On avait annoncé l’élection de la dernière chance pour le Parti québécois. Déjà, on préparait son oraison funèbre. Mais les électeurs n’étaient pas prêts à enterrer la formation souverainiste.

Parce qu’en ce difficile lendemain de veille électorale, le PQ n’est pas fort, mais il n’est pas mort.

On avait prédit qu’un seul député résisterait au grand balayage caquiste. Le chef Paul St-Pierre Plamondon a réussi à sauver son parti de l’extinction. Mieux : il fera lui-même une entrée fort méritée à l’Assemblée nationale, après sa victoire dans Camille-Laurin.

En fin de soirée, PSPP a livré un message d’espoir devant ses partisans. « Ce soir, nous ne sommes plus revenus pour revenir, nous sommes arrivés à ce qui commence », a-t-il dit, paraphrasant le poète Gaston Miron. Il a déclaré qu’il se ferait « un point d’honneur de relever le débat au Salon bleu ».

Encore faudra-t-il que les autres partis lui donnent la possibilité de bien le faire. Ce n’est pas gagné.

Pour la première fois, le PQ n’obtiendra pas le statut de parti officiel. Ça voudra dire moins de temps de parole à l’Assemblée nationale, donc moins de visibilité – à moins que les autres partis s’entendent pour lui faire cette fleur.

Le chef péquiste aurait pu ajouter à sa liste de remerciements un certain Guy Misson, qui a forcé la candidate de Québec solidaire dans Camille-Laurin à se désister après l’avoir surprise à subtiliser des dépliants dans des boîtes aux lettres. Plus que quiconque, ce citoyen a contribué à la victoire de PSPP.

Et, du même coup, à la survie du parti fondé par René Lévesque.

Au moment où ces lignes étaient écrites, le PQ récoltait 15 % des suffrages exprimés, à égalité avec Québec solidaire. Il faisait mieux que le Parti libéral du Québec (14 %), qui formera l’opposition officielle. Pour le PQ, c’est la bonne nouvelle de la soirée.

Ou, disons, le prix de consolation.

La mauvaise nouvelle, c’est que cette performance n’aura permis au PQ de faire élire que trois députés. Sept de moins qu’en 2018. Un creux historique.

PSPP dans Camille-Laurin, donc, Pascal Bérubé dans Matane-Matapédia et Joël Arseneau aux Îles-de-la-Madeleine sauvent l’honneur. Et les meubles.

Pour le reste, la vague caquiste aura été trop forte.

Depuis quelques jours, les péquistes étaient pourtant portés par un vent d’optimisme. Ils le sentaient sur le terrain. Et dans les médias, qui vantaient la campagne impeccable de PSPP. Les dons des militants affluaient. Le PQ semblait reprendre son souffle.

Mais c’était trop peu, trop tard. L’élan de sympathie ne s’est pas traduit par des votes. Pas suffisamment de votes, en tout cas, pour ralentir, encore moins renverser un déclin commencé il y a près de 20 ans.

Le Parti conservateur ne récolte rien. Laminé par la vague caquiste. La colère de la rue, canalisée par Éric Duhaime, ne se fera pas entendre au parlement.

On ne peut pas s’en réjouir. Qu’on soit d’accord ou pas avec les idées du chef conservateur, les 13 % d’électeurs qui ont appuyé son parti auraient dû avoir une voix au Salon bleu. Au moins une.

Ils sont réduits au silence. Ce n’est pas normal, ni sain, en démocratie. Éric Duhaime en a glissé un mot dans son discours de défaite.

Paul St-Pierre Plamondon a insisté là-dessus. « Nous sommes deux millions d’indépendantistes qui méritent une représentation juste et équitable à l’Assemblée nationale », a-t-il dit.

« Cette élection aurait dû être l’élection où chaque vote aurait compté », a déclaré de son côté Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire. « Notre démocratie est brisée. »

Brisée, parce que la CAQ a écrasé l’ensemble de ses opposants. Elle a récolté 70 % des sièges avec « seulement » 41 % de l’appui populaire.

C’est la démocratie représentative qui s’effrite sous nos yeux.

Il n’y a pas trente-six solutions. Il faut réformer le mode de scrutin. Adopter la proportionnelle. Vous savez, cette étrange fantaisie qui n’intéresse qu’une poignée d’intellectuels, selon François Legault.

Le même François Legault qui, au lendemain de son élection de 2018, promettait de se débarrasser du scrutin uninominal à un tour « dès la première année de son mandat ».

La première année a passé. La deuxième. La troisième. La quatrième…

On attend toujours. Et on risque d’attendre longtemps.

François Legault n’est pas le premier, ni le dernier, à renier son engagement de réformer le mode de scrutin. En 2015, Justin Trudeau a fait exactement la même chose.

C’est comme l’anneau de pouvoir dans Le seigneur des anneaux, a laissé tomber Paul St-Pierre Plamondon, la semaine dernière. Une fois qu’on y touche, on y prend goût. On n’arrive plus à s’en défaire.

François Legault doit maintenant faire preuve de courage et détruire l’anneau. En finir avec le scrutin uninominal à un tour. Au nom de la démocratie québécoise.