« Un verre de Pompeo, s’il vous plaît ! »

Au bar du Musée de la tolérance de Jérusalem, plus tôt cette semaine, il était de bon ton de commander un verre de vin rouge élaboré dans un vignoble situé au milieu d’une colonie juive en Cisjordanie.

Le nectar porte le nom de l’ancien secrétaire d’État des États-Unis Mike Pompeo, en poste de 2018 à janvier 2021. Durant son mandat, ce dernier a soutenu l’annexion par Israël de territoires palestiniens, un appui impensable avant l’avènement de l’administration Trump. Il a aussi été l’un des principaux architectes des « accords d’Abraham », conclus en septembre 2020, qui ont permis la normalisation des relations diplomatiques des Émirats arabes unis et de Bahreïn avec Israël. Une réalisation dont le président Trump n’était pas peu fier.

Justement, c’est ce même Mike Pompeo qui était honoré lors de cette fête à Jérusalem soulignant l’aventure du Centre Friedman pour la paix par la force. Pour l’occasion, une bonne partie du gratin de l’ère Trump avait fait le voyage jusqu’à la Ville sainte. La fille de l’ancien président, Ivanka, et son mari, Jared Kushner, faisaient tourner les têtes. L’ancien secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, était aussi de la partie.

Un peu comme si le temps s’était arrêté en 2020.

PHOTO MENAHEM KAHANA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Mike Pompeo, Ivanka Trump, Jared Kushner... On se serait cru en cours de mandat de Donald Trump au Musée de la tolérance de Jérusalem, en début de semaine.

Une journaliste de CNN, qui assistait à la fête, n’en croyait tout simplement pas ses yeux. « L’évènement a des airs d’Alice au pays des merveilles, comme si ceux qui étaient présents étaient dans une réalité parallèle dans laquelle Donald Trump est toujours président des États-Unis et Benyamin Nétanyahou toujours premier ministre d’Israël », a noté Hadas Gold, correspondante de la chaîne américaine à Jérusalem.

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Pourquoi en parler ? Parce que cette fête de l’autre côté du monde est une fenêtre ouverte sur ce qui se passe en coulisses dans le Parti républicain à trois ans de la prochaine élection présidentielle américaine. Un an après la défaite aux urnes que Donald Trump continue de nier.

Pour le moment, tout le parti retient son souffle et attend de voir si l’homme d’affaires devenu politicien décidera de se présenter à nouveau. Il serait de loin le favori. Des sondages récents montrent que 67 % des républicains veulent voir M. Trump briguer à nouveau l’investiture pour reconquérir la Maison-Blanche. En Iowa, où aura lieu le premier caucus des primaires républicaines, l’ex-vedette de téléréalité a pour le moment plus de 91 % d’appui dans les rangs du Parti.

Personne, entre-temps, n’ose trop mettre l’orteil à l’eau, de peur de réveiller le courroux de l’ancien locataire du 1600, avenue de la Pennsylvanie. « Tout le monde est gelé jusqu’à ce que Donald Trump fasse une annonce, mais les principaux aspirants ne peuvent pas être invisibles non plus », note Douglas Heye, ancien stratège du Parti républicain, qui est aujourd’hui l’un de ses fins observateurs.

PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Octobre 2020. Donald Trump en conversation avec les leaders du Soudan et d'Israël, sous les applaudissements de son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, de même que Mike Pompeo, Jared Kushner et Robert O'Brien, alors conseiller à la sécurité nationale.

Tout est une question d’équilibre. Cas à l’appui, Mike Pompeo continue de soutenir Trump, tout en ne cachant pas qu’il aspire à la présidence. Et qu’il est prêt. Il entretient ses réseaux, prend des cafés avec des influenceurs de toutes sortes – journalistes conservateurs, militants républicains – et participe à des évènements où il peut à la fois se faire valoir et rappeler aux ténors de la droite américaine qu’il a été un important rouage de l’administration Trump, explique Douglas Heye, qui a étroitement collaboré avec l’administration de George W. Bush.

D’où le grand évènement à Jérusalem. « Même les conservateurs les plus critiques de Trump voyaient de manière très positive ses politiques en Israël, dont la décision de déménager l’ambassade à Jérusalem. Mike Pompeo en profite pour marquer ses liens avec ces politiques », note M. Heye.

Le tout est crucial pour assurer le financement d’une éventuelle campagne. Mike Pompeo a d’ailleurs récemment mis sur pied un fonds pour appuyer la « réélection de candidats républicains ». C’est un secret de Polichinelle que ce fonds pourrait devenir le sien.

Ailleurs aux États-Unis, le sénateur de la Floride Marco Rubio et l’ancienne ambassadrice des États-Unis aux Nations unies Nikki Haley sont tous deux pour le moment en réserve de la République, plaçant leurs pions sans annoncer ouvertement leur jeu. Et sans dénoncer ouvertement les dérapages de Donald Trump.

De son côté, Mike Pompeo ne s’est pas gêné pour exposer jusqu’où il est prêt à aller dans son soutien de la droite israélienne. Mardi, lors d’un discours prononcé à l’invitation du Jerusalem Post, Mike Pompeo a affirmé que c’était un « mensonge » de dire qu’Israël occupe les territoires palestiniens, et ce, même si cette occupation dure depuis 1967. Un fait reconnu par les Nations unies et la communauté internationale.

Voilà un énoncé clairement erroné de la part de Mike Pompeo, mais prononcé avec conviction. À la manière de son ancien patron.

Tout ça nous permet de constater que peu importe ce qu’il adviendra de sa candidature, Donald Trump en mènera large lors de la prochaine élection américaine. Que ça nous plaise ou non.