(Québec) Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a résumé l’état d’esprit du gouvernement Legault au sujet du débat des chefs en anglais de jeudi soir : il s’est dit « déçu du manque de neutralité » de l’exercice, qui s’est transformé en procès de lois québécoises, soit la Loi sur la laïcité de l’État et le projet de loi 96 sur la protection de la langue française.

La vaste majorité des ministres et députés ont refusé de commenter le débat en matinée vendredi, au dernier jour de la réunion du caucus caquiste pour préparer la rentrée de l’Assemblée nationale le 14 septembre. Le premier ministre François Legault s’est contenté de dire qu’il tiendra une conférence de presse à 13 h, à la fin de la réunion, comme prévu.

C’est Ian Lafrenière qui a résumé le point de vue gouvernemental. « Ma réaction, c’est de dire que c’est extrêmement décevant. Je pensais qu’on était rendu ailleurs en 2021. Quand je suis sorti de ce débat, honnêtement, j’étais vraiment très déçu, déçu qu’on était encore rendu là dans ce genre de phrase et le manque de neutralité. Alors déçu », a-t-il affirmé.

Comme La Presse le rapporte vendredi, le seul débat des chefs de la campagne électorale à s’être déroulé en anglais s’est transformé en procès de la Loi sur la laïcité de l’État et du projet de loi sur la protection de la langue française. Durant cette soirée où la cacophonie a régné, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a été contraint de défendre des politiques du gouvernement Legault dans sa langue seconde.

Dès le lever de rideau, jeudi soir, M. Blanchet a encaissé une charge. L’affront n’est pas venu de l’un de ses adversaires, mais de l’animatrice, Shachi Kurl, qui a lancé le débat en demandant à répétition au chef bloquiste comment il pouvait appuyer des mesures législatives « discriminatoires », comme la Loi sur la laïcité de l’État et le projet de loi 96.

Le dirigeant bloquiste a semblé désarçonné par l’entrée en matière de celle qui était aux commandes de la joute oratoire. Le préambule de sa question disait ainsi : « Vous niez que le Québec a un problème de racisme, pourtant vous défendez [ces] mesures qui marginalisent les minorités religieuses, les anglophones et les allophones. »

Le chef du Bloc québécois a répondu à Mme Kurl, qui est présidente de l’Institut Angus Reid, fondation de recherche sur l’opinion publique, que ces textes législatifs n’étaient pas « discriminatoires », bien qu’ils étaient le reflet des « valeurs du Québec ». L’animatrice l’a toutefois talonné, ce qui a finalement inspiré à Yves-François Blanchet une réplique directement à son intention. « Vous pouvez répéter autant de fois que vous voulez que ces lois sont discriminatoires. Nous disons qu’elles sont légitimes. »

Un peu plus tard, dans un autre segment, M. Blanchet s’est fait demander par une journaliste de l’Aboriginal Peoples Television Network (APTN) ce qu’il comptait faire à propos du racisme systémique au Québec et ailleurs au Canada. La question a donné lieu à des échanges acrimonieux entre le chef bloquiste et la cheffe du Parti vert Annamie Paul.

« J’invite M. Blanchet à s’informer [sur le racisme systémique] », a exprimé Mme Paul. Son interlocuteur a voulu répondre à cette flèche, mais il s’est fait couper par l’animatrice. « Mais j’ai été insulté », a-t-il protesté. « Ce n’est pas une insulte, c’est une invitation à vous informer », a renchéri la dirigeante du Parti vert.

Rappelons que pour la Loi sur la laïcité comme le projet de loi 96, le gouvernement a recours à la clause de dérogation à la Charte canadienne des droits et libertés afin de les blinder contre les contestations judiciaires. François Legault a plaidé maintes fois que le recours à cette disposition est nécessaire pour « protéger des droits collectifs » et « les valeurs québécoises ».

Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance et Mélanie Marquis