(Melbourne, Australie) Des amoureux séparés par la pandémie s’enlaçant entre deux sanglots. Des enfants retrouvant une tante adorée en lançant des cris de joie. Quatre touristes de Singapour qui posent en faisant un V de la victoire avec leurs doigts.

Lundi, le hall des arrivées internationales de l’aéroport de Melbourne rappelait les scènes d’ouverture de la comédie romantique Love Actually (Réellement l’amour). La trame sonore en moins. Les accolades étaient nombreuses et soutenues. Les larmes, fréquentes.

C’était jour de fête et de retrouvailles. Fermée pendant près de deux ans aux voyageurs internationaux, hormis quelques exceptions, la frontière australienne a rouvert ce 21 février à tous les voyageurs vaccinés munis d’un visa. Fini, la forteresse australienne érigée au nom de l’approche « COVID 0 » !

Les annonces dans les haut-parleurs de l’aéroport – demandant à tous de garder une distance de 1,5 m et de ne pas serrer de mains – semblaient complètement anachroniques en ce jour tant attendu.

Les Australiens lancent un grand soupir de soulagement après avoir subi les restrictions de voyage parmi les plus draconiennes de la planète.

  • À l’aéroport de Sydney, un grand-père et sa petite-fille s’enlacent, entourés de journalistes.

    PHOTO SAEED KHAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

    À l’aéroport de Sydney, un grand-père et sa petite-fille s’enlacent, entourés de journalistes.

  • Les employés de l’aéroport de Sydney accueillaient les voyageurs avec des peluches, des friandises et des messages.

    PHOTO SAEED KHAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Les employés de l’aéroport de Sydney accueillaient les voyageurs avec des peluches, des friandises et des messages.

  • Même une mascotte de kangourou saluait les touristes fraîchement débarqués des premiers vols internationaux.

    PHOTO SAEED KHAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Même une mascotte de kangourou saluait les touristes fraîchement débarqués des premiers vols internationaux.

  • Les scènes de retrouvailles étaient documentées aux quatre coins du pays insulaire, comme ici à l’aéroport de Brisbane.

    PHOTO REUTERS

    Les scènes de retrouvailles étaient documentées aux quatre coins du pays insulaire, comme ici à l’aéroport de Brisbane.

  • Selon le premier ministre Scott Morrison, 56 vols internationaux devaient atterrir dans les 24 premières heures de la réouverture de la frontière.

    PHOTO REUTERS

    Selon le premier ministre Scott Morrison, 56 vols internationaux devaient atterrir dans les 24 premières heures de la réouverture de la frontière.

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C’est notamment le cas de James Gallagher et de sa famille. Le tenancier de pub, qui a immigré d’Irlande il y a plus d’une décennie, était à l’aéroport lundi avec son frère, sa femme, sa belle-sœur, sa fille et son neveu pour accueillir ses parents qu’il n’avait pas vus depuis quatre ans.

« Habituellement, on se visitait tous les deux ans, chacun notre tour. Mais le dernier voyage a été annulé à cause de la COVID-19 et ça a pris tout ce temps pour qu’on puisse se revoir », me racontait-il en attendant son père et sa mère, fleurs en main. « On venait d’obtenir une exemption pour qu’ils puissent venir et vlan, la frontière rouvre enfin ! »

Il se réjouissait surtout que sa petite fille, Kathy, âgée de 5 ans, puisse enfin rencontrer sa « nana » et son « granda » en personne. Jusqu’à leur arrivée d’Irlande lundi, tout ce qu’elle connaissait de ses grands-parents, c’était une petite image sur Zoom ou WhatsApp.

« Je vais faire de longues promenades avec eux », disait-elle en surveillant la porte des arrivées. Les retrouvailles ont été empreintes d’émotions.

« Ça arrive trop tard, tout ça. Il y a eu trop d’hésitations avant de rouvrir la frontière. Ça a affecté nos entreprises, mais aussi notre santé mentale. Là, j’espère que cette journée marque la fin de tout ça », a dit James Gallagher, aussi soulagé qu’irrité.

La journée de lundi a peut-être pris des airs de célébration dans les aéroports des grandes villes du pays d’Océanie, mais on ne doit pas chercher bien loin pour voir que le bonheur de retrouver des êtres chers fait aussi remonter à la surface de bien mauvais souvenirs.

La journaliste Kate Guest a écrit une lettre crève-cœur dans la version australienne du Guardian de lundi matin. « Si je suis contente de voir les retrouvailles joyeuses à l’aéroport, c’est vraiment douloureux pour ceux d’entre nous qui n’ont pas pu vivre ce moment », note-t-elle. Sa mère est morte en Grande-Bretagne en juillet 2021 sans qu’elle puisse la revoir. Et elle a dû faire des pieds et des mains pour obtenir l’autorisation d’assister aux funérailles. Des semaines plus tard.

Je suis seulement une Australienne parmi tellement d’autres qui ont perdu quelqu’un de cher pendant la pandémie et qui n’ont pas pu dire au revoir.

La journaliste Kate Guest, qui n’a pu voir sa mère avant qu’elle meure

Beaucoup de citoyens du pays en veulent aussi aux autorités d’avoir nourri un système à deux vitesses. Car si les règles étaient strictes pour l’ensemble de la population, il était possible d’obtenir de rares passe-droits. La décision était à la discrétion des autorités.

C’est ainsi qu’une panoplie de vedettes d’Hollywood, de Zac Efron à Natalie Portman en passant par Julia Roberts, ont obtenu la permission de séjourner en Australie pendant que les premières vagues de la pandémie faisaient rage aux États-Unis et en Europe. Au même moment, des citoyens australiens à l’étranger peinaient à rentrer chez eux.

Après avoir respecté une quarantaine de 14 jours à l’hôtel, les vedettes ont pu profiter d’une vie beaucoup plus normale à Sydney ou à Melbourne qu’ailleurs dans le monde occidental.

C’est plus récemment que la colère des Australiens a atteint un paroxysme. Une bonne partie de l’opinion publique n’a pas accepté que le champion de tennis Novak Djokovic puisse entrer au pays à la mi-janvier – sans être vacciné – pour participer aux Internationaux d’Australie. Le gouvernement a finalement changé son fusil d’épaule, et l’athlète a été expulsé avant la compétition.

Quelques jours après cet incident, le gouvernement australien annonçait la réouverture de la frontière.

Lundi, ce fond de colère faisait place à une bonne dose d’espoir. L’espoir de voir la vie reprendre son cours. L’industrie touristique, qui a été affamée pendant deux ans, attend le retour graduel des voyageurs étrangers en cette fin d’été australien.

Avant la pandémie, en 2018-2019, 9,3 millions de touristes étrangers ont contribué à hauteur de 44,6 milliards US à l’économie australienne et permis de soutenir des centaines de milliers d’emplois. Le compteur est tombé à zéro pendant deux ans. Comme chez nous, ce sont les voyageurs australiens qui ont sauvé en partie la mise.

« Pendant la pandémie, on s’est réinventé », m’a raconté le week-end dernier Sam Gray, de la Compagnie Reef Magic. Établie à Cairns, dans le nord tropical de l’Australie, l’entreprise organise des expéditions le long de la Grande Barrière de corail, une des principales attractions de l’Australie. « On n’avait presque plus de visiteurs, mais on a continué à sortir en mer avec des chercheurs. Et on a eu l’aide du gouvernement », raconte-t-elle. « On s’en est sorti, mais là, on a hâte de montrer à nouveau au monde entier ce trésor qui est le nôtre ».