Ce week-end, chefs et cheffe font tous le même rêve.

La voix de Patrice Roy interrompt les analystes : « À 20 h 42, Radio-Canada prévoit que si la tendance se maintient, le prochain gouvernement du Québec sera formé par le Parti québécois ! » Paul St-Pierre Plamondon a déjà les yeux grands, mais là, ses yeux s’agrandissent tellement qu’il se transforme en personnage des Têtes à claques. Il n’en revient pas ! Il y a un mois, on prédisait la mort du PQ. Et le voilà devenu premier ministre du Québec. Il a soudainement envie de s’allumer une cigarette. Et d’affirmer d’une voix éteinte : « Bondance ! J’ai jamais été aussi fier d’être Québécois ! »

La voix de Pierre Bruneau prend un ton solennel : « À 20 h 50, le réseau TVA annonce que le prochain gouvernement du Québec sera formé par le Parti libéral ! » Dominique Anglade se lève et se met à danser comme Shakira. Elle n’est plus arrêtable ! Elle a réussi son pari. Rajeunir son vieux parti. La madame est contente ! Pardon ! Madame Anglade is very glad !

La voix de Michel Bherer tremble un peu : « À 20 h 52, Noovo prévoit que le prochain gouvernement sera formé par Québec solidaire ! » Gabriel Nadeau-Dubois esquisse un petit sourire en coin. Manon Massé l’embrasse sur la bouche. Puis il se lève fièrement. Son discours de chef d’État est prêt. Depuis 10 ans déjà.

La voix d’un animateur de la radio de Québec s’emballe : « À 20 h 58, la radio de Québec déclare que le prochain gouvernement sera un gouvernement du Parti conservateur du Québec ! » Éric Duhaime s’étouffe. Sa chienne Mia fait des roulades pendant que son maître reprend ses esprits. Ses partisans le portent en triomphe en criant « liberté » ! Le temps de critiquer est terminé. C’est à son tour de diriger.

François Legault, ce rêve, il l’a déjà fait il y a quatre ans. Depuis, le rêve est devenu réalité. Et c’est pas mal plus compliqué. Surtout quand on est censé gagner encore. Et largement. Il rêve juste que la tendance se maintienne jusqu’au bout. Pour pouvoir continuer.

Les quatre autres chefs n’ont pas besoin de gagner pour se prétendre gagnants. La barre des attentes est pas mal moins élevée.

Si Québec solidaire parvient à garder ses acquis, voire à les augmenter légèrement, ce sera un début de changement d’ère. Si le PQ ne disparaît pas, s’il a plus d’élus que son chef a de noms de famille, ce sera mieux que prévu. Si le PLQ conserve toutes ses circonscriptions rouge foncé, il y aura une base pour reconstruire. Si le PCQ réussit aussi bien que dans les sondages, il établira sa pérennité. Donc, lundi soir, le résultat des élections risque de ressembler au résultat des cotes d’écoute à la radio. Tout le monde gagne ! Comme à L’École des fans.

Cela dit, il y aura tout de même un gagnant qui va gagner plus que les autres. Mais ça, on le savait avant même que la campagne électorale soit déclenchée. La seule variable étant de connaître l’ampleur de la victoire de la CAQ. Plus grande que prévu ? Ce serait étonnant. Comme prévu ? Toujours possible. Moins que prévu ? Très possible. Ce sera le suspense de lundi. Il en faut un. Ça fera 36 jours qu’on prépare ce moment. Faudrait pas que tout soit déjà divulgâché.

Après tout, une soirée électorale, c’est comme un Super Bowl. On s’installe devant son écran, en gang, avec des provisions. Équipé pour veiller tard. Et comme le Super Bowl, ça se règle souvent au premier quart. À 20 h 30, on switch au hockey. Quoi ? Ça se pourrait. Le Canadien joue contre Toronto, au Centre Bell. Ça a beau être un match préparatoire, les experts en politique devront être colorés pour nous empêcher d’aller voir le score.

Peu importe quel scénario se produit lundi, souhaitons que tous les leaders soient reconnaissants envers leurs électeurs, et respectueux des électeurs qui ont choisi leurs rivaux.

S’il y a un temps pour être rassembleur, pour penser au Québec en entier, pas juste à ses partisans, c’est lorsque le peuple se prononce. Ne jamais oublier que c’est lui qui mène. Ne jamais croire qu’il est le mené.

Bonnes élections !

Je ne peux pas vous souhaiter de tous les gagner, c’est impossible.

Mais je peux nous souhaiter que toutes ces tournées des chefs, aux quatre coins du Québec, durant plus d’un mois, ce n’était pas juste pour réaliser leur rêve, c’était surtout pour réaliser les nôtres.