Le nombre de crimes haineux a continué d’augmenter en 2022 à l’échelle du pays tout en enregistrant une légère baisse au Québec, où ces délits restent beaucoup moins courants qu’en Ontario. Mais gare aux conclusions hâtives.

Une flambée depuis 2019

Les corps policiers au Canada ont ainsi rapporté 3576 crimes haineux en 2022, soit une augmentation de 7 % par rapport à l’année précédente lorsque 3355 méfaits de ce genre avaient été enregistrés, selon des chiffres publiés par Statistique Canada mercredi. Cette augmentation s’inscrit dans une flambée de 83 % du nombre de crimes haineux signalés aux corps policiers entre 2019 et 2022, alors que le taux de criminalité globale a diminué de 5 % au pays. Si des tensions en lien avec certaines questions d’actualité et la pandémie peuvent expliquer ce phénomène, la sensibilisation des communautés visées à l’importance de porter plainte y est aussi pour beaucoup, estime le directeur scientifique et stratégique du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, Louis Audet Gosselin.

Qu’est-ce qu’un crime haineux ?

Les crimes haineux ciblent des parties intégrales ou visibles de l’identité d’une personne comme la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique, indique Statistique Canada sur son site internet. Les données présentées mercredi sont tirées du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC), un recensement de toutes les affaires criminelles connues des services de police au Canada. Ces crimes doivent donc d’abord être déclarés à la police, ce qui dépend de nombreux facteurs, dont la sensibilisation de la collectivité où ils se produisent. « Les actes haineux sont très liés à l’actualité. Quand un débat touche une communauté spécifique, on va voir une augmentation », note Louis Audet Gosselin.

L’origine ethnique et l’orientation sexuelle visées

L’augmentation du nombre de crimes haineux observée en 2022 s’explique en bonne partie par une hausse marquée dans deux catégories plus précises, soit les crimes visant la race ou une origine ethnique (+12 % pour 1950 affaires), particulièrement les Noirs (+28 % pour une hausse de 182 affaires) qui représente plus de la moitié des personnes ciblées, et ceux visant l’orientation sexuelle (+12 % pour 491 affaires).

La religion moins visée

Après un sommet en 2021, une diminution de 15 % a été remarquée en 2022 du côté des crimes haineux visant une religion au Canada, bien que leur nombre demeure supérieur à ceux enregistrés durant la période allant de 2018 à 2020. Ces chiffres excluent les crimes haineux liés au conflit entre le Hamas et Israël, dont le déclenchement, en octobre 2023, a eu pour effet d’attiser les tensions un peu partout sur la planète, y compris à Montréal. « Quand on va voir les chiffres pour octobre [2023], on va voir une hausse significative du nombre d’actes haineux islamophobes et antisémites », prédit Louis Audet Gosselin.

Le Québec en queue de peloton

Toutes proportions gardées, le Québec se situe en queue de peloton parmi les provinces canadiennes pour ce qui est du nombre de crimes haineux qui y sont enregistrés avec 5,1 affaires par tranche de 100 000 habitants. Seuls le Manitoba (3,9 affaires) et Terre-Neuve-et-Labrador (3 affaires) font mieux. À l’autre extrémité du spectre, l’Ontario (12,7 affaires), la Nouvelle-Écosse (11,1 affaires) et la Colombie-Britannique (10,2 affaires) présentent tous un pire bilan que la moyenne canadienne (9,2 affaires). Ces variations régionales n’indiquent pas nécessairement « qu’une province est plus haineuse qu’une autre », estime Louis Audet Gosselin, mais plutôt que la sensibilisation de certaines communautés à la réalité des crimes haineux peut y être plus ou moins forte.

Des hommes et des garçons visés

Une majorité des 5946 victimes visées par des crimes haineux entre 2018 et 2022 sont de sexe masculin (63 %), une proportion qui augmente même pour les catégories des crimes haineux ciblant l’orientation sexuelle (73 %). Comme dans le cas des crimes en général, souligne Statistique Canada, les auteurs présumés de crimes haineux ont tendance à être des jeunes hommes ou garçons (86 %) dont l’âge médian s’établissait à 33 ans.

Une majorité de crimes sans violence

Même s’ils sont tous deux en hausse, la proportion des crimes haineux violents (46 %) et des crimes haineux sans violence (54 %) déclarés en 2022 était comparable à celle des années précédentes, indique Statistique Canada. Un phénomène qui peut contribuer au fait qu’à peine 29 % de ces méfaits sont résolus par les corps policiers, comparativement à 34 % pour l’ensemble des autres affaires criminelles, explique Louis Audet Gosselin. « Ce ne sont pas tous les crimes qui sont très violents et qui peuvent mener à des condamnations, ce qui a tendance à causer beaucoup de frustration chez les communautés visées parce que ce n’est pas la gravité de l’acte qui est le plus dommageable, mais son impact sur la communauté. »