Après 40 ans à collectionner des œuvres d’art et 20 années passées dans les Abouts, Bernard Landriault et Michel Paradis se sont demandé comment aider les artistes autrement. La Fondation Grantham, implantée sur leur terrain, est le résultat de cette réflexion : un lieu de rencontre entre l’art et l’environnement.

« Sans les Abouts, la fondation n’aurait pas vu le jour », souligne Michel Paradis en marchant le long du petit sentier qui relie les Abouts au bâtiment de la Fondation Grantham. Malgré un été humide, le niveau de la rivière David que longe ce chemin est beaucoup plus bas qu’il ne l’était il y a 15 ans, note-t-il. Les fougères, normalement belles à ce temps-ci de l’année, sont désormais rouillées. « Les changements climatiques, on les observe ici d’année en année de façon très nette. C’est inquiétant. »

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L’architecte Pierre Thibault, le long de la rivière David

Ces observations font partie des motivations qui ont influencé la création de l’organisme à but non lucratif qui s’est naturellement enraciné sur son site. « La Fondation Grantham, on l’a fait pour l’art et pour l’environnement, Les artistes qui y sont exposés ou qui viennent y résider doivent avoir un engagement en ce sens et sont choisis par un conseil d’experts en fonction de ce critère », ajoute-t-il.

Une fois de plus, le tandem a confié la mission d’imaginer cet antre de créativité à vocation sociale à Pierre Thibault. L’aboutissement est un bâtiment hybride qui sert de lieu d’exposition et de résidence pour des artistes en art visuel et en architecture. « Il n’a pas été calqué sur les Abouts, précise l’architecte. L’idée était plutôt d’y découvrir un autre univers dont la fonction est publique. »

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L’agora de la Fondation Grantham

Les Abouts avait deux volumes, décrit-il. Grantham est carré et plus compact. Le nombre de murs sur lesquels exposer les œuvres a été maximisé. Le rapport avec l’extérieur est néanmoins omniprésent. Assise sur un tapis de mousse d’un côté, flottante au-dessus du paysage de l’autre, la structure s’entoure d’une galerie qui longe les claustras de bois. Ces derniers délimitent un espace de transition entre l’extérieur et l’intérieur. Sur cet écrin, qui sert également de lieu d’exposition, le visiteur déambule entre l’art et la nature qu’il surplombe en quasi-suspension par endroits.

Le site imposait une contrainte, qui était la crue des eaux de la rivière. De là une structure juchée sur pilotis qui a engendré une agora pour des concerts, conférences ou ateliers. Coiffé d’un puits de lumière, l’espace jouit d’une luminosité particulière et curieusement mystique.

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L’architecte Pierre Thibault

On n’est pas la même personne selon l’endroit où l’on se trouve. Les lieux nous transforment.

Pierre Thibault, architecte

À l’intérieur, la galerie se métamorphose en habitation au besoin : la cuisine est dissimulée derrière des portes, et le lit se rabat sur le mur. « Ce qui est intéressant dans ce lieu, c’est l’espace mental qu’on y trouve. C’est l’endroit où j’ai pu créer le plus de dessins en moins de temps », révèle Pierre Thibault.

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Derrière les cloisons se révèle l’autre vocation de cet endroit qui est d’être un lieu de résidence. La cuisine, les placards et le lit y sont dissimulés.

On ne peut s’empêcher de penser qu’il faut être intimement convaincu pour implanter un site dédié à l’art dans un petit village des environs de Drummondville. C’est toutefois là une partie de son intérêt. Les fondateurs ont créé un parfait prétexte pour s’arrêter pour plus qu’un café sur la route qui conduit à la capitale, mais surtout, ils en ont fait une destination en soi et un rendez-vous pour tous les amoureux d’art et de nature.

Consultez le site de la Fondation Grantham pour l’art et l’environnement
  • La maquette de la maison des Abouts

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    La maquette de la maison des Abouts

  • L’architecte consacre un carnet à chacun de ses projets.

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    L’architecte consacre un carnet à chacun de ses projets.

  • Des croquis signés par Pierre Thibault

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    Des croquis signés par Pierre Thibault

  • Les projets imaginés par les étudiants de l’Université Laval.

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    Les projets imaginés par les étudiants de l’Université Laval.

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Habiter le lieu

Terminé en 2019, le bâtiment de la Fondation Grantham a accueilli une dizaine d’expositions jusqu’à maintenant. Habiter le lieu est la première consacrée à l’architecture et se concentre sur une partie de l’œuvre de Pierre Thibault et sa démarche artistique. Des dizaines de maquettes, regroupées par la commissaire Lesley Johnstone en raison de leurs affinités, permettent de voir en trois dimensions des habitations et des installations éphémères créées par l’architecte, notamment aux Jardins de Métis. On s’amusera également à feuilleter ses cahiers de croquis, peaufinés à l’aquarelle, qui permettent de voir l’évolution de certaines de ses créations architecturales.

Dans 20 ans, à quoi ressemblera Grantham ? C’est la question que Pierre Thibault a posée à ses étudiants de l’École d’architecture de l’Université Laval. Sur le site, une installation nous présente les différentes vocations imaginées pour l’endroit, pressenti comme un lieu de rencontre pour cuisiner, partager sa culture ou jardiner. Aucune résidence n’a été dessinée par les futurs architectes. « Tout change, fait remarquer Pierre Thibault. L’architecture du futur sera assurément différente de celle d’aujourd’hui. »

L’expo Habiter le lieu est présentée jusqu’au 5 novembre. Des visites guidées sont offertes sur réservation.

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