Le 21 mars 1960, à Sharpeville en Afrique du Sud, la police a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d’une manifestation pacifique contre l’apartheid.

L’actualité des derniers jours vient nous rappeler de manière brutale que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir dans la lutte contre le racisme. Et ce 21 mars, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, est un de ces moments pour qu’ensemble nous regardions les jalons à poser afin de faire de l’égalité et de l’inclusion une réalité pour l’ensemble des citoyens.

Non. Ces lignes ne seront pas consacrées à ce comédien démasqué à la suite d’une publication offensante sur les réseaux sociaux. Car il n’est, à travers ce geste qu’on aurait tort de banaliser, qu’un élément symptomatique de l’insouciance, voire du mépris de l’autre dans ses blessures.

Devrait-on célébrer ou commémorer la journée du 21 mars ? Voilà la question à laquelle l’ensemble de la société doit répondre. Parce que le racisme ne concerne pas que les victimes.

Encore la semaine dernière, nous apprenions dans les colonnes du journal La Presse, sous la plume du journaliste Vincent Larin⁠1, les chiffres effarants autour de l’augmentation des crimes haineux au Canada. « Les corps policiers au Canada ont ainsi rapporté 3576 crimes haineux en 2022, soit une augmentation de 7 % par rapport à l’année précédente lorsque 3355 méfaits de ce genre avaient été enregistrés. »

Cette augmentation des crimes haineux en 2022, poursuit le journaliste, « s’explique en bonne partie par une hausse marquée dans deux catégories précises, soit les crimes visant la race ou une origine ethnique (+ 12 % pour 1950 affaires), particulièrement les Noirs (+ 28 % pour une hausse de 182 affaires) qui représentent plus de la moitié des personnes ciblées, et ceux visant l’orientation sexuelle (+ 12 % pour 491 affaires) ».

Quand le racisme antinoir, l’antisémitisme et l’islamophobie continuent de faire des victimes quotidiennement au Canada et au Québec, nos élus et l’ensemble des institutions de la société doivent agir.

Profilage racial

Au Québec, tout en reconnaissant certaines avancées dans la lutte contre le racisme, nous devons aller plus loin pour faire du Québec un État modèle. En ce sens, nous déplorons le choix du gouvernement du Québec d’en appeler du jugement Yergeau sur les interceptions aléatoires des automobilistes, source de profilage racial.

Le Sommet Afro, comme de nombreux organismes voués à la défense des droits, avait salué ce jugement comme un nouveau jalon qui devrait permettre au législateur de mettre en place des lois justes pour tout le monde dans leur interprétation et leur application.

Le profilage racial est une pratique discriminatoire. Ses conséquences multiples sur les victimes sont connues et documentées. Le profilage racial tue le sentiment d’appartenance à la société.

Il crée davantage le sentiment d’exclusion. Toute loi qui ouvre la porte à cette pratique doit être considérée comme une loi injuste et discriminatoire.

« Le profilage racial existe bel et bien. C’est une réalité qui pèse de tout son poids sur les collectivités noires », avait déclaré le juge Michel Yergeau. Le plus tôt ce poids disparaîtra de notre dos, mieux le Québec se portera.

Aujourd’hui, en 2024, doit-on célébrer ou commémorer cette journée internationale ?

* Cosignataires : Alix Adrien, directeur général du Conseil des éducateurs noirs du Québec ; Frantz Benjamin, député de Viau ; Guedwig Bernier, citoyen engagé ; Sheila Fortuné, directrice générale de la Maison des jeunes L’Ouverture ; Henriette Kandula, directrice générale de Chantier d’Afrique du Canada (CHAFRIC) ; Ruth Pierre-Paul, directrice générale du Bureau de la communauté haïtienne de Montréal (BCHM) ; Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti

1. Lisez « Canada – Les crimes haineux encore en hausse en 2022 » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue