En acceptant le poste de chef de l’historique restaurant Champlain, au Château Frontenac, Gabriel Molleur-Langevin a déclaré qu’il souhaitait faire de Québec la nouvelle capitale gastronomique du Canada. Rien de moins.

Associé pendant des années au délicieux classicisme de Jean Soulard, puis à la décoiffante créativité de Stéphane Modat, le Champlain entre dans l’ère d’une gastronomie nordique bien assumée, qui a moins de preuves à faire.

« Quand je pense à des menus, je ne pense pas à du sépia de Barcelone, je pense à l’oursin du Bas-Saint-Laurent ou à l’agneau. C’est devenu un réflexe pour la majorité des chefs d’ici de travailler avant tout avec les ingrédients d’ici », déclare le jeune chef de 31 ans, qui a passé les cinq dernières années dans les cuisines du réputé Mousso, à Montréal.

« Moi, j’ai toujours travaillé dans des petits restos. Je n’ai jamais touché aux banquets, à l’événementiel, à la logistique du service aux chambres », rappelle Gabriel Molleur-Langevin. « Ici, on a des cuisines énormes avec de gros jouets, des gros fours, qui nous permettent de faire certaines choses plus facilement et efficacement. »

Il y a des gens dans les cuisines du Château qui ont 25 ans d’expérience. La camaraderie est là. Ils ont travaillé avec Jean Soulard et Stéphane Modat. J’ai des choses à apprendre d’eux.

Gabriel Molleur-Langevin

Tous les travailleurs de la restauration que l’on a pu interroger au sujet du jeune prodige parlent de son humilité, de sa gentillesse, de son esprit d’équipe. Ces qualités sont de plus en plus recherchées dans un domaine où le stress peut rapidement faire dégénérer l’ambiance de travail. « Quand la pression monte, je vais regarder le fleuve, nous dit le jeune chef. Ça me calme, puis j’y retourne rechargé. »

Heureusement, Gabriel ne porte pas tous les services alimentaires du Château sur ses épaules. Il a le mandat de commandant du Champlain et des évènements gastronomiques spéciaux, sous la supervision du directeur culinaire, Frédéric Cyr. Le Sam, formule bistro de l’iconique hôtel, a par exemple son propre chef, Thomas Amalfitano, qui dessert aussi la terrasse Eléa, nouvellement ouverte au public.

Dès le départ, les attentes de ses nouveaux employeurs étaient empreintes de confiance. « On m’a essentiellement dit : voici ce que t’as en main, développe ton concept et amuse-toi avec ! » Le premier menu de Gabriel Molleur-Langevin est empreint de simplicité et d’élégance, dans l’air du temps. Une clientèle plus fortunée aura l’occasion, elle, de découvrir son menu « noir » élaboré dans le cadre des soupers éphémères L’obscurité le temps d’une soirée (lire notre compte rendu dans l’écran précédent).

PHOTO ANDRÉ-OLIVIER LYRA, FOURNIE PAR LE CHÂTEAU FRONTENAC

Ce consommé de chaga avec langue de bœuf est un des services du repas L’obscurité le temps d’une soirée qui est également au menu du Champlain.

Un retour aux sources

Originaire de Québec, celui qui a quitté la métropole pour vivre la vie de Château a redécouvert sa ville. « C’est vraiment très particulier d’être revenu ici, soutient-il. Les choses ont beaucoup changé, que ce soit les commerces ou les gens qui y vivent. La plupart de mes amis de jeunesse sont partis. J’arrive comme dans une nouvelle ville, avec un nouveau travail incroyable, mon épouse d’origine française et notre chien ! C’est assez excitant. »

Croyez-le ou non, Gabriel Molleur-Langevin n’avait jamais mis les pieds au Château Frontenac avant d’y être employé : « Ma femme appelle ça l’effet tour Eiffel : quand tu vis dans une ville avec une attraction iconique, mais que tu ne l’as toi-même jamais visitée. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Gabriel Molleur-Langevin est amateur de fromages et de charcuteries.

Dire qu’il a été impressionné par ses nouveaux « bureaux » serait un euphémisme. « Le Champlain, c’est grandiose, avoue-t-il. On s’y sent vraiment dans un château. Si les gens ont envie de célébrer quelque chose, se cherchent un resto d’occasion spéciale, c’est sûr qu’on est la destination parfaite. Comme je ne connaissais pas moi-même, je me suis dit qu’il fallait faire découvrir au plus grand nombre de Québécois possible. Mais il faut également accroître le rayonnement de cet endroit incroyable à l’international. »

Naturellement, c’est par le ventre que le chef compte attirer la clientèle, avec des produits bien implantés ici comme le cassis, le tournesol, le flétan, l’agneau, le miel, tout en faisant découvrir des ingrédients plus nichés et méconnus comme le chaga, le thuya (cèdre blanc), diverses fleurs comestibles, etc. « Ici, les producteurs sont plus accessibles qu’à Montréal, affirme le chef. Ils sont proches, mais surtout, ils ont moins d’embûches routières à surmonter pour venir nous voir en personne. À Montréal, il y a souvent des intermédiaires qui s’occupent de la distribution des bonnes fermes. En plus, à Québec, on a un pied dans la mer et un sur terre. Les ressources maritimes sont plus proches. »

  • La salle à manger du restaurant Champlain au Château Frontenac

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    La salle à manger du restaurant Champlain au Château Frontenac

  • Les bouteilles sont exposées çà et là dans des celliers vitrés.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Les bouteilles sont exposées çà et là dans des celliers vitrés.

  • La salle à manger du restaurant Champlain au Château Frontenac

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    La salle à manger du restaurant Champlain au Château Frontenac

  • Ce corridor tapissé de bouteilles est somptueux.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Ce corridor tapissé de bouteilles est somptueux.

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Grand amateur de fromages et de charcuteries, Gabriel est tombé sous le charme de l’espace cellier du Champlain. « Avec le nouveau menu, on a décidé de mettre cet espace-là en valeur, nous apprend-il. Les clients peuvent y aller et choisir ce qu’ils veulent sur le plateau. »

Pour moi, l’hospitalité, c’est d’inviter les gens chez soi, et je trouve que fromages et charcuteries, c’est particulièrement convivial. J’ai récemment eu un coup de cœur pour le Canotier de l’Isle, qui ressemble à un gros Babybel, mais au goût fort et piquant.

Gabriel Molleur-Langevin

C’est pour faire découvrir les fruits de nos artisans et pour participer à des moments de bonheur que le chef fait son métier. Or, il ne cache pas son objectif de non seulement maintenir la belle réputation du Champlain, mais aussi faire en sorte que le majestueux restaurant devienne « LA » table à ne pas contourner au Québec.

Lisez notre reportage sur les soupers éphémères L’obscurité le temps d’une soirée

La feuille de route de Gabriel Molleur-Langevin

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Gabriel Molleur-Langevin

– Originaire de Québec, le chef a fait ses études en gestion d’établissement de restauration au Collège Mérici, de 2008 à 2011.

– Il a fait des stages à l’étranger, au triple étoilé Michelin Régis et Jacques Marcon, en Haute-Loire (France), puis aux réputés Noma (Danemark) et Fäviken (Suède). C’est en Scandinavie qu’il a pleinement compris le potentiel des ingrédients nordiques.

– Avant de passer cinq ans au Mousso et de terminer son séjour comme chef exécutif, il a travaillé au Laurie Raphaël, au Clocher penché et à l’Europea.