Dans les derniers mois, il a été débattu de transition énergétique, de la nécessité d’investir davantage en santé, dans le transport collectif, d’itinérance et de vulnérabilité sociale, de protection de la langue française…

Toutes ces questions sont d’importance, à n’en point douter. Mais on omet ce qui les relie, on ignore l’éléphant dans la pièce : au Québec, plus d’une personne sur deux (53,2 %)⁠1 n’atteint pas le niveau 3 de littératie qui permet de fonctionner adéquatement dans la société, c’est-à-dire être capable de lire pour apprendre, comprendre et agir en toute autonomie dans cette langue qui nous distingue.

Le problème n’est pas nouveau, mais il persiste. Le gouvernement, les écoles, de nombreux organismes communautaires, de plus en plus d’entreprises s’impliquent en faveur de la réussite éducative et de l’amélioration des compétences en lecture. Cependant, les progrès sont minimes et les vents contraires sont forts. Il y a quelques jours, par exemple, on a appris qu’en juin 2023, plus du quart des élèves de 4e année avaient échoué à l’épreuve ministérielle de fin d’année en lecture. Également, des phénomènes comme la pandémie, les pénuries de main-d’œuvre et la flambée du coût de la vie favorisent une hausse du décrochage scolaire.

Or, la relation est directe. Un niveau de littératie plus élevé dans une population accroît la richesse et diminue la vulnérabilité.

Le gouvernement s’est donné pour priorité de combler l’écart de richesse qui sépare le Québec de l’Ontario. Certes, les politiques économiques et fiscales font partie de la solution. Mais à la base de cet écart de richesse se trouve un écart de diplomation de 7 % au secondaire. En 2023, le taux de diplomation au secondaire était de 89,1 % en Ontario et de 81,7 % au Québec. Les filles s’approchent de la moyenne ontarienne avec un taux de diplomation de 86,5 %. Mais les garçons sont loin, à 77,2 %.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

« La Fondation pour l’alphabétisation, appuyée par des leaders de divers horizons de la société québécoise, estime que des actions énergiques doivent être mises de l’avant pour hausser le niveau de littératie », écrit l’auteur.

L’écart de richesse est là, dans cet écart de diplomation et de littératie, qui contrecarre l’innovation en entreprise, qui limite l’investissement en modernisation, qui freine la hausse de la productivité, qui compromet l’avancement professionnel, qui accroît la vulnérabilité économique.

Une loi sur la réussite éducative

Il faut faire plus, faire mieux. Il faut des gestes forts pour enfin améliorer la situation. Bien que conscients des projets en cours pour la réussite éducative au Québec, dont la campagne pour la valorisation de la lecture lancée récemment, la Fondation pour l’alphabétisation, appuyée par des leaders de divers horizons de la société québécoise, estime que des actions énergiques doivent être mises de l’avant pour hausser le niveau de littératie.

Le Québec devrait ainsi s’inspirer de l’Ontario, de l’Alberta, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick et adopter une loi sur la réussite éducative.

Celle-ci affirmerait haut et fort que l’État doit tout mettre en œuvre pour que ses enfants réussissent à l’école, et valoriserait l’apprentissage tout au long de la vie, y compris en milieu de travail. Nous proposons également que le Québec reconnaisse le droit à la littératie comme un droit universel, semblable au droit de lire (Right to read)⁠2 qui existe en Ontario. Et nous proposons la mise sur pied d’un groupe multisectoriel d’intervention en faveur de la littératie.

La Fondation pour l’alphabétisation et ses cosignataires proposent surtout que l’enjeu capital et central du développement de la littératie soit porté de façon concertée par tous les partis à l’Assemblée nationale. Il ne peut y avoir objectif plus rassembleur que celui de mieux lire pour mieux apprendre.

*Cosignataires : Andrée Mayer-Périard, présidente, Réseau québécois pour la réussite éducative ; Antoine Aylwin, associé, Fasken Martineau DuMoulin ; Christian Corbeil, directeur général, Option consommateurs ; Edouard Staco, président, Fonds 1804 pour la persévérance scolaire ; Égide Royer, psychologue, membre émérite de l’Ordre de l’excellence en éducation du Québec ; Éric Simard, président, Association des libraires du Québec ; Fred-William Mireault, président, Force Jeunesse ; Jean-François Fortin, président, Association des bibliothèques publiques du Québec ; John Parisella, conseiller spécial, cabinet de relations publiques NATIONAL ; Karl Blackburn, président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec ; Line Laplante, professeure titulaire, Chaire sur les apprentissages fondamentaux en littératie, UQAM ; Lise Ouellet, présidente, Lire et Faire lire ; Louis Fortin, président, Actualisation IDH inc. ; Madeleine Martins, directrice générale, Skema école de gestion Canada ; Mathieu Labine-Daigneault, président-directeur général, Association des orthopédagogues du Québec ; Michel Rochette, président – Québec, Conseil canadien du commerce de détail ; Monique Cormier, professeure associée, département de linguistique et de traduction, Université de Montréal ; Nathalie Lacelle, professeure titulaire, responsable de l’Équipe de recherche en littératie médiatique multimodale, UQAM ; Pierre Langlois, économiste ; Salomé Corbo, comédienne et chroniqueuse

1. Consultez un document de l’Institut de la statistique du Québec 2. Consultez le document Right to read (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue