(New York) Aux abords du hall principal de la gare de Grand Central Terminal, deux soldats de la Garde nationale font le guet, surveillant les allées et venues des passagers des trains de banlieue et du métro de New York.

Ils font partie des 750 membres de la Garde nationale de New York et des 250 policiers de la Metropolitan Transportation Authority (MTA) dont la gouverneure de l’État, Kathy Hochul, a annoncé le déploiement, mercredi dernier, en réponse à la criminalité dans le métro de New York.

Non loin d’eux, Larry Chiagouris approuve leur présence, en ce deuxième lundi de mars.

« La première responsabilité du gouvernement est d’assurer la sécurité de sa population », dit ce professeur de marketing bien connu dans son domaine à New York. « Et tant que nous ne saurons pas que nous pouvons être en sécurité sans la présence de la Garde nationale, nous n’aurons pas le choix. »

J’espère qu’un jour nous n’en aurons plus besoin, mais aujourd’hui nous en avons besoin.

Larry Chiagouris

Asavari Narkar, agente immobilière du Connecticut, est du même avis.

« Cela apporte la tranquillité d’esprit », dit-elle, après s’être entretenue avec les soldats. « Personnellement, je ne me sens pas inquiète quand je prends le métro de New York. Mais je connais des gens du Connecticut qui l’évitent parce qu’ils ont peur. »

N’empêche, ce déploiement surprise est loin de faire l’unanimité.

« Sur quoi écris-tu ? », demande un agent d’entretien de la MTA en voyant le représentant de La Presse avec son calepin dans la station de métro de Grand Central. « La militarisation du métro par notre gouverneure ? »

« C’est un Band-Aid », tranche Shampree Scott, après avoir obtenu la réponse et dévoilé son identité. « Ce dont nous avons besoin, c’est de revenir sur la désinstitutionnalisation et de fournir des logements aux sans-abri. Le métro est devenu l’endroit où vivent les personnes qui n’ont pas de toit, qui ont des problèmes de dépendance ou de santé mentale. La Garde nationale ne peut rien contre ça. »

Changer les perceptions

Les critiques de la gouverneure de l’État de New York lui reprochent aussi d’avoir implicitement accepté le discours des républicains, qui dépeignent New York comme une autre ville démocrate abandonnée aux criminels. Ils mettent le déploiement militaire et policier sur le compte de l’échéance électorale de novembre, qui mettra en jeu des sièges de la Chambre des représentants perdus par les démocrates dans la banlieue de New York en 2022.

« Je ne suis pas ici aujourd’hui pour vous parler de chiffres et vous présenter des statistiques sur ce qui augmente et ce qui diminue. Je suis ici pour passer à l’action », a déclaré Kathy Hochul, en précisant que les militaires et les policiers déployés auront notamment pour mission de fouiller les sacs d’un certain nombre des quelque 2,5 millions d’usagers quotidiens du métro de New York.

PHOTO EDUARDO MUÑOZ, ARCHIVES REUTERS

Des policiers de New York fouillant des sacs à l’entrée d’une station de métro, le 7 mars

Le lendemain matin, à MSNBC, elle a reconnu que ce déploiement visait surtout à changer les perceptions.

« Si vous vous sentez mieux en passant devant une personne en uniforme pour vous assurer que quelqu’un n’apporte pas un couteau ou un pistolet dans le métro, alors c’est exactement la raison pour laquelle je l’ai fait. »

Je veux changer la psychologie qui entoure la criminalité à New York, car nous sommes la grande ville la plus sûre d’Amérique.

La gouverneure Kathy Hochul, dans une entrevue à MSNBC

La contradiction n’a échappé à personne. Dans une certaine mesure, elle est reflétée par les statistiques dont la gouverneure ne veut pas parler. Selon une analyse du New York Times, « à la mi-2022, il y avait environ un crime violent pour un million de trajets dans le métro. Depuis, le taux de criminalité global a baissé et le nombre de passagers a augmenté, ce qui rend la probabilité d’être victime d’un crime violent encore plus faible. L’année dernière, la criminalité globale dans le système de transport en commun a diminué de près de 3 % par rapport à 2022, alors que le nombre d’usagers quotidiens a augmenté de 14 % ».

PHOTO KENA BETANCUR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Soldats montant la garde à Penn Station, l’une des plus importantes stations du métro de New York

Cependant, cette tendance à la baisse s’est inversée légèrement depuis le début d’une année marquée par certains crimes sensationnels, dont la mort par balle d’un grand-père dans un train roulant à Brooklyn et celle d’un homme de 35 ans dans une fusillade sur un quai du Bronx. Des attaques contre deux chefs de train et une autre contre un musicien ont également fait les manchettes.

Lors de son annonce, la gouverneure Hochul a également promis d’augmenter le nombre d’équipes chargées d’aider les personnes souffrant de maladie mentale au sein du métro new-yorkais.

« D’autres personnes dont se méfier »

Lundi matin, à l’intérieur de Grand Central Station et de Penn Station, deux des plus importantes stations du métro de New York, les policiers de la MTA étaient beaucoup plus nombreux à faire le guet que les membres de la Garde nationale. Mais aucun d’entre eux ne se livrait à des fouilles de sacs.

Cela n’a pas empêché Eunique Mack de se plaindre d’avoir été approché par un policier qui lui a demandé de lui montrer une pièce d’identité dans le corridor menant de la ligne bleue à la ligne rouge dans Penn Station.

« Je lui ai dit qu’il n’avait aucune raison de me demander de donner mon identité, car je n’avais commis aucun crime », a dit ce musicien, entre deux chansons soul interprétées a capella.

Ce que je crains, c’est le harcèlement policier qui suivra le déploiement demandé par la gouverneure.

Eunique Mack

Ashley Cain, également issue de la communauté noire de New York, a évoqué la même crainte.

« Pour les gens qui viennent à New York et qui ont peur du métro, ça les rendra plus l’aise », a dit cette gérante d’un restaurant, en faisant allusion au déploiement militaire et policier demandé par la gouverneure Hochul. « Mais pour les gens de New York, ça ne change rien. Nous savons comment naviguer dans le système et nous comprenons notre relation avec les gens en uniforme. Ce sont d’autres personnes dont nous devons nous méfier. »