Vous avez été nombreux à m’écrire, après avoir découvert le douloureux parcours qui a mené la comédienne Rachel Fontaine vers un diagnostic d’autisme de haut niveau – enfin. Vous étiez touchés et, parfois, inquiets.

Vous avez reconnu des proches qui peinent à composer avec le monde qui les entoure, des amis qui hésitent à consulter ou d’autres qui se sentent délaissés depuis leur diagnostic⁠1.

Le courriel d’une mère m’a particulièrement émue : « Ces personnes ont l’air heureuses. J’aimerais dire à mon fils qu’il peut y arriver aussi, mais les textes ne répondent pas à mes questions. Comment ces personnes arrivent-elles à vivre avec cette condition ? Comment surpassent-elles les défis que cela amène ? Quelle aide a été bénéfique pour elles ? »

S’il n’existe pas de mode d’emploi pour composer avec qui l’on est, j’ai tout de même voulu offrir des pistes de réflexion à cette lectrice. Je me suis d’abord tournée vers celle qui avait inspiré ses questions : Rachel Fontaine.

« C’est un exercice de tous les jours, être heureux ! On a l’air bien, mais on pogne des bons mous, de temps en temps. Moi, ce sont mes amies qui m’aident.

– Qu’est-ce qu’elles font, concrètement ?

– Elles m’aiment. Elles connaissent mes points forts et m’aident à m’en rappeler… »

C’est vrai pour les neurotypiques comme pour les caméléonnes, mais ces dernières comprennent peut-être plus facilement ce que Rachel Fontaine vit. C’est pourquoi elle rêve à la création de groupes de soutien entre personnes autistes invisibles. « Ventiler, ça fait toute la différence. »

Annick Gosselin croit également en l’importance des rencontres. L’intervenante chez Autisme Centre-du-Québec est mère d’un garçon et belle-mère d’une fille qui ont tous deux un trouble du spectre de l’autisme.

On peut lire sur le sujet, mais aussi rencontrer des personnes qui nous ressemblent pour s’inspirer de ce qu’elles ont mis en place. Ça peut être de la zoothérapie, de l’art-thérapie, des stratégies au quotidien. C’est très vaste !

Annick Gosselin, intervenante chez Autisme Centre-du-Québec

D’ailleurs, l’organisme communautaire Autisme Centre-du-Québec offre différentes ressources à ses membres, que ce soit sur le plan du marché du travail, des relations amoureuses ou de la communication interpersonnelle.

Du côté du privé, l’équipe multidisciplinaire menée par la Dre Isabelle Hénault (qui accompagne Rachel Fontaine) profile également ses interventions en fonction des besoins de chaque patient.

« On travaille beaucoup l’acceptation du diagnostic, mais aussi la gestion des émotions, l’accès aux études, l’accompagnement en emploi et les relations intimes. »

Cette expertise se déploie au-delà de la clinique Autisme & Asperger de Montréal. La Dre Hénault offre des formations aux professionnels du système public, collabore avec Autisme sans limites pour créer des ateliers d’éducation à la sexualité, travaille avec Neuroplus (qui aide gratuitement les gens à se trouver un emploi) et s’investit dans diverses associations régionales. Son conseil est d’ailleurs de consulter l’offre des Centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme, puis des organismes près d’eux.

Parlant de conseils, Rachel Fontaine a été marquée par l’humoriste Réal Béland, qui a dit en entrevue que l’autisme de niveau 1 se vit mieux lorsqu’on connaît ses faiblesses.

Une personne qui connaît bien ses faiblesses fait de meilleurs choix. Disons que j’ai 10 billes d’énergie pour la journée. Il y a des trucs qui me demandent plus de billes que les autres et je dois balancer le tout en fonction de la manière dont je me sens.

Rachel Fontaine

Elle me donne l’exemple d’une fête à laquelle elle a envie de participer, mais qui lui prendrait trop de billes… Pour éviter que les hôtes soient déçus par son absence, elle leur expliquera la situation et leur proposera une activité qui concordera davantage avec son énergie. « Je me ménage, mais je ne délaisse pas mes proches ! »

Or, pour en arriver là, il faut un diagnostic – et on sait que le chemin est parfois ardu pour l’obtenir. Si la lourdeur de la démarche peut en décourager certains, le stigma de la neurodivergence peut aussi être un facteur de réticence.

« Ils craignent de se faire apposer une étiquette, résume la Dre Isabelle Hénault. Pour moi, c’est plutôt un éclairage pour consolider notre identité et s’outiller correctement. Il y a tellement d’informations disponibles, maintenant ! »

La Dre Patricia Garel, pédopsychiatre au CHU Sainte-Justine, a souvent collaboré avec la Dre Hénault. Selon elle, pour vivre mieux, « ça ne prend pas forcément des thérapies ni des services personnalisés, mais parfois juste une meilleure compréhension de la situation ».

« À partir du moment où les proches d’une personne sur le spectre de l’autisme comprennent qu’elle n’est pas arrogante, insensible ou paresseuse, ça change tout, poursuit-elle. J’aime parler de dyslexie sociale. Les jeunes dyslexiques ont des difficultés spécifiques bien réelles. Ce n’est pas parce qu’ils ne font pas d’efforts qu’ils ont de la difficulté à l’école. Et on sait que ça peut s’améliorer. Si on fait le parallèle avec la dyslexie sociale, on comprend que les difficultés de la personne sur le spectre de l’autisme sont réelles, mais qu’il existe des stratégies pour se débrouiller. Leur vie est plus complexe, mais elle n’est pas moins belle. Il y a tellement de gens épanouis ! »

Rachel Fontaine estime avoir mis cinq ans avant de toucher à ce qui pourrait être le bonheur : « Avec le diagnostic, on apprend à mieux gérer nos émotions, notre énergie, nos passions… On peut réussir à avoir une vie personnelle et professionnelle riche. Se faire diagnostiquer, c’est veiller sur soi-même, mais aussi sur les gens qui nous entourent. C’est un geste à faire pour que nos relations deviennent plus harmonieuses. »

À cet effet, je laisse le mot de la fin à Annick Gosselin : « Au début de ma pratique, on essayait de rendre les gens autistes le moins autistes possible. Vingt ans plus tard, heureusement, on n’en est plus là ! On cherche plutôt à trouver un langage commun pour se comprendre. L’idée, c’est de respecter qui on a devant soi, peu importe son profil. Après, on peut faire un bout de chemin ensemble. »

1. Lisez la chronique « Maria Lopez et l’autisme invisible »