(Montréal) Les mineurs souhaitant changer la mention de leur genre sur leur acte de naissance doivent fournir une lettre d’un professionnel de la santé approuvant leur démarche, a tranché la Cour d’appel du Québec.

Ce qu’il faut savoir

Les mineurs qui souhaitent changer la mention de leur genre sur leurs documents civils devront continuer de fournir une lettre d’un professionnel de la santé.

La Cour d’appel fait tout de même valoir que le Québec fait partie « des provinces les plus permissives au pays » en la matière.

La décision met fin à une saga judiciaire qui a débuté il y a 10 ans.

Le jugement, remis jeudi avant-midi, donne raison au Procureur général du Québec, mettant ainsi fin à une saga judiciaire qui a débuté il y a 10 ans.

En 2021, la Cour supérieure du Québec avait invalidé l’obligation pour un mineur de 14 ans et plus souhaitant changer la « mention du sexe » sur son acte de naissance de fournir une lettre d’attestation d’un professionnel de la santé.

L’exigence était contestée par des organismes de défense des droits des personnes transgenres et non binaires, qui ont déposé leur poursuite en 2014.

Notons que le changement n’a jamais eu lieu, le processus d’appel suspendant son application.

Dans sa décision, le juge Gregory Moore faisait valoir que « seule la personne visée par la demande est en mesure d’affirmer ou de confirmer son identité de genre ».

Or, le règlement actuel « confie ce pouvoir au professionnel de la santé qui, bien souvent, n’aura qu’une connaissance superficielle de cette personne ».

Un argument rejeté par la Cour d’appel.

La tâche du professionnel, souligne-t-elle, n’est pas de déterminer si le changement de la mention du sexe est approprié, mais s’il répond aux conditions énumérées dans le règlement, soit :

  • La mention du sexe correspond le mieux à l’identité de genre du demandeur
  • Le demandeur assume et a l’intention de continuer à assumer cette identité de genre
  • Il comprend le sérieux de sa démarche
  • Il fait cette démarche de façon volontaire et son consentement est libre et éclairé

« Bien que circonscrit, le rôle du professionnel demeure important en ce qu’il atteste du sérieux de la demande », souligne le jugement.

Une exigence pas « déraisonnable »

Le jugement de première instance évoquait également les « difficultés pratiques et administratives » auxquelles est confronté un mineur tentant d’obtenir une telle lettre, notamment en région.

Par ailleurs, il notait que l’exigence de fournir une lettre d’un professionnel n’était pas appliquée aux personnes majeures.

Cela ne signifie pas que « cette exigence est pour autant déraisonnable en ce qui concerne les personnes mineures », argue la Cour d’appel. « D’ailleurs, il y a dans notre société de nombreuses situations où le traitement réservé à la personne mineure diffère de celui accordé à la personne majeure », fait-elle valoir.

Les juges Geneviève Marcotte, Marie-Josée Hogue et Stephen W. Hamilton, qui signent le jugement, concèdent qu’il peut être « plus difficile, en région, de trouver un professionnel avec une connaissance suffisante de la réalité transgenre ou non binaire ».

Ils notent toutefois que la liste de professionnels désignés inclut non seulement les médecins et les psychiatres, mais aussi les travailleurs sociaux, les sexologues et les psychologues.

La décision souligne au passage que « le Québec fait partie des provinces les plus permissives au pays ».

« Plusieurs provinces et territoires exigent, en effet, que toute personne mineure qui requiert le changement de la mention du sexe fournisse une lettre d’un (comme le Québec) ou même de deux professionnels. Certains imposent même cette exigence aux personnes majeures », lit-on.

Le droit de ne pas aviser les parents

Les mineurs devraient-ils avoir le droit de ne pas aviser leurs parents de leur changement de nom ? C’est l’autre question sur laquelle était appelée à pencher la Cour d’appel.

Le juge Gregory Moore concluait que le droit d’un parent de s’opposer à la demande de changement de nom de son enfant n’était « pas discriminatoire ».

Une interprétation contestée par les plaignants, sur laquelle la Cour d’appel leur a donné raison.

Selon elle, l’article n’oblige pas les mineurs à aviser leurs parents lorsqu’ils demandent un changement de prénom pour correspondre à leur identité de genre et n’octroie pas aux parents de droit de s’y opposer, puisqu’il s’agit d’un « motif impérieux ».

« Certes, le changement d’un ou de plusieurs prénoms n’est pas un soin de santé, mais la preuve démontre que l’obligation de porter un ou des prénoms qui ne correspondent pas à notre identité de genre peut entraîner de nombreuses difficultés dont peuvent découler des problèmes de santé physique et mentale », indique le jugement.

« Il serait donc incongru que le législateur reconnaisse au mineur de 14 ans et plus le droit de consentir à recevoir des soins de santé, mais qu’il ne lui reconnaisse pas l’autonomie nécessaire pour modifier une situation qui peut constituer une menace à sa santé », conclut-il.