Certes, on peut faire de la confiture de fraise. Mais pourquoi ne pas plutôt déshydrater ses petits fruits ? Les cornichons, c’est bon, mais avez-vous pensé aux queues d’asperges marinées ? Presque TOUT ce qui pousse l’été peut se conserver pour qu’on n’ait pas que du céleri-rave et des fruits importés à manger en février. Nous avons demandé aux expertes Angèle Gauthier et Joanne Geha, du Candide, de nous révéler leurs astuces et inspirations.

Locavore grâce aux conserves

À l’ouverture du restaurant, à la fin de novembre 2015, le fondateur, John Winter Russell, était passé tout droit pour les réserves. L’hiver n’avait pas été facile, sous le signe des racines comestibles. Mais le chef s’est repris l’été et l’automne suivants, et toutes les années subséquentes. Candide est devenu une des premières et rares tables montréalaises locavores à 100 % (à l’exception d’une partie de la carte des vins), même au plus creux de la saison froide, et une référence en la matière. Oui, en étant très prévoyant et créatif, on peut se nourrir exclusivement de nos aliments d’ici toute l’année. C’était la démonstration que voulait faire le chef.

Aujourd’hui, ce sont Angèle Gauthier et Joanne Geha, les anciennes sous-chefs devenues chefs de cuisine, qui ont pris la relève de la cuisine et de la conservation, tandis que leur patron profite d’une année sabbatique bien méritée.

« L’été dernier, on savait que John ne serait pas là, alors on s’est vraiment données. On avait peur de manquer de réserves. Mais il nous reste encore des poires, des coings, de la sauce tomate, entre autres. C’est mieux d’en avoir trop que pas assez », raconte Angèle, arrivée dans la cuisine de sous-sol d’église pour son stage de l’ITHQ en 2018 puis jamais repartie !

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le cellier du Candide est encore bien garni des réserves de l’automne dernier.

Imaginez quand même la charge de travail, en pleine saison haute : en plus de devoir faire la mise en place et la cuisine pour une soixantaine de couverts, cinq soirs par semaine, l’équipe doit mettre les bouchées doubles pour tout transformer pour la saison maigre. Arrivent d’abord les têtes de violon, la rhubarbe, les asperges, les fleurs de ciboulette, puis il y a les premières fraises (de juin à septembre, Candide en reçoit 50 kg par semaine), les radis, les courgettes, les poireaux et finalement les tomates, les haricots, les poivrons, les poires, les abricots de l’Ontario, les coings, pour n’en nommer que quelques-uns.

Réserves gourmandes

Aujourd’hui, le commun des mortels ne fait plus de conserves pour survivre l’hiver, comme dans l’« ancien temps ». Il le fait pour profiter au maximum de l’abondance estivale et automnale, pour manger mieux en dépensant moins, pour « acheter local », pour se régaler surtout ! Aussi les conserves ont-elles gagné en popularité, mais également, voire surtout, en originalité.

Les restaurants qui se targuent de pratiquer une cuisine locavore ne peuvent faire autrement que de mettre en pots et au caveau. Les chefs du Québec se sont armés de déshydrateurs, de celliers, de congélateurs et autres autoclaves.

« Au Candide, on fait les choses pas mal comme les gens le feraient à la maison. On n’a pas d’autoclave. Des fois, les gens ont peur de faire des conserves pour le risque de contamination ou d’explosion du pot », confie Angèle.

On aime bien la méthode où on verse un liquide brûlant sur le produit à conserver. Le pot se scelle tout seul. Quand il y a de l’huile, on fait plutôt bouillir pour sceller, mais il ne faut jamais complètement refermer le pot. Ce n’est pas sorcier.

Angèle Gauthier, du Candide

La gestion des pertes et la lutte contre le gaspillage alimentaire sont prises en compte dans le plan de conservation du restaurant de la Petite-Bourgogne. « On transforme pas mal à zéro déchet, explique Joanne. La fraise est tout utilisée. Les queues et le chapeau sont macérés pour faire une eau dont on se sert après pour réhydrater les fruits. »

Il y a aussi toutes ces queues de belles asperges qui, au lieu d’aller dans la soupe (ou carrément au compost), se font mettre en pots avec de l’huile, pour être ajoutées aux salades de la saison froide.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @RESTAURANT_CANDIDE

Servi en mars dernier, ce plat de tomates au sel, spätzle et céleri-rave mariait le meilleur de l’été et de l’hiver.

Parmi les conserves chouchous du Candide, il y a les fameuses tomates cerises au sel, les boutons de marguerites comme des câpres, les courgettes déshydratées et les abricots. Joanne salive déjà en pensant à la délicieuse glace de fruit à noyau qu’elle prépare avec ses précieux vivres quand bien d’autres chefs peinent à trouver un peu de fraîcheur à servir en dessert à leurs clients. La petite fourmi travaillante l’emporte toujours !

Consultez la recette de tomates cerises au sel de la Petite Bette inspirée par celle du Candide Consultez le site du Candide

Quelques idées de conserves

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE

L’amélanche, un petit fruit qui pousse en abondance à Montréal et ailleurs au Québec

Conserves d’amélanches

Si vous habitez à Montréal, apprenez à identifier l’amélanchier. L’arbre est abondant dans une foule de lieux publics et son fruit est délicieux, surtout en confiture. Bref, vers la fin de juin, promenez-vous avec un contenant vide dans votre sac et faites de la cueillette urbaine (pas sur les terrains privés, à moins de demander la permission !). En plus, c’est gratuit !

Maïs déshydraté

Lorsqu’on leur retire toute leur eau, les grains de maïs deviennent vraiment tout petits ! Un seul pot Mason et vous en aurez pour vos soupes et ragoûts tout l’hiver.

Pensez aussi aux herbes et aux épices

« On déshydrate le bébé gingembre du Québec et on fait du vinaigre avec les feuilles de gingembre. On déshydrate aussi parfois les feuilles de gingembre que l’on met en poudre pour faire notre glace au gingembre l’hiver. Le curcuma et ses feuilles sont également sous-utilisés. C’est très aromatique », révèle Joanne Geha du Candide.

Cuirs de toutes sortes

Pensez aux cuirs de fruits, que vous faites à partir d’une purée. Les enfants en raffolent. Le semencier Patrice Fortier (consultez l’article à l’écran suivant) fait même des cuirs de tomate. « On peut les manger en snack, mais ils font aussi office de concentré de saveur lorsqu’on les délaye comme un cube de bouillon. »

Soyez créatif

« Des fois, on réhydrate des fruits dans les jus d’autres fruits », révèle Joanne.

Fraises déshydratées et jus de queues de fraises

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Ces fraises sont sur le point d’être déshydratées. Le jus de queues et de chapeaux de fraises peut devenir assez concentré.

On peut utiliser les fraises réhydratées dans plein de préparations simples : légèrement réchauffées en accompagnement d’un gâteau et d’une crème fouettée, comme base à un sorbet ou à une crème glacée, en compotée avec du granola ou avec un biscuit émietté.

Ingrédients

Fraises à volonté !

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

On infuse les queues de fraises dans l’eau.

Préparation

  1. Équeuter les fraises et mettre les queues (avec un peu de chair) de côté.
  2. Placer les fraises sur un papier sulfurisé en prenant soin de garder un espace entre chacune d’elles.
  3. Mettre au déshydrateur à 55 °C pour 24 heures selon la taille des fraises ou dans un four avec la lumière allumée. Au toucher, les fraises doivent être complètement sèches.
  4. Déposer les queues des fraises dans une casserole et recouvrir d’eau froide. Porter à ébullition. Retirer du feu et laisser infuser pendant au moins une heure. Filtrer.
  5. Remettre le liquide filtré sur le feu et porter à ébullition.
  6. Verser le liquide bouillant dans un pot stérilisé, fermer et laisser sceller.
  7. Pour réhydrater les fraises, verser tout simplement le jus conservé sur les fraises. Ajouter du sirop d’érable au goût. Laisser réhydrater au réfrigérateur pendant 24 heures.
  8. Les fraises réhydratées se gardent au frais pendant une semaine. Les fraises déshydratées ainsi que le jus de queues de fraises scellé se gardent jusqu’à un an.

Pieds d’asperges marinés

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Les queues d’asperges peuvent être utilisées dans une gremolata.

On peut utiliser ce légume en salade fraîche herbacée de style gremolata (pieds d’asperges, basilic, ciboulette ciselée, huile, vinaigre, sel), un accompagnement parfait pour les poissons à chair blanche, l’agneau ou le porc grillés.

Ingrédients

  • Asperges à volonté
  • Vinaigre
  • Sel
  • Huile végétale
Queues d’asperges
  • Les queues sont taillées en rondelles de grosseur égale.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Les queues sont taillées en rondelles de grosseur égale.

  • Elles sont blanchies dans un mélange de vinaigre, d’eau et de sel.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Elles sont blanchies dans un mélange de vinaigre, d’eau et de sel.

  • Une fois refroidies et égouttées, les rondelles sont mises dans un pot stérilisé.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Une fois refroidies et égouttées, les rondelles sont mises dans un pot stérilisé.

  • Angèle remplit le pot d’huile de canola.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Angèle remplit le pot d’huile de canola.

  • Il ne reste qu’à sceller le pot dans l’eau bouillante.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Il ne reste qu’à sceller le pot dans l’eau bouillante.

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Préparation

  1. Casser les pieds d’asperges. Manger les pointes !
  2. Au couteau, les couper en rondelles de taille uniforme.
  3. Blanchir les asperges dans une eau bien salée constituée d’un ratio 2:1 de vinaigre/eau.
  4. Refroidir les rondelles dans une eau glacée. Égoutter, bien sécher et verser dans un pot stérilisé.
  5. Ajouter l’huile de canola jusqu’à submerger complètement les queues d’asperges, mais sans remplir le pot Mason à rebord.
  6. Fermer le pot complètement, puis l’ouvrir un quart de tour (l’air doit pouvoir s’échapper du pot au moment du scellage).
  7. Sceller le pot pendant 10 minutes en le submergeant dans l’eau bouillante. L’eau ne doit pas dépasser le collet du pot. Ne pas refermer complètement la casserole.
  8. Une fois les 10 minutes écoulées, sortir le pot de l’eau avec des pinces, le déposer sur une grille. Laisser refroidir.
  9. Les pieds d’asperges en conserve se gardent jusqu’à un an.