Ratatatam ! Il suffit d’ouvrir la télévision cette semaine pour entendre les tambours de la guerre gronder à la frontière entre la Russie et l’Ukraine. Ratatatam !

La Russie continue de masser ses troupes près de ladite frontière. On estime à plus de 100 000 hommes cette force de frappe, qui peut aussi compter sur de l’artillerie lourde. Ratatatam !

De son côté, le gouvernement ukrainien demande au Canada de lui envoyer des armes et de lancer des sanctions préventives contre la Russie. Ratatatam !

Des organisations de la puissante diaspora ukrainienne – forte de 1,3 million d’âmes au pays – pressent le gouvernement de Justin Trudeau d’accéder aux demandes de Kiev. Certains de leurs représentants louent la décision des États-Unis et de la Grande-Bretagne de leur envoyer de l’armement. Ratatatam !

Le vacarme est terrible, mais heureusement, il semble que le gouvernement de Justin Trudeau réussit à le mettre assez en sourdine pour élaborer sa stratégie. Et ce, même s’il se fait accuser d’être trop lent, trop mou.

Cette stratégie, ce n’est pas de brandir l’étendard de la guerre, mais bien de continuer à donner une chance à la négociation, tout en montrant le soutien du Canada envers l’Ukraine.

C’est tout un travail d’équilibriste pour la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, qui vit ainsi son baptême du feu sur la scène internationale. Cette semaine, elle s’est rendue en Ukraine, où elle a été reçue tant par le président que par le premier ministre et le chef de la diplomatie du pays. Ils lui ont tous répété les mêmes demandes. « Je vous ai très bien entendus et je vais porter vos demandes jusqu’à Ottawa », leur a-t-elle répété à son tour, sans céder.

PHOTO GLEB GARANICH, REUTERS

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, à Kiev, mardi

La ministre n’est pas arrivée les mains vides pour autant. Si le gouvernement canadien n’est pas prêt à fournir des armes ou du soutien militaire au-delà de la mission de formation qui est déjà en cours, il a promis une assistance financière à l’Ukraine pour l’aider à passer à travers la crise.

Ça ne prend pas la tête à Napoléon Bonaparte pour comprendre que cette aide permettra à l’Ukraine, au besoin, de consacrer plus de son propre argent à sa défense.

Oui, le gouvernement Trudeau est souvent hésitant, voire timide quand il s’agit de faire valoir les intérêts du Canada à l’étranger et de mettre en place une stratégie efficace. Dans la dernière année, on l’a vu dans la gestion de la relation avec les États-Unis de Joe Biden, dans le retrait d’Afghanistan ou encore dans l’affaire des deux Michael.

Mais cette fois, on ne doit pas parler de timidité, mais bien de retenue.

Rien ne sert de faire des étincelles près d’un baril de poudre, surtout si l’explosion du baril menace d’abord notre allié.

Car entendons-nous, si une guerre éclate entre la Russie et l’Ukraine, ce ne sont pas les Russes – qui ont l’une des cinq plus grandes armées du monde – qui paieront le gros prix, mais bien les Ukrainiens, de quelque origine qu’ils soient. Et c’est eux qu’il faut protéger.

« Le conflit ne peut se résoudre militairement. Ça prend une solution diplomatique, dit Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa. Si on donne plus d’armes, on va collaborer à l’escalade du conflit parce que la Russie va toujours en remettre », ajoute-t-il.

Si la situation change sur le terrain et que le ratatatam des tambours est remplacé par des tirs de mortiers, le Canada devra bien sûr changer d’approche rapidement.

Mais on n’en est pas là.

Pour le moment, la porte de la négociation n’est pas encore fermée, comme en témoignent les pourparlers entre les chefs de la diplomatie russe et américain qui ont lieu à Genève ce vendredi.

Pour le moment, l’invasion terrestre russe est une menace plutôt qu’une réalité.

Il ne servirait à rien de faire rouler nos propres tambours pour rajouter au torrent ambiant.