De Kherson à Laval en passant par la Pologne, l’année québécoise d’une famille ukrainienne.

Il y a tout juste un an, Oksana Khisamedinova, son mari et sa fille Valeriia, originaires de la ville de Kherson, en Ukraine, posaient leurs valises au Québec. Sourire aux lèvres, mère et fille nous ont raconté leur histoire.

Avant même de commencer l’entrevue, Valeriia nous tend fièrement une lettre, qu’elle a rédigée seule, en français. Une lettre dans laquelle elle explique à quel point elle a apprécié son année au Québec. « Désolée, je n’étais pas en mesure de corriger les fautes ! », dit en riant Oksana, en anglais.

« Bonjour, je m’appelle Valeriia, je suis Ukrainienne. […] Je veux dire à tout le monde que lorsque vous allez dans une nouvelle école, vous n’avez pas à penser que vous ne vous lieriez d’amitié avec personne », peut-on lire dans sa lettre manuscrite.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La lettre de Valeriia

La nouvelle école de Valeriia, c’est l’école secondaire Saint-Maxime à Laval. Un lieu que l’adolescente de 16 ans affectionne énormément. Un lieu où elle s’est fait de nombreux nouveaux amis.

D’entrée de jeu, elle raconte avec excitation la première fois qu’elle a visité l’école : « Les rangées de casiers, les autobus scolaires jaunes, c’est exactement comme dans les films américains ! », lance-t-elle.

C’est d’ailleurs dans la cour de l’école Saint-Maxime que nous avons rencontré Valeriia et Oksana.

Leur complicité est palpable, et leur bonne humeur est contagieuse. Valeriia a d’ailleurs été couronnée par son enseignante « la personne la plus optimiste » de sa classe d’accueil. Ce n’est pas du tout difficile à croire.

Ce qui est étonnant, en revanche, c’est la facilité avec laquelle elle s’exprime en français, si peu de temps après son arrivée au Québec. « Je parle toujours français en classe ! », nous assure-t-elle.

Oksana aussi apprend le français, à temps partiel. Le reste du temps, elle travaille, pour subvenir aux besoins de sa famille. « Je ne peux pas dire que c’est facile, explique-t-elle, toujours avec le sourire. Mais je ne baisse pas les bras, je dois rester forte. »

Une histoire particulière

La famille n’était pas en Ukraine lorsque la guerre a éclaté, mais bien en Pologne. Oksana a longtemps travaillé pour l’armée ukrainienne. Environ trois ans avant que les premières bombes se mettent à tomber, elle a commencé à entendre à travers les branches que les relations entre la Russie et l’Ukraine s’envenimaient. Elle a alors quitté l’armée, et l’Ukraine, avec son mari et sa fille.

Grâce à leur passeport ukrainien, ils ont pu bénéficier du programme spécial intitulé « Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine », qui leur a permis d’obtenir un visa de résidence temporaire ainsi qu’un visa de travail de trois ans.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Valeriia Kyselova

Quelques jours après leur arrivée de Pologne, une bénévole les a mis en contact avec une famille d’accueil québécoise qui cherchait à venir en aide aux nouveaux arrivants d’Ukraine.

Cette famille, c’est celle de Zandra Balbinot, Thomas Leblond et leurs deux enfants. Ils ont hébergé Valeriia et ses parents pendant quelques semaines, avant qu’ils prennent leur envol.

« Oksana est super débrouillarde », lance Zandra en entretien téléphonique.

Nous avons été frappés par la résilience de la famille. Ils ne se laissent jamais abattre. Chaque jour est un défi, mais ils persévèrent.

Zandra Balbinot, qui a accueilli Valeriia et ses parents quelques semaines

La principale embûche rencontrée par Oksana et son mari, et par la grande majorité des Ukrainiens qui se sont installés au Québec, c’est la barrière linguistique. Par chance, Oksana a appris l’anglais alors qu’elle était à l’université, il y a plus de 25 ans. Mais son mari, lui, ne parle ni français ni anglais.

« C’est très difficile de se trouver un bon emploi dans ces circonstances, déplore Oksana. Mais nous sommes prêts à travailler n’importe où, à faire n’importe quoi. »

Donner au suivant

Zandra et Thomas ont beaucoup aidé Oksana et son mari à se trouver des emplois, des appartements.

La communauté ukrainienne a également joué un rôle très important dans l’intégration des nouveaux arrivants. « Une église ukrainienne a pu leur fournir un ordinateur, un four à micro-ondes », explique Thomas.

La fille de Thomas et Zandra, Carolina, qui parle très bien anglais, a pris Valeriia en charge très rapidement. « Elle passait des heures à discuter avec elle, elle tenait à lui enseigner le français », raconte fièrement Zandra.

À son tour, Valeriia tenait également à aider les élèves les plus timides de sa classe à s’adapter. Elle a pris sous son aile une collègue de classe originaire du Viêtnam qui avait davantage de difficulté à s’intégrer.

Dans ses rêves les plus fous, Valeriia voudrait même apprendre à parler couramment l’espagnol. « Tu pourrais te trouver une amiga qui te donnera des leçons ! », lance en rigolant Oksana à sa fille.

Pas question de retourner vivre en Ukraine pour la famille de Valeriia. « On se sent enfin en sécurité, confie Oksana. On se sent chanceux, on est heureux. Je sens que nous pourrons offrir un bel avenir à Valeriia. »