Les enfants de demandeurs d’asile auront accès aux garderies subventionnées d’ici la décision de la Cour suprême. La Cour d’appel a rejeté jeudi la demande de Québec qui voulait leur refuser l’accès en attendant que le plus haut tribunal du pays tranche.

Le jugement rend « admissible au paiement de la contribution réduite le parent qui réside au Québec aux fins d’une demande d’asile et qui détient un permis de travail ».

Québec demandait à la Cour d’appel de suspendre l’exécution de son jugement du 7 février, qui donne accès aux garderies subventionnées aux demandeurs d’asile, en attendant que la cause soit portée en appel devant la Cour suprême du Canada.

Le jugement de la Cour d’appel n’oblige toutefois pas le gouvernement à débourser immédiatement les sommes additionnelles pour créer 4663 places additionnelles pour les demandeurs d’asile.

« De toute évidence, les chiffres fournis par [le gouvernement] démontrent que le système a du retard à rattraper et la preuve ne permet pas de croire que ce retard serait comblé avant que la Cour suprême ne se prononce sur cette affaire », peut-on lire dans le jugement.

Une mesure discriminatoire, dit la Cour d’appel

Le 7 février, la Cour d’appel a conclu que l’exclusion par le gouvernement des demandeurs d’asile du programme d’accès aux services de garde subventionnés constituait une mesure discriminatoire à l’égard des femmes et portait atteinte au droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Cette décision de la cour a reconnu aux demandeurs d’asile le droit d’envoyer leurs enfants dans des garderies à 9,10 $ par jour.

Dans sa requête, Québec a demandé à la Cour d’appel de suspendre l’application de son jugement parce que celui-ci a pour effet « de modifier le statu quo et d’imposer une solution au gouvernement du Québec alors que les tribunaux ne se sont pas encore prononcés de façon définitive sur les questions posées par la présente affaire ». La Cour d’appel s’y est opposée.

« On est très contents. On est très satisfaits du jugement », dit l’avocate qui représente les demandeurs d’asile, MSibel Ataogul. Si la cause se rend en Cour suprême, dit-elle, elle est prête à « se battre jusqu’au bout ».

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

MSibel Ataogul

Sur le plan juridique, je comprends, mais sur le plan humain, j’ai de la difficulté à croire qu’on est rendus là.

MSibel Ataogul, avocate représentant les demandeurs d’asile

Une pression « importante » sur le réseau

Québec avance que « l’ajout soudain d’un nombre important d’enfants dans le réseau accentue de façon importante la pression sur [le] régime ». Selon le ministère de la Famille, 32 113 enfants étaient en attente d’une place en centre de la petite enfance, en garderie subventionnée ou non subventionnée ou auprès d’un service de garde éducatif en milieu familial en date du 30 septembre 2023.

En novembre 2023, il y avait 8345 enfants, âgés de 0 à 4 ans, demandeurs d’asile accueillis au Québec, dont 6676 étaient susceptibles de profiter d’une place en service de garde éducatif à l’enfance, selon les données du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

En 2018, le gouvernement Couillard a réinterprété l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, qui indique qu’une personne est admissible aux garderies subventionnées si elle « séjourne au Québec principalement afin d’y travailler ».

Selon la nouvelle interprétation, puisqu’un demandeur d’asile n’est pas au Québec « principalement » pour y travailler, mais plutôt pour y trouver refuge, il n’est donc pas admissible. Des familles de demandeurs d’asile ont ainsi été exclues des garderies à tarif réduit.

« Je ne comprends pas pourquoi ce gouvernement s’entête à discriminer les femmes ! Je demande à la CAQ de renoncer tout de suite à l’appel devant la Cour suprême », a déclaré le solidaire Guillaume Cliche-Rivard, responsable des dossiers Immigration et Famille. Il demande que la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, s’assure que la consigne soit respectée au sein de l’ensemble du réseau : « Les enfants des demandeurs d’asile ont droit à l’éducation à la petite enfance. »

Avec Hugo Pilon-Larose et Suzanne Colpron, La Presse