Depuis des années, je travaille comme traductrice. Très sommairement, on me paie pour ma capacité à trouver LE mot juste. Phrase après phrase, texte après texte, jour après jour.

Mais me voici face à une situation décrite par plusieurs comme de l’hypocrisie. Mon flair de pro des mots, par contre, me dit qu’il s’agit plutôt de discrimination. Je ne sais pas. Je n’arrive pas trop à trancher. Je vous explique.

Je vis dans une petite ville bien mignonne des Cantons-de-l’Est, une ville avec un lac et des montagnes.

Le 14 mai dernier, lors de la séance du conseil municipal, un citoyen a demandé qu’on observe une minute de silence pour toutes les personnes qui souffrent dans le monde, notamment les personnes à Gaza.

Le maire a répondu que son équipe avait déjà reçu des questions à propos de Gaza, que les gens sont libres de s’informer et de poser les gestes de soutien qu’ils veulent, mais que la Ville ne prenait pas position sur ce genre de chose.

Alors, non. Pas de minute de silence pour les victimes à Gaza.

Or, en quelques clics, j’apprends que le 8 mars 2022, la Ville avait ni plus ni moins adopté une résolution intitulée « Les Élus(es) municipaux Waterlois solidaires du peuple Ukrainien » (sic).

En quelques clics de plus, je constate qu’une panoplie de villes au Québec ont adopté la même résolution. (Quand solidarité rime avec copier-coller.)

Exercer son pouvoir

Avant de tirer des conclusions hâtives, de me dire que la non-prise de position sur ce genre de chose s’accompagne d’exceptions discriminatoires, je décide d’écrire à la Ville.

Je lui propose de rédiger moi-même une résolution semblable, mais pour le peuple palestinien. On me dit que c’est possible. Je l’écris, je l’envoie, je fais savoir que certains bouts peuvent être biffés, au besoin. On accuse réception, puis… roulement de tambour… on m’informe qu’on n’y donnera pas suite parce qu’« il appert que la ville [sic] n’a aucun pouvoir dans la situation au Moyen-Orient ».

Alors vous, comment décririez-vous cette situation ? Comme de l’hypocrisie ? De la discrimination ?

Ou peut-être que ce n’est ni l’une ni l’autre. Que je suis à côté de la track, comme on dit.

Peut-être que c’est juste le manque de réflexion nécessaire pour se rendre compte qu’adopter une résolution de solidarité, observer une minute de silence, utiliser les outils à sa disposition pour dénoncer une injustice, c’est justement ça, exercer son pouvoir dans une situation.

Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : l’apathie ambiante généralisée persiste et signe.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue