Simon Bucci-Wheaton est devenu professeur au primaire dans une école publique du jour au lendemain. Il raconte dans son livre Mais pourquoi l’école ? les difficultés de son métier et dénonce l’état lamentable de notre système d’éducation qu’il faut, selon lui, entièrement revoir. Nous l’avons rencontré dans sa classe, où il enseigne en 1re année.

En septembre 2019, le directeur de l’école publique où enseignait sa conjointe cherchait en urgence un enseignant. Grâce à son baccalauréat en animation et recherche culturelles, Simon Bucci-Wheaton a décidé de faire le saut en éducation. À 35 ans, il s’est donc retrouvé devant une classe de 6année, composée de 24 élèves de 11 et 12 ans, « dans un local trop petit où ça sentait bizarre », écrit-il. Il a eu le coup de foudre pour la profession, mais s’est vite rendu compte des (trop) nombreux problèmes et des (trop) nombreuses lacunes du système d’éducation.

Simon Bucci-Wheaton a alors décidé de sortir de sa réserve de professeur, pour le bien des enfants, précise-t-il, et d’écrire Mais pourquoi l’école ?, où il raconte avec franchise et humour son quotidien d’enseignant dans une école primaire publique d’un quartier défavorisé de Montréal. Tout y passe : la vétusté des locaux où il fait notamment trop chaud, la pénurie de personnel, la formation des pédagogues qui est à revoir tout comme les programmes, la pénible bureaucratie, le manque de discipline et de respect des enfants et leurs résultats scolaires peu reluisants. Bref, il estime qu’il est temps d’amorcer une grande réflexion collective sur le système d’éducation, qu’il faut revoir, selon lui, de fond en comble. Un avis que partage Normand Baillargeon, philosophe de l’éducation qui signe la préface du livre.

« Il faut vraiment qu’il y ait une volonté politique pour lancer la commission Parent 2.0, plus de 60 ans après la première commission et 30 ministres de l’Éducation plus tard ! C’est pour le bien de tous, pour notre avenir, celui de nos enfants et petits-enfants, et c’est aussi pour mieux préserver la langue française », estime celui qui est actuellement en formation à l’Université TÉLUQ au DESS en éducation préscolaire et en enseignement primaire.

Des personnalités de divers horizons

Selon lui, il faut inclure tout le monde dans la discussion : parents, enseignants, politiciens, sociologues, chercheurs, universitaires, mais aussi travailleurs sociaux, orthopédagogues et artistes, notamment. C’est ce qu’il a fait, à petite échelle, dans son livre, en invitant des personnalités de tous les horizons à faire partager leur vision de l’éducation.

Il y a par exemple Ricardo Larrivée, qui parle des enfants qui arrivent le ventre vide à l’école, le professeur Yoshua Bengio, qui évoque l’école à l’ère de l’intelligence artificielle, Claudia Larochelle, qui transmet son amour de la littérature, les professeurs d’éducation Clermont Gauthier et Steve Bissonnette, qui écrivent sur les outils nécessaires dont disposent les enseignants pour exercer leur métier.

J’étais très naïf au début, mais au fil des jours, plus j’avançais et plus je m’insurgeais contre tout, car on manque de rigueur sur tout dans nos écoles. Il faut revoir le programme, pourquoi n’y a-t-il pas un programme clés en main avec des lectures obligatoires ?

Simon Bucci-Wheaton

« Revoir aussi la formation des enseignants au primaire, trop généraliste. Il faut approfondir la formation en français, avec plus de littérature, plus de grammaire, de syntaxe, car on y consacre seulement 16 % du programme de formation en enseignement alors que cette matière est tellement importante et que le niveau baisse », déplore-t-il.

Simon Bucci-Wheaton croit aussi que la formation est nettement insuffisante pour enseigner l’univers social. « On enseigne l’histoire et la géographie de la 3e à la 6année ? Les deux guerres mondiales ? L’Holocauste ? La crise d’Octobre ? Si on n’a pas de culture générale, cette formation n’est pas adéquate... alors on pose des questions faciles : en quelle année la Seconde Guerre mondiale ? 1939-45 ! Bingo ! Et le niveau de connaissances baisse », dit-il.

Le fardeau de la discipline

Simon Bucci-Wheaton souligne aussi le manque de respect des élèves envers les enseignants. « Je fais de la discipline au moins le quart de ma journée, et pendant ce temps-là, on n’apprend ni à lire ni à écrire, et ça pénalise toute la classe », déplore-t-il. Une des choses les plus importantes, selon lui, est le rôle des parents. « Il est déterminant. Il peut alléger la tâche des enseignants et avoir un effet positif sur les résultats académiques qui remonteraient. Il y aurait moins de profs qui quittent la profession, car les enseignants qui démissionnent sont épuisés et effrayés par l’indiscipline des enfants. En plus, ils héritent, à leurs débuts, des classes les plus difficiles, car ils n’ont pas d’ancienneté ! »

« Les parents ont-ils jeté l’éponge ? s’interroge le professeur. Je sais que c’est difficile d’être parent, j’ai deux enfants de 9 et 10 ans, mais ce que je constate, c’est que les parents ne refusent rien à leurs enfants. Rien du tout. IIs n’arrivent pas à les éduquer. Ils se couchent trop tard, manquent de sommeil, regardent beaucoup trop d’écrans, ne jouent pas assez dehors, se comportent mal, j’ai vu des élèves de 1re année lancer leur bureau parce qu’ils ne veulent pas faire de mathématiques. C’est un vrai problème de société et ça nous concerne tous. »

Mais pourquoi l’école ? Questions et réflexions d’un prof qui n’en était pas un

Mais pourquoi l’école ? Questions et réflexions d’un prof qui n’en était pas un

KO Éditions

224 pages