John Parisella propose un pas de recul sur l’actualité aux États-Unis afin de mieux comprendre les enjeux qui émergent dans la course pour la Maison-Blanche

À six mois de l’élection présidentielle, les plus récents sondages indiquent que le président Biden tire de l’arrière devant son rival républicain – Donald Trump. CNN donne une avance de six points (49 % – 43 %) à Trump1, tandis qu’ABC donne une mince avance de deux points à ce dernier (46 % – 44 %)2. Chose certaine, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.

En effet, les jeux pour novembre prochain sont loin d’être faits. Dans les médias, les nombreuses manifestations propalestiniennes sur les campus universitaires dominent la couverture depuis des jours. Il ne faut pas oublier que l’ancien président Trump a son premier de quatre procès criminels devant un tribunal à New York pour avoir utilisé des moyens fiscaux frauduleux afin d’acheter le silence d’une actrice pornographique en vue de l’élection présidentielle de 2016. Trump a l’obligation d’être présent à la procédure, comme on peut le voir chaque jour dans les médias.

Un climat politique perturbé

Malgré une économie généralement performante sur le plan de la croissance, et le bas taux de chômage (3,9 %), l’administration Biden ne réussit pas à créer un climat de confiance et d’optimisme. Le sondage ABC indique un taux d’approbation de seulement 35 %. Par ailleurs, 43 % des Américains disent que leur sort économique s’est même détérioré sous Biden.

Dans ce contexte, la crise actuelle sur les campus s’ajoute à la morosité de l’électorat. On ressent de l’inconfort dans le parti de Biden, où des éléments parmi les plus progressistes critiquent maintenant l’appui total qu’a offert le président à Israël au début du conflit. Cela affecte ses appuis dans certains États clés, dont le Michigan et la Pennsylvanie, où vivent des dizaines de milliers de musulmans, et où Trump mène actuellement.

PHOTO MATT ROURKE, ASSOCIATED PRESS

L’ancien président des États-Unis, Donald Trump, lors d’un évènement partisan à Wildwood, au New Jersey, samedi

Les affrontements entre les manifestants et les policiers illustrent aussi, pour certains, un manque de respect de la loi et de l’ordre, ce que Trump commence déjà à exploiter dans les quelques assemblées qu’il peut tenir quand il n’est pas au tribunal. Il a d’ailleurs récemment salué le travail des policiers de New York et leur intervention à l’Université Columbia.

On ressent aussi chez l’électorat de 18 à 34 ans un mécontentement envers l’administration Biden, au profit de Trump. Dans cette tranche d’âge de la population, Trump mène par 11 points sur Biden dans le sondage de CNN.

La question des candidats tiers se fait également sentir. Le plus notable parmi eux, Robert F. Kennedy Jr., a des appuis de l’ordre de 12 %, selon ABC.

À ce jour, il est difficile de déterminer si la candidature de M. Kennedy affecte davantage celle de Biden ou de Trump. Mais le nom « Kennedy » continue assurément d’avoir plus de résonance chez l’électeur démocrate que chez le républicain. Si M. Kennedy, en tant que candidat indépendant, parvient à s’inscrire dans des États clés qui pourraient être décisifs, cela pourrait avoir des conséquences sur la réélection du président Biden.

PHOTO EDUARDO MUNOZ, ARCHIVES REUTERS

Le candidat présidentiel indépendant Robert F. Kennedy Jr., le 1er mai dernier à New York

L’économie est généralement reconnue comme le facteur le plus déterminant pour l’électeur. Or, cette année, les guerres à Gaza et en Ukraine, ainsi que les conflits internationaux comme celui sur l’avenir de Taïwan, pourraient avoir plus d’impact dès l’automne. Les récentes querelles au Congrès concernant l’appui américain à l’Ukraine pourraient aussi refaire surface durant la campagne électorale.

Au sein de la population, le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza provoque déjà des surprises et perturbe la saison de la collation des grades dans les universités. Imaginez si ce climat se maintient jusqu’au début des cours en septembre !

Changer la situation

Très souvent dans sa carrière, Biden a été sous-estimé pour ensuite mieux déjouer les calculs de ses adversaires et les pronostics des observateurs. Malgré les difficultés auxquelles il fait face, il reste que l’actuel président a de l’expérience et sait comment faire face à de nombreux défis. Les sondages montrent d’ailleurs que de nombreux électeurs reconnaissent sa force de caractère.

Au-delà des sondages actuels, Biden a un bilan respectable et son défi est de le faire connaître davantage, puis de comparer celui-ci avec celui de son principal adversaire. Il doit aussi motiver sa base électorale. Ce n’est pas de bon augure pour lui et son parti de voir ses appuis reculer chez les électeurs noirs, les Hispaniques et les jeunes.

Le Parti démocrate semble avoir des avantages sur le Parti républicain du côté de la cueillette de fonds. La formation du président doit toutefois agir davantage pour contrer, au moins en partie, le manque d’enthousiasme des électeurs et la désinformation.

Il faut noter que son adversaire Donald Trump reste toujours vulnérable. La majorité des sondages indiquent que la base de Trump lui restera fidèle, peu importe ce qui arrivera. Mais il reste une portion de républicains insatisfaits de l’ancien président et il est clair que l’appui des électeurs indépendants est beaucoup plus volatil. Plus encore, les déboires de Trump devant les tribunaux vont demeurer un fardeau pour lui jusqu’à l’élection.

Pour le reste, les enjeux de la démocratie et de l’avortement vont certainement prendre plus de place durant la campagne. Le fait que Trump refuse de se commettre à accepter les résultats d’une défaite ne l’aide pas. Dans les prochaines semaines et les prochains mois, il faudra aussi voir quel sera son choix de colistier à la vice-présidence.

Peu importe le scénario, l’équipe Biden doit dès maintenant reprendre l’offensive pour renverser la vapeur.

1. Consultez les résultats du sondage de CNN (en anglais) 2. Consultez les résultats du sondage d’ABC (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue