Le Québec doit se doter d’une loi-cadre pour les écoles comme il l’a fait pour les cégeps et les universités

La semaine dernière, le Centre d’études sur l’apprentissage et la performance (CEAP) de l’Université Concordia lançait la campagne « On s’écoute ». Ce projet d’envergure vise une chose : combattre les violences à caractère sexuel dans les universités et les cégeps, notamment par l’entremise de l’éducation au consentement. Pour ce faire, un site web regroupant une carte de ressources interactive pour les victimes, une formation filmée et des vidéos de sensibilisation a été lancé⁠1.

Cette initiative est appuyée par le ministère de l’Enseignement supérieur et découle d’une loi qui a transformé la société québécoise. En effet, en 2017, dans la foulée du mouvement #moiaussi, la pression de la société civile a amené l’Assemblée nationale du Québec à adopter à l’unanimité une loi-cadre visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les cégeps et les universités.

Cette mesure a obligé tous les établissements d’enseignement supérieur à adopter une politique pour prévenir et combattre ces violences.

Nous arrivons au constat que cette loi a fait ses preuves même si on peut faire mieux. Un changement de culture est en train de se réaliser.

Il faut souligner qu’entre 2020-2021 et 2021-2022, on observe une augmentation de 60 % des plaintes pour violences à caractère sexuel dans le milieu de l’enseignement supérieur.

Aujourd’hui, nous désirons porter notre regard vers les écoles primaires et secondaires. Ce secteur nous semble délaissé et il est de notre devoir d’agir.

Le collectif La voix des jeunes compte a pris la parole maintes fois dans l’espace public pour dénoncer les situations d’agressions sexuelles qui existent dans nos écoles depuis trop longtemps. Les jeunes de ce collectif ont déployé des efforts considérables pour conscientiser le grand public à cet enjeu. Les paroles se délient, mais le statu quo persiste. La situation nous inquiète.

Ne pas oublier les plus jeunes

Alors que le gouvernement protège les personnes étudiantes aux études supérieures, les élèves plus jeunes sont délaissés. Nous sommes tous et toutes horrifiés et choqués par les histoires de violences sexuelles concernant des mineures et mineurs dans les écoles qui font très régulièrement les manchettes. L’école devrait être un lieu sûr.

Après avoir exigé une enquête sur les violences à caractère sexuel en milieu scolaire en mai dernier, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a déposé le projet de loi 47 visant à renforcer la protection des élèves. Bien que certaines de ses dispositions constituent des avancées, ce projet de loi ne va pas assez loin.

Les derniers chiffres du ministère de la Sécurité publique soulignent que 62 % des victimes de violences à caractère sexuel au Québec sont mineures et que les filles sont de trois à cinq fois plus nombreuses à être victimes d’agression sexuelle que les garçons.

Pour freiner ces abus, il faut répliquer le modèle de la loi-cadre visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les cégeps et les universités au sein du secteur éducatif primaire et secondaire. Doit-on rappeler que le projet de loi 397 qui vise à implanter une loi similaire aux écoles préscolaires, primaires et secondaires, incluant la formation générale des adultes et la formation professionnelle, a été déposé à l’Assemblée nationale il y a un an par Ruba Ghazal, députée de Québec solidaire, et appuyé par tous les partis de l’opposition ?

Une loi-cadre permettrait de prévenir les agressions en obligeant les écoles à adopter une politique spécifique pour lutter contre les violences sexuelles, notamment par de la formation, des règles entourant les activités sociales, en établissant un processus de plainte, de références et de soutien. Le tout doit venir avec des ressources financières suffisantes pour accompagner les victimes. Une campagne de sensibilisation comme On s’écoute visant les élèves du primaire et du secondaire devrait être lancée. Tant que le gouvernement tardera à agir, des victimes continueront à souffrir dans le silence.

Nous devons miser sur la prévention, qui s’impose comme l’une des solutions au problème.

Il est temps que la prise de conscience qui a guidé le gouvernement en 2017 pour lutter et prévenir les violences à caractère sexuel dans les cégeps et universités guide le gouvernement pour protéger les élèves mineurs qui sont les plus vulnérables. Il faut élargir la loi-cadre pour qu’elle s’applique à toutes les écoles du Québec.

Après tout, les jeunes méritent d’être protégés. Car ils et elles sont l’avenir.

*Cosignataires : Laurence Malette-Léonard, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec, et Samy-Jane Tremblay, représentante du projet On s’écoute

1. Consultez le site de la campagne On s’écoute Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue