Un promoteur immobilier accusé d’avoir embauché deux hommes pour faire assassiner un avocat de Desjardins réclame 200 000 $ en diffamation à la victime présumée pour avoir sali sa réputation. Une « odieuse » tentative d’intimidation de Jean-François Malo avant son procès criminel, réplique le juriste blessé par balle pendant l’attentat.

Le procès de Jean-François Malo bat son plein pour la deuxième semaine au palais de justice de Longueuil. Des dizaines de témoins sont attendus. L’homme d’affaires de Joliette est accusé d’avoir tenté de tuer Nicholas Daudelin en mars 2020. Selon la Couronne, il a commandé l’assassinat à deux complices.

Maintenant juge de la Cour du Québec, Nicholas Daudelin représentait le Mouvement Desjardins dans des litiges de plusieurs millions de dollars contre Jean-François Malo à l’époque. Le jeune avocat a reçu une balle dans une jambe lorsque Daouda Dieng et Cheikh Ahmed Tidiane Ndiaye ont ouvert le feu sur sa résidence.

Dénonçant les propos « hautement virulents et diffamatoires » de Nicholas Daudelin et la couverture médiatique « démesurée » à son égard, Jean-François Malo a poursuivi en diffamation Nicholas Daudelin, Le Journal de Montréal et Droit-inc pour 200 000 $ en mai 2023. Les trois défendeurs tentent depuis de faire rejeter cette poursuite pour abus de procédure.

Pendant les observations sur la peine de MM. Dieng et Ndiaye – condamnés à 9 et 10 ans de prison et en appel du verdict – Nicholas Daudelin a relaté à la cour s’être fait offrir de « changer de vie » par la Sûreté du Québec, puisque sa vie était en danger. Il a raconté s’être terré pendant des mois dans des « planques » du Programme de protection des témoins. Il a mentionné que des proches avaient reçu des appels de menaces. Nicholas Daudelin a tenu des propos similaires en entrevue avec Droit-inc.

Dans sa requête, Jean-François Malo accuse Nicholas Daudelin de « tente[r] par tous les moyens de salir le demandeur en l’associant faussement à des menaces ». Le camp Malo avance que M. Daudelin savait très bien que la relocalisation n’avait « rien à voir » avec l’agression dont il a été victime.

« Le défendeur Daudelin utilise son statut de membre du Barreau afin que ses propos diffamatoires soient accueillis avec plus de sérieux », allègue M. Malo dans sa requête.

Jean-François Malo affirme que ces propos, de même que la couverture médiatique « démesurée », l’ont « à toutes fins pratiques détruit ». Depuis, le monde des affaires a coupé tout contact avec lui, déplore-t-il. Il a aussi eu des problèmes familiaux.

« Tentative d’intimidation »

Cette poursuite est une « tentative d’intimidation » visant la victime présumée « d’un crime odieux », réplique le camp Daudelin dans une requête en rejet pour abus de procédure. Nicholas Daudelin et les deux médias demandent au juge Daniel Urbas de rejeter la poursuite, sans la tenue d’un procès. La décision est en délibéré.

« D’emblée, soulignons le caractère outrageant de la Demande : Malo, actuellement accusé d’avoir tenté d’assassiner MDaudelin et d’avoir voulu l’intimider dans le cadre de ses fonctions d’officier de justice, le poursuit maintenant devant les tribunaux civils », affirme-t-on dans la requête.

Selon le camp Daudelin, les tribunaux civils doivent envoyer un « message clair aux personnes accusées de crimes odieux » qu’il ne faut pas utiliser les tribunaux pour contourner des conditions de remise en liberté. Il était en effet interdit à M. Malo de communiquer avec le plaignant.

« Une pareille instrumentalisation de l’appareil judiciaire par un accusé, en attente de son procès, afin d’intimider sa victime présumée, ne peut être tolérée et doit être sévèrement sanctionnée », insistent les avocats de Nicholas Daudelin du cabinet Sarrazin Plourde.

D’autre part, la poursuite en diffamation vise essentiellement le témoignage de MDaudelin devant la Cour du Québec, relève le camp Daudelin. Or, les témoins bénéficient d’une immunité pour leur témoignage effectué de bonne foi, souligne-t-on. Et de toute manière, il n’y avait rien de diffamatoire dans ces propos, soutiennent les avocats de Nicholas Daudelin.

Dans leur requête en rejet, Le Journal de Montréal (MédiaQMI) maintient avoir rapporté de façon juste les débats judiciaires, et ajoute bénéficier de ce fait de l’immunité pour une poursuite en diffamation. La poursuite de Jean-François Malo s’apparente « fortement à une tentative d’intimidation », soutient MédiaQMI.

L’histoire jusqu’ici

26 mars 2020

Un tireur ouvre le feu sur la résidence de Nicholas Daudelin, un avocat du Mouvement Desjardins.

22 juin 2020

Jean-François Malo, un promoteur immobilier de Joliette, est accusé de tentative de meurtre. Il aurait embauché les deux assaillants.

16 mars 2023

Daouda Dieng et Cheikh Ahmed Tidiane Ndiaye sont condamnés à 9 et 10 ans de détention pour avoir déchargé une arme à feu sur la résidence. Ils sont acquittés de tentative de meurtre.

11 mai 2023

Jean-François Malo poursuit en diffamation Nicholas Daudelin et deux médias