Pendant la période périnatale, de nombreux parents ressentiront, à un moment ou à un autre, des symptômes dépressifs ou anxieux. À quoi les futures mères et futurs pères peuvent-ils s’attendre sur le plan de la santé mentale ? Comment peuvent-ils favoriser leur bien-être ? Éléments de réponse.

Période de grande vulnérabilité

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La venue d’un nouveau membre de la famille peut causer une certaine détresse psychologique.

« La période périnatale, qui est en fait de la conception jusqu’à un an suivant l’accouchement, c’est une période où tout le monde est plus vulnérable », indique d’entrée de jeu Valérie Samson, cadre-conseil en sciences infirmières au CHU Sainte-Justine. « On ne naît pas parent, on le devient. Dans la société de performance dans laquelle on vit, avec l’omniprésence des réseaux sociaux, c’est comme si on devait adorer ça et s’adapter à toute cette nouvelle réalité du jour au lendemain », poursuit la responsable du projet Grande Ourse du CHU Sainte-Justine, qui vise notamment la prévention des troubles mentaux durant la période périnatale. Chez des mères et des pères, cette adaptation est plus difficile et peut entraîner une certaine détresse psychologique. Pour les femmes, c’est sans compter les hormones liées à la grossesse, à l’accouchement et à l’allaitement qui peuvent provoquer de grands bouleversements.

Baby-blues, dépression et anxiété

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La Dre Tuong Vi Nguyen, psychiatre spécialisée en santé périnatale

Des pleurs, de la tristesse, une certaine irritabilité : dans les deux à trois premières semaines suivant l’accouchement, de 75 % à 80 % des femmes vivent un épisode de baby-blues. Si cet état persiste et que d’autres symptômes s’ajoutent, comme une perte d’intérêt pour les activités qu’on aime ou un sentiment d’échec, il est possible qu’il s’agisse d’un problème plus grand. La pandémie a d’ailleurs entraîné une hausse marquée de la dépression post-partum, qui, selon des recherches du Centre universitaire de santé McGill, touche une femme sur trois dans la région de Montréal, comparativement à une femme sur cinq avant 2020. Mais la dépression n’est pas le seul trouble de santé mentale qui guette les mères. « Il y a beaucoup de femmes anxieuses qui passent sous le radar parce qu’elles sont capables de maintenir la barre haut. Elles vont encore tout faire, mais elles sont complètement épuisées », indique la Dre Tuong Vi Nguyen, psychiatre spécialisée en santé périnatale. Il existe beaucoup moins de statistiques sur les troubles anxieux chez les nouvelles mamans, précise toutefois la professeure associée de l’Université McGill. Notons que les pères aussi sont susceptibles de vivre ces mêmes problèmes.

Faire une introspection

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Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide au besoin.

Comment se manifeste le stress ou la déprime chez soi ? Fait-on de l’insomnie ? Est-on irritable ? Puisque l’arrivée d’un bébé provoque de grands bouleversements, mieux vaut s’y préparer en réfléchissant à ses propres signaux physiques et psychologiques qui indiquent qu’on vit une période plus difficile, recommandent les deux expertes interviewées. Pour aider à faire cette introspection, on peut utiliser la trousse de soutien du projet Grande Ourse. Informative et très bien conçue, celle-ci invite aussi les parents à noter les activités qui contribuent à leur bien-être, que ce soit faire de l’exercice, méditer, dessiner ou écrire, par exemple.

Ne pas attendre

La majorité des problèmes de santé mentale n’apparaissent pas du jour au lendemain. « Parfois six mois avant d’être vraiment à bout de ressources, on commence à se douter que ça ne va pas aussi bien que d’habitude », indique la Dre Tuong Vi Nguyen. Celle qui est aussi cofondatrice de l’Alliance québécoise pour la santé mentale périnatale recommande d’entreprendre des démarches pour consulter un thérapeute dès qu’un doute s’installe puisque les délais d’attente sont longs. On ne doit pas non plus hésiter à parler de ce qu’on ressent à son obstétricien ou à son médecin de famille, pendant ou après la grossesse. « Dans 45 % des cas de dépression postnatale, il y avait des symptômes en période anténatale », souligne d’ailleurs Valérie Samson.

Le rôle de l’entourage

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Valérie Samson, cadre-conseil en sciences infirmières au CHU Sainte-Justine

« Quand on ne va pas bien, on a un peu moins de recul et on ne remarque pas nécessairement ce qui se passe », soulève toutefois Valérie Samson. Les deux parents devraient veiller l’un sur l’autre et ne pas hésiter à aborder le sujet de la santé mentale. « Si la mère fait une dépression, son partenaire a beaucoup plus de chances d’en faire une également », poursuit la responsable du projet Grande Ourse. L’entourage du couple peut le soutenir en lui offrant une oreille attentive. « Parfois, l’important, c’est juste d’écouter. Écouter pour entendre, pour comprendre. Pas écouter pour répondre », affirme Valérie Samson.

Des ressources à explorer

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Rencontrer d’autres nouveaux parents permet de répondre à certaines interrogations.

Pour favoriser son bien-être et prévenir des problèmes de santé mentale, il peut être intéressant de côtoyer d’autres parents de jeunes enfants. Présents dans la majorité des régions du Québec, les centres de ressources périnatales proposent une multitude d’activités, dont des cafés-rencontres, des services de relevailles ou des haltes-allaitement. « Ça permet aux parents de trouver des réponses à leurs questions, à leurs inquiétudes, indique Marie-Claude Dufour, directrice générale du Réseau des centres de ressources périnatales du Québec. Les activités qui sont offertes permettent de rompre l’isolement, de prévenir l’épuisement et la dépression post-partum, mais aussi de faciliter la transition à la parentalité. » Dans certains centres, il existe d’ailleurs des groupes de rencontres axés sur la dépression périnatale. « Parfois, on pense qu’on n’en a pas besoin, mais d’aller faire un petit tour dans un organisme, même quand on sent qu’on va bien, ça peut nous être utile », souligne Marie-Claude Dufour, en rappelant que les mères et les pères de tous les horizons y sont les bienvenus.

Consultez la trousse de soutien Consultez le site du Réseau des centres de ressources périnatales du Québec