Après une campagne électorale acrimonieuse, François Legault a promis d’être « le premier ministre de tous les Québécois ». C’est aussi ce qu’il avait promis lorsqu’il a été élu en 2018. Il avait alors parlé de « l’esprit de rassemblement » dans lequel il avait l’intention de gouverner « pour tous les Québécois ».

On sortait à l’époque d’une campagne électorale où le chef de la CAQ avait multiplié ce qu’on avait appelé des « gaffes » sur les immigrants, donnant l’impression qu’il avait improvisé des promesses populistes, sans trop y réfléchir, incapable de les appuyer sur des faits.

Tout en promettant d’« en prendre moins, mais en prendre soin », il avait une façon bien étrange de mettre en œuvre la deuxième partie de son joli slogan. Gaffe après gaffe, il semblait plutôt vouloir appâter un certain électorat en exploitant de façon peu subtile la peur des immigrants à coup de tests de valeurs et de menaces d’expulsion.

À partir de combien de « gaffes » peut-on, doit-on parler de stratégie délibérée ? Et à partir de quand peut-on, doit-on s’en inquiéter ?

Ces questions sont devenues plus pertinentes que jamais alors que François Legault a une fois de plus « gaffé » vers la victoire, menant une campagne aux airs de déjà-vu où l’immigrant a trop souvent servi d’épouvantail.

« Dans les prochains mois, on va se parler de façon respectueuse comme on est capables de le faire », a dit le premier ministre dans un discours de la victoire où il tentait de réparer les pots cassés. Comme s’il reconnaissait que ce n’était pas du tout ce qu’il avait fait durant la campagne, multipliant les déclarations qui divisent.

Non, je ne suis pas en train de dire qu’il ne faudrait pas discuter d’immigration en campagne électorale. Non, je ne suis pas en train de dire non plus que c’est raciste de se préoccuper de seuils d’immigration, de capacités d’intégration et de francisation dans un Québec où le français est en déclin.

On peut tout à fait en parler. Ce sont des préoccupations légitimes. Mais tout est dans la manière de les aborder.

Lorsqu’un premier ministre en campagne électorale associe grossièrement l’immigration à l’extrémisme et à la violence ou qu’un ministre sortant de l’Immigration déclare, sans égard aux faits, que 80 % des immigrants ne travaillent pas, ne parlent pas français et n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise, on n’est pas exactement dans le débat d’idées responsable, respectueux ou constructif.

On est bien davantage dans une rhétorique anti-immigration dangereuse qui, hélas, ici comme ailleurs, utilise la peur pour manipuler l’opinion publique. Une chasse aux boucs émissaires qui, en pleine crise du climat, réussit à faire croire qu’un faux péril migratoire est plus grave qu’un réel péril climatique.

De la part d’un François Legault qui avait pourtant promis d’être le premier ministre de tous les Québécois, on se serait attendu à plus de hauteur. Il semble malheureusement déjà bien loin, ce temps où, au pire de la crise sanitaire, M. Legault louait le travail inestimable de tous ces « anges gardiens » venus d’ailleurs qui ont contribué à tenir notre système de santé à bout de bras.

Dans ses discours, l’immigrant est très rarement présenté de façon positive. La plupart du temps durant cette campagne, il a d’abord et avant tout été présenté comme une menace. Ce qui creuse sans cesse le fossé entre la perception et la réalité.

On dira que les « gaffes » caquistes au sujet de l’immigration étaient le plus souvent suivies d’excuses. Mais là encore, on peut se poser la question : à partir de combien de mots d’excuse laconiques peut-on commencer à avoir un petit doute quant à leur sincérité ?

Si les déclarations trompeuses et blessantes de l’ex-ministre Jean Boulet, qui n’a pas eu de mal à se faire réélire, n’ont pas mené au retrait de sa candidature, est-ce à dire qu’en dépit des excuses, on a jugé que ce n’est pas si grave ? Que les Québécois issus de l’immigration choqués par ces faussetés sont finalement des citoyens de seconde zone ?

Chose certaine, que l’on soit satisfait ou pas de la nouvelle promesse du premier ministre, cela n’efface pas l’effet délétère d’un tel discours sur le tissu social. Diviser pour mieux régner en promettant ensuite de panser les plaies n’est pas la manière la plus convaincante de rassembler. Si le premier ministre réélu se préoccupe vraiment de la cohésion sociale, il devra y veiller.