L’une des choses les plus précieuses de notre époque est sans doute l’expertise dans les commerces. Où sont les vendeuses et les vendeurs qui connaissent leur affaire ?

Combien de fois ai-je dû faire face récemment à des yeux dans de la graisse de bine, à des réponses évasives, quand ce n’était pas une totale ignorance. C’est incroyable !

Il y a quelques jours, j’ai magasiné un ensemble de draps. Je ne savais pas qu’un changement de format de lit et d’épaisseur de matelas bousculait une vie à ce point. Je suis allé dans un magasin qui se spécialise dans ce genre de produits. Une série d’erreurs et de mauvais conseils de la part de vendeuses ont fait que j’ai dû faire trois visites à cet endroit.

Vous connaissez le célèbre épisode de l’échange du service de vaisselle dans l’émission Moi et l’autre, celui où Dodo tente de retourner un cadeau en multipliant les visites chez Dupuis Frères ? Je l’ai vécu puissance 10. Tout cela pour arriver à quel résultat ? À recevoir mon drap contour et mes taies d’oreiller… par la poste ! Ça ne s’invente pas !

Quelques semaines plus tôt, je suis allé au rayon des hommes d’un grand magasin avec un ami qui cherchait un complet. Il s’y trouve un vendeur qui doit avoir 35 années d’expérience dans le domaine des vêtements pour hommes. Il est imbattable ! J’ai dit à mon ami : « Lui, il connaît son affaire ! Dépêche-toi de lui mettre le grappin dessus ! »

Ce vendeur te jauge du nez aux orteils et te dit tout de go : « Dans cette marque-là, il vous faut un 44 Tall et un pantalon 34. » Après, il te dit avec beaucoup de tact si ça te va ou pas, avant de te proposer des choix impeccables de chemises et de cravates.

Ce vendeur m’a rappelé cet autre employé d’une quincaillerie grande surface qui devait avoir 70 ans. C’était un samedi matin et je vous jure, il y avait six personnes en file devant lui. Il distribuait des conseils avec l’assurance d’un coach de vie sur Instagram.

Cette catégorie de vendeuses et de vendeurs disparaît à vue d’œil. Parmi les 15 emplois les plus demandés en 2022, devinez lequel arrivait en première position ? Représentant aux ventes. Plusieurs raisons expliquent ça. La pénurie de main-d’œuvre fait en sorte qu’il est très difficile de remplacer les employés d’expérience rendus à l’âge de la retraite.

Les grandes chaînes, plus intéressées par le fait de mettre le volume de la musique dans le tapis le samedi, embauchent surtout des employés à temps partiel pour qui le service à la clientèle se résume à une question balancée à un collègue dans le micro qu’ils ont collé à l’oreille.

« Tony, do we have more blue lambswool sweaters in the back store ? I need a medium. » Ça, c’est la réalité des boutiques du centre-ville de Montréal. Mais c’est un autre sujet.

Vous me direz : qui a envie de travailler 40 heures par semaine à servir des gens pas toujours agréables pour un salaire plus que moyen (à moins de travailler à la commission) ? En France, on appelle ce phénomène la « crise des vocations ».

On devrait moins se creuser les méninges pour tenter de renommer le terme vendeur (conseiller, représentant, associé, etc.) et mettre plus d’énergie à trouver des gens qualifiés, qui vont nous inspirer confiance, qui vont établir un contact.

Un vendeur qui connaît ses produits et les techniques d’utilisation, c’est une chose. Mais un vendeur qui reconnaît ses clients, c’est le nirvana. Ça aussi, c’est rare. Les clients sont la plupart du temps des numéros pour les vendeurs. Et vice versa.

Je ne suis pas en train de dire que nous en avons besoin dans tous les types de commerces, mais dans certains secteurs, c’est essentiel.

Alors qu’on ne cesse de nous répéter qu’il faut encourager les commerces qui ont pignon sur rue pour contrer l’invasion du commerce en ligne, il faut trouver des façons de valoriser le métier de vendeuse et de vendeur.

D’ici là, il faut prendre soin de ceux qui sont en place et qui sont bons. Cette chronique se veut un hommage à ces femmes et ces hommes qui consacrent leur vie à vendre du tissu à la verge, de la peinture, des vêtements, des chaussures, des outils, des fleurs pour le jardin, des livres et que sais-je encore ? et qui le font avec professionnalisme.

Merci d’avoir toutes les réponses, de nous offrir des conseils judicieux, de nous demander des nouvelles du projet qu’on a mené, de nous dire qu’un veston ne nous va pas bien, de ne pas prendre tel type de teinture sur le patio après en avoir utilisé une autre sorte l’année précédente.

Nous avons besoin de vous, plus que jamais !

Les clients sur leur cellulaire

Quand j’ai publié ma chronique sur le fléau des conversations en main libre dans les lieux publics, j’ai reçu un nombre important de courriels de gens qui travaillent dans les commerces.

Ceux-ci n’en peuvent plus de servir des clients en conversation sur leur téléphone cellulaire. Ils se sentent comme des employés de second ordre.

Un lecteur m’a raconté la fois où il a vu un homme qui a commandé un sandwich sous-marin tout en parlant au téléphone. Le pauvre employé a dû lui faire faire les innombrables choix qui s’imposaient (viandes, fromage, tomates, cornichons, laitue, poivrons forts, olives, moutarde, mayonnaise, etc.) alors que le client poursuivait sa discussion.

Un autre lecteur, boucher de profession, a eu un jour à son comptoir une cliente qui était au téléphone. Au moment de se faire servir, la dame a gentiment mis un terme à sa conversation. « J’étais tellement heureux que je lui ai offert un rabais », m’a dit le boucher.