Une fois par mois, La Presse, inspirée par le « Questionnaire de Socrate » du magazine Philosophie, interroge une personnalité sur les grandes questions de la vie. Ce dimanche, l’humoriste Katherine Levac, en tournée au Québec, dont à Montréal le 27 mars, avec son nouveau spectacle L’homme de ma vie, répond à nos questions.

Qui suis-je ?

Une femme à la peau et au cœur sensibles, mais surtout la peau, qui vit très rarement dans le moment présent ; j’adore avoir hâte et je me complais dans la nostalgie.

Une humoriste, qui rêve d’être aussi authentique dans la vraie vie qu’elle l’est sur scène, une maman joueuse, une amoureuse admiratrice, une sœur qu’on aide. Une fille qui dépend, se nourrit, s’inspire et trouve sa motivation dans les autres.

Sommes-nous libres ?

La liberté, c’est être soi-même, c’est rempli de bon et de doux, mais c’est prenant, comme tout ce qui m’apaise, c’est prenant, il n’y a rien de gratuit dans la vie, même pas une petite boîte Cook It. Il n’y a rien de gratuit à part l’amour, il faut aimer pour être libre. Et renoncer aux partenariats Instagram.

Que retenez-vous de votre éducation ?

Que la passion ne suffit pas, qu’il faut faire et défaire, recommencer pour toujours, ne pas compter les heures, et puis surtout, qu’on restera toujours dépendant de la météo. J’ai grandi sur une ferme.

Un penseur/philosophe/auteur qui vous accompagne depuis longtemps ?

Daniel Bélanger, il résume mon état général, met le doigt sur tout, organise ma pensée et mes émotions à ma place, je l’aime par paresse, au fond.

Qu’est-ce qui tourmente votre conscience ?

Les enfants qu’on n’encourage pas assez. Les enfants qu’on déçoit.

La chose la plus surprenante que vous avez faite par amour ?

Être moi-même et boire moins de Coke Diet.

Le lieu ou l’état d’esprit parfait ?

L’hiver, dans une tempête de neige, personne ne peut quitter ma maison et je force tous mes amis à jouer à loup-garou en mangeant un dip trois étages salsa/guacamole/fromage à la crème. Nos enfants sont là, nous présentent un spectacle répété dans le sous-sol, pendant leur sieste on regarde des vieux Radio-Enfer et je pleure au dernier épisode quand Carl dit bye à la radio.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Katherine Levac lors du gala des Olivier l’an dernier

Un avantage d’être égoïste ?

À long terme, je n’en vois aucun, mais vite de même, ça peut être pratique pour monter sur une scène et croire qu’on peut avoir un impact quelconque dans la vie d’inconnus. L’ego, c’est vital et humain, mais il faut savoir bien s’en servir. Pour moi, ça passe par l’entourage. Les humains qui gravitent autour de moi sont des personnes de qualité supérieure à qui je dois pas mal tout. Je n’arrive à rien seule, surtout pas à gérer mon narcissisme.

Une qualité que vous n’aurez jamais ?

La maîtrise de mon corps, l’intelligence kinesthésique. J’aimerais tellement faire du hip-hop et être cool dans une soirée dansante. Tout le monde peut danser, il paraît, je confirme que non.

Un rêve ou un cauchemar récurrent ?

Je rêve souvent à mes anciennes maisons, la maison à escaliers bleus, où je suis née, la maison à tapisserie de Pocahontas, la maison d’Ottawa, avec les moulures sales, la maison du foyer condamné à Westmount, la maison où mes bébés étaient bébés. Je m’ennuie de mes maisons, je les visite souvent de loin, je passe en voiture, c’est creep.

Votre démon ?

L’achat compulsif de vêtements sous prétexte que « j’aime la mode et que c’est aussi une forme d’art ». Ce n’est ni écologique ni économique, je suis à court d’arguments, je m’avoue vaincue et j’aimerais que Ssense ferme boutique parce que je n’ai pas la force, moi, d’y renoncer. C’est assez inutile aussi parce que je porte toujours le même vieux hoodie rouge du Club Soly, c’est gênant.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Katherine Levac

Un lieu parfait pour rêver, créer ?

Je crée là où je m’ennuie. Quand c’est plate, ça me motive à activer mon cerveau d’artiste. J’ai grandi dans le rang 8 du village de Saint-Bernardin, dans l’est de l’Ontario, et c’est pour ça que je suis devenue humoriste. Je n’ai jamais compris comment on pouvait être nourri, habité par l’urgence de créer, en grandissant à Montréal : il y a tellement de choses à faire ! Je ne serais jamais devenue drôle si j’avais eu accès au Biodôme et au HMV sur Sainte-Cath.

Une belle mort, selon vous ?

Vieille, soudaine. Une mort « pas de trouble » pour mon entourage. Je veux mourir quand tout le monde va être correct, je ne veux pas traîner mon stress de mère dans l’au-delà, il y a des limites, je suis brûlée.

Complétez la phrase : Si Dieu existe…

Je lui dirais : j’espère que t’es pas encore fâché contre mon frère qui avait décidé de jouer Light My Fire dans la chorale de la messe quand on était petits. C’était sa passe The Doors, il venait d’avoir un nouveau clavier à sa fête, les occasions de se produire en spectacle étaient limitées.