éditions La Presse, pour en avoir la certitude.

Dès les premières lignes, la journaliste y raconte à quel point l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, puis la mort brutale d’un millier de personnes, symbole s’il en faut des dérives de la fast fashion, l’ont bouleversée. Sans parler des images du désert de l’Atacama, au Chili, transformé en véritable cimetière de vêtements usagés. Elle ne pouvait plus consommer des vêtements comme elle le faisait, en fermant les yeux sur les impacts humains, sociaux et environnementaux. Il fallait qu’elle fasse quelque chose.

Ainsi est né, en résumé, son fameux défi, lancé le 1er avril 2022, terminé en avril 2023, pile pour le Jour de la Terre : un an de détox vestimentaire. On fait plus frivole comme sujet, on s’entend.

« Et je ne veux vraiment pas que les gens se sentent coupables, poursuit la journaliste, rencontrée chez elle le mois dernier pour en discuter. Ce n’est pas comme ça qu’on amène le changement. On est tous victimes du système, de la publicité, de la façon dont on nous pousse les tendances de la mode. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Valérie Simard

Je voulais que les gens comprennent les forces qui nous poussent à consommer et à avoir ce besoin constant de renouvellement de notre garde-robe.

Valérie Simard, journaliste et autrice

Peut-être avez-vous lu le compte rendu de son défi, « un an sans vêtements neufs », lancé à elle et son fils l’an dernier (« mon chum est dans une année sans shopping perpétuelle », dit-elle en riant).

Lisez le reportage de Valérie Simard

Le livre, en librairie vers la fin de la semaine, va encore plus loin. Ou plus profond, disons. « J’avais une réflexion que je n’ai pas pu partager dans ce reportage : l’aspect psychologique, poursuit-elle. Or, pour moi, c’est le cœur du sujet : pourquoi on consomme ? Pourquoi j’ai cette envie ? Je ne suis pas non plus une fashionista, je suis une consommatrice moyenne, mais pourquoi j’ai cette envie-là ponctuelle de magasiner et d’avoir du nouveau linge ? »

Elle a fait le calcul : en 2019, juste avant la pandémie, Valérie Simard a dépensé 2000 $ en vêtements neufs, pour elle et son garçon, un chiffre en deçà de la moyenne canadienne (autour de 3300 $ par ménage). Au total, dans sa penderie, s’entassent tout de même plus de 200 morceaux, des chandails ici, des pantalons là, plus loin « les robes que je ne mets jamais », dit-elle en riant, en nous montrant son stock de vêtements, dont elle a porté à peine la moitié pendant sa fameuse année de « jeûne vestimentaire ». C’est dire si on consomme trop. Mal. À répétition.

En quête de solutions

Au fil des chapitres, Valérie Simard raconte donc son « sevrage » (elle s’est mise au tricot pour compenser son besoin de « neuf » !), relate ses rencontres avec des femmes qui ont fait l’expérience comme elle (oui, si vous vous posez la question, les chiffres le confirment : c’est bel et bien une problématique avant tout féminine), et part surtout en quête de solutions.

Ces solutions, faut-il le signaler, ne sont jamais unilatérales, toujours nuancées, complexes à souhait. Le local, la location, l’usagé ? Quelle matière prioriser ? « Ce n’est pas clair, en fait ! » Un exemple entre mille ? Les friperies. « Je ne m’attendais pas à ce que j’y reproduise mes comportements de surconsommation », illustre Valérie Simard. D’où plusieurs questions ici soulevées : le seconde main est-il forcément mieux ? Et si ce marché alimentait le marché du neuf ?

Détail amusant, au bout du compte, Valérie Simard n’a pas pu y échapper : elle est restée coincée avec ses mal-aimés skinny jeans. « Oui, pouffe-t-elle de rire. Mais pourquoi je veux un jeans plus large ? s’est-elle surtout demandé. Est-ce que c’est juste une question de pression sociale et de mode ? […] Je me suis forcée à m’affranchir de tout ça. » Ça vous donne une idée du propos, oscillant entre confidences personnelles et réflexions, ou carrément remises en question.

Quoi retenir ? « Le vêtement parfait n’existe pas », résume l’autrice, qui s’est d’ailleurs retrouvée quasi « paralysée » à la fin de son défi, ne sachant pas où aller ni quoi oser acheter. Elle a finalement opté pour un chemisier noir en lin, de la marque locale Atelier B. « Le lin est une des matières naturelles les plus écoresponsables, fait-elle valoir. En même temps, le noir est la teinture la plus nocive pour l’environnement. Mais à un moment donné, dit-elle, il faut acheter quelque chose qui va durer et qu’on va porter… » S’il n’y a qu’une chose à retenir, c’est cela.

Une année de détox vestimentaire, réflexions sur le prêt-à-jeter

Une année de détox vestimentaire, réflexions sur le prêt-à-jeter

Éditions La Presse

167 pages